Victor Lenta, le paramilitaire d'extrême droite qui tente de manipuler les Gilets jaunes

Auteur(s)
Maxime Macé
Publié le 05 février 2019 - 14:00
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Le paramilitaire d'extrême droite Victor Lenta.
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©Lucas BARIOULET / AFP
Le militant d'ultra-droite Victor Lenta n'hésite pas à tenter de manipuler le mouvement des Gilets jaunes.
©Lucas BARIOULET / AFP

Très médiatique depuis qu'il s'est présenté comme membre du service d'ordre (SO) des Gilets jaunes, le militant d'ultra-droite Victor Lenta n'hésite pas à tenter de manipuler le mouvement de contestation pour jeter le discrédit sur ses adversaires politiques. Sa cible: les militants de gauche radicale. 

Coiffé d'un béret rouge et le torse bardé de décorations, Victor Lenta est apparu aux premiers rangs des Gilets jaunes lors de l'Acte 9 de la contestation à Paris, le 12 janvier dernier. Le bras ceint d'un bandeau blanc, il se tenait avec d'autres "gros bras" à l'avant du cortège, premiers balbutiements d'un service d'ordre pour encadrer les manifestations des Gilets jaunes. Se présentant comme un certain "Anthony" au Huffington Post qui l'interrogeait, il déclarait: "Étant donné que des gens ont déposé une déclaration de préfecture, il faut un service d'ordre pour contenir les éventuelles violences".

Sauf que voilà, Victor Lenta va être rapidement rattrapé par ses "états de service". Averti par ses lecteurs qui ont identifié l'homme au béret rouge comme un ancien baroudeur de l'ultra-droite française, le Huffington Post va livrer un portrait détaillé de celui qui est passé par le Bloc identitaire et les Jeunesses nationalistes avant de partir faire le coup de feu en 2014 en Ukraine, dans la région sécessionniste du Donbass plus précisément, avec des milices pro-russes.

Victor Lenta lors de l'Acte 9. 

La présence de cet individu dans les cortèges des Gilets jaunes et sa tentative de se mettre en avant va poser la question de la tentative d'infiltration de l'extrême droite au sein d'un mouvement dont ses principaux leaders ont toujours martelé l'apolitisme. Benjamin Griveaux ira jusqu'à s'inquiéter "que le service d’ordre, qui est celui des manifestations qui se tiennent que ce soit à Paris ou dans d’autres endroits, est assuré par des paramilitaires proches de l’extrême droite qui ont servi en Europe centrale, et dont on connaît les idées parce qu’ils les affichent sans états d’âme sur les comptes de leurs réseaux sociaux, que ce soit sur Facebook ou sur Twitter".

Les choses vont aller encore plus loin samedi 2 lors de l'Acte 12 alors qu'une manifestation en hommage aux blessés du mouvement se tient place Daumesnil à Paris. Dans le courant de la journée une vidéo publiée par un compte à la symbolique d'extrême droite et titrée "J. Rodrigues agressé par des antifas" a été diffusée. On y voit Victor Lenta. Exit le béret, les décorations et la célèbre chasuble fluo pour l'occasion. Identifié comme un membre du "service d'ordre", il explique que "apparemment les black blocs ont émis des menaces contre Jérôme Rodrigues" avant d'être "repoussés par la foule". Une accusation massivement relayée sur les réseaux sociaux par des comptes proches de l'extrême droite, par le site islamophobe Riposte Laïque ou le média russe Sputnik.

Victor Lenta "exfiltrant" Jérôme Rodrigues lors de la manifestation en hommage aux blessés. 

L'Action Antifasciste Paris-Banlieue a produit un communiqué où elle nie avoir voulu cibler le leader Gilet jaune: "Jérôme Rodrigues, victime parmi tant d’autres Gilets Jaunes des violences policières, n’a pas été la cible des militants antifascistes, ni hier ni aujourd’hui".

Toutefois, contacté par Libération, c'est Jérôme Rodrigues lui-même qui va mettre fin à la rumeur le voulant ciblé par l'extrême gauche radicale. "Il assure n’avoir été ni blessé, ni attaqué, ni même la cible de personne: «Ni fa, ni antifa, ni black blocs»", précise le quotidien. Le Gilet jaune blessé à l'œil lors de l'Acte 11 a d'ailleurs précisé qu'il y avait eu des tensions entre antifascistes et membres de l'extrême droite à proximité de l'endroit où il se trouvait dans la manifestation ce qui a provoqué son évacuation.

Et pour cause, il y a bien eu un affrontement samedi en marge de la manifestation entre extrême gauche et ultra droite. Après plusieurs agressions du groupuscule des Zouaves paris contre des groupes identifiés comme de gauche lors des précédents Actes des Gilets jaunes, dont notamment le cortège du NPA samedi 26, les militants de la gauche radicale avaient décidé d'organiser une "riposte antifasciste" qui s'est conclue par une violente bagarre samedi 2 entre ces derniers et des individus membres de l'ultra-droite.

Lire aussi - Zouaves Paris: la résurgence de l'extrême droite radicale violente dans la capitale

Dans une vidéo tournée peu après l'événement, et que France-Soir a pu consulter, on peut constater que Victor Lenta se trouve en compagnie de membres de l'ultra droite. Certains sont notamment des membres du groupuscule des Zouaves Paris dont l'un des leaders a visiblement pris la fuite. Tous semblent chercher à échapper à la vindicte des militants de la gauche radicale. Victor Lenta est en grande conversation avec un jeune homme visiblement blessé lors de l'affrontement, qui n'est autre qu'Aloys Vojinovic (un membre actif des Zouaves Paris). Sur la vidéo apparaissent également le militant d'extrême droite Frédéric Jamet et un autre paramilitaire ayant servi dans le Donbass, Sergueï Munier.

Victor Lenta avec des membres de l'ultra-droite samedi 2 février lors de l'Acte 12 des Gilets jaunes. 

A noter également que la veille de l'Acte 12, Victor Lenta expliquait déjà sur son compte Facebook -où sa photo de profil n'est autre qu'un portait de l'ancien chef militaire des insurgé du Donbass Artem Pavlov (dit "Motorola") agrémenté de soldats du régime de Bachar al-Assad- que les "Black Blocs" menaçaient Jérôme Rodrigues. Des accusations qui ne sont pas étayées de preuves et qui ont donc depuis été niées par l'intéressé en personne.

"Les Black blocks viennent de montrer leurs vrais visages: celui d'être le facteur principal de division au sein des Gilets Jaunes. Depuis quelque temps l'extrême gauche antifasciste tente de récupérer ce mouvement qu'elle a au début insulté de manifestation de «beaufs racistes et matérialistes»", avait écrit l'ancien paramilitaire. Et de conclure: "Ceux qui ont défendu le peuple en première ligne lors des premiers actes étaient des provinciaux, des mecs du foot, des nationalistes et quelques rares zadistes...".

L'engagement de longue date de Victor Lenta à l'extrême droite et sa récente implication dans le mouvement des Gilets jaunes (qu'il suit depuis le premier Acte) tendent à prouver que sa tentative de manipulation du mouvement en se servant de la figure populaire qu'est Jérôme Rodrigues n'est pas innocente et relève d'une manœuvre pour tenter de discréditer ses adversaires politiques.

Voir:

Attaque de l'Arc de Triomphe: qui est "Sanglier", ex-JNR proche d'Ayoub et incarcéré

Acte III des "gilets jaunes": trois mois de prison et du sursis pour des jeunes d'extrême droite

"Antisystème" mais aussi antisémite, l'ultradroite veut "aiguillonner les gilets jaunes"

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