Une nouvelle ère pour la science américaine : le Dr Jay Bhattacharya et le décret « Restaurer la science de référence ». Et en France ?

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Le Collectif Citoyen, France-Soir
Publié le 27 mai 2025 - 07:45
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Restaurer la science de référence
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Une nouvelle ère pour la science américaine : le Dr Jay Bhattacharya et le décret « Restaurer la science de référence ». Et en France ?
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Le 23 mai 2025, le président américain Donald J. Trump a promulgué le décret exécutif « Restaurer la science de référence », un texte ambitieux visant à réformer les pratiques scientifiques des agences fédérales des États-Unis. Publié sur le site de la Maison Blanche, ce décret s’inscrit dans la continuité des réformes impulsées par le Dr Jay Bhattacharya, confirmé le 25 mars 2025 comme directeur des National Institutes of Health (NIH) par un vote serré du Sénat (53-47). Cette nomination, saluée comme un tournant par des observateurs tels que France Soir, marque une volonté de restaurer la confiance dans la science biomédicale, un objectif renforcé par le décret présidentiel signé deux mois plus tard. Alors que les États-Unis redéfinissent leurs priorités scientifiques, la France, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, cherche à tirer parti de ce bouleversement pour attirer des chercheurs étrangers. Quelles sont les implications de ces changements pour la recherche, les chercheurs, les patients et les relations transatlantiques ?

Les priorités visionnaires de Jay Bhattacharya pour le NIH

Lors de son audition de confirmation devant le comité HELP du Sénat, le 5 mars 2025, le Dr Jay Bhattacharya, professeur de médecine et d’économie à Stanford, a dévoilé une vision audacieuse et un projet ambitieux pour le NIH, l’agence fédérale dotée d’un budget de 48 milliards de dollars et responsable de 27 instituts de recherche. Connu pour sa co-rédaction de la Great Barrington Declaration, qui prônait une approche ciblée face à la pandémie de COVID-19, Bhattacharya a articulé cinq priorités pour redonner à la science sa rigueur et sa centralité dans la vie des Américains.

Dr Jay Bhattacharya

D’abord, il a insisté sur la nécessité de s’attaquer à la crise des maladies chroniques. Alors que l’espérance de vie stagne aux États-Unis, minée par l’explosion du diabète, des cancers et des maladies cardiovasculaires, Bhattacharya souhaite réorienter les efforts du NIH vers l’identification des causes profondes de ces pathologies. Cette approche marque un virage vers des solutions préventives et durables, plutôt que des traitements symptomatiques.

Ensuite, Bhattacharya a placé la transparence et la liberté académique au cœur de son projet. « Le dissentiment est l’essence même de la science », a-t-il déclaré, dénonçant la marginalisation des voix dissidentes, comme la sienne lors de la crise du COVID-19. Il s’est engagé à protéger les scientifiques qui osent défier le consensus, notamment en conditionnant les subventions du NIH au respect de la liberté d’expression dans les universités.

La réforme des processus de financement constitue un autre pilier. Bhattacharya a critiqué la « pensée de groupe » qui domine l’attribution des fonds, plaidant pour des évaluations rigoureuses et des financements orientés vers des recherches à fort impact, y compris dans des domaines risqués comme le gain de fonction. Cette volonté de rompre avec les pratiques bureaucratiques pourrait dynamiser l’innovation, mais suscite aussi des inquiétudes parmi les chercheurs habitués à des financements plus prévisibles.

Un autre engagement marquant concerne la sécurité des vaccins. Soutenant le mouvement Make America Healthy Again (MAHA), Bhattacharya a proposé des essais cliniques contrôlés par placebo pour les vaccins, une pratique rare dans les protocoles actuels. Cette mesure vise à répondre aux préoccupations soulevées par des figures comme le sénateur Ron Johnson, qui, lors d’une audition le 23 mai 2025, a dénoncé l’opacité sur les effets secondaires des vaccins COVID-19.

Enfin, Bhattacharya a prôné une approche centrée sur le patient, intégrant les impacts sociaux et économiques des politiques de santé. Plutôt que de se focaliser uniquement sur les maladies, il souhaite que le NIH prenne en compte des facteurs comme l’éducation des enfants ou la santé mentale des familles, une perspective novatrice dans un système souvent critiqué pour son cloisonnement.

 

En réponse aux biais scientifiques ce décret est une continuité logique

Signé deux mois après la confirmation de Bhattacharya, le décret s’inscrit dans la droite ligne de cette vision. Ce texte vise à restaurer la confiance dans la science en imposant des normes strictes aux agences fédérales, dont le NIH, le CDC et la FDA. Ce texte répond à une perception de crise, illustrée par des controverses comme les directives du CDC sur la réouverture des écoles pendant la pandémie, influencées par des acteurs non scientifiques. Il exige que les recherches soient reproductibles, transparentes, falsifiables, soumises à un examen par les pairs impartial et exemptes de conflits d’intérêts. Les agences doivent rendre publiques leurs données, analyses et modèles, une mesure qui fait écho à l’appel de Bhattacharya à la transparence.

Le décret ordonne également une réévaluation des politiques scientifiques adoptées entre 2021 et 2025, sous l’administration Biden, pour s’assurer qu’elles respectent ces standards. Cette démarche reflète la volonté de Bhattacharya de corriger ce qu’il perçoit comme des dérives, notamment dans la gestion des crises sanitaires. Il rétablit les politiques d’intégrité scientifique de la première administration Trump (2017-2021) et charge l’Office of Science and Technology Policy (OSTP) de publier des directives dans les 30 jours pour concrétiser ces principes. Cette démarche répond directement aux critiques de Bhattacharya, qui dénonçait les dérives bureaucratiques et la politisation de la science, notamment dans la gestion de la crise du COVID-19.

Cette convergence entre le décret et la vision de Bhattacharya est renforcée par des mesures concrètes, comme l’interdiction des sous-contrats avec des chercheurs étrangers, instaurée par Bhattacharya le 1er mai 2025. Cette décision, visant à protéger la propriété intellectuelle américaine, s’aligne avec l’accent du décret sur l’indépendance scientifique et la souveraineté nationale.

Conséquences pour la recherche aux États-Unis

Les réformes impulsées par Bhattacharya et le décret promettent de transformer le paysage de la recherche biomédicale. L’exigence de transparence et de reproductibilité devrait améliorer la fiabilité des études financées par le NIH, notamment dans des domaines comme la biotechnologie ou la lutte contre les maladies chroniques. Cependant, la réévaluation des politiques de 2021-2025 pourrait perturber des programmes existants, en particulier dans des secteurs comme la santé publique ou la recherche climatique, si elles sont jugées non conformes aux nouveaux standards. Cette réorientation pourrait également détourner des fonds de disciplines moins alignées avec les priorités de l’administration, comme les études environnementales.

La politisation perçue par les opposants politiques de ces réformes constitue un autre défi : celui de vraiment remettre le patient au centre des priorités. La nomination de Bhattacharya, figure dénigrée par les médias et les politiques non indépendants pour ses positions sur le COVID-19, et le décret de Trump apportent des signes de rassurance quand à la dynamique de l’administration Trump. Cependant au sein de la communauté scientifique, certains y voient une correction nécessaire des biais bureaucratiques, tandis que d’autres craignent une menace à l’indépendance de la recherche, alimentant un climat de tension.

 

Conséquences pour les patients

Pour les patients, les réformes promettent des avancées significatives. La focalisation sur les maladies chroniques et les essais cliniques rigoureux pourrait déboucher sur des traitements plus fiables, répondant à des préoccupations comme celles soulevées par Ron Johnson sur les vaccins. Cependant, la réévaluation des financements risque de retarder l’accès à de nouvelles thérapies, affectant les patients dépendant de l’innovation rapide, comme ceux atteints de maladies rares. À long terme, la restauration de la confiance dans les institutions scientifiques permettra sans nul doute d’améliorer l’adhésion aux politiques de santé publique, mais à court terme, la polarisation autour des réformes pourrait compliquer cet objectif.

 

Impact sur les chercheurs

Pour les chercheurs, ces réformes impliquent des défis et des opportunités. Les exigences de transparence, comme la publication des données, pourraient alourdir la charge administrative, particulièrement dans les études cliniques où le partage des données sensibles soulève des questions éthiques. L’interdiction des sous-contrats étrangers limite les collaborations internationales, un pilier de la recherche moderne, et pourrait isoler les chercheurs américains. Cependant, l’engagement de Bhattacharya à protéger les voix dissidentes offre un espace pour l’innovation et le débat, encourageant les scientifiques à explorer des idées non conventionnelles.

Ces contraintes, combinées à l’incertitude générée par la réévaluation des politiques, pourraient dans le court terme pousser certains scientifiques à chercher des opportunités à l’étranger, notamment en Europe, où les conditions sont perçues comme plus stables. L’herbe est-elle plus verte de l’autre côté de la barrière ?

 

Une opportunité pour la France ? ou un mirage

Le 23 mai 2025, Emmanuel Macron a décrit un plan ambitieux pour attirer les chercheurs étrangers en France, en annonçant des financements généreux et un environnement favorable à l’innovation. Cette initiative tomberait à point nommé, alors que les réformes américaines créent des incertitudes. Les chercheurs, confrontés à des restrictions sur les collaborations internationales ou à une politisation perçue de la science, pourraient être séduits par l’offre française, notamment dans des domaines comme l’intelligence artificielle, la biotechnologie ou les énergies propres.

Science en France

La France, avec des institutions comme le CNRS et l’Institut Pasteur, a les atouts pour devenir un hub scientifique mondial. Cependant, elle devra surmonter des défis, notamment des salaires compétitifs et une bureaucratie souvent critiquée. Une réalité plus sombre que l’effet d’annonce et la façade communicationnelle du president français – un projet manquant de substance alors que la France est engluée dans des contraintes budgétaires et peine à soutenir des réformes profondes. De plus en France, les scientifiques qui, comme Bhattacharya se sont opposés à la politique sanitaire du gouvernement font toujours l’objet de « harcèlement et de censure institutionnalisée ». De plus, l’interdiction des sous-contrats étrangers par le NIH pourrait compliquer les collaborations transatlantiques, obligeant la France à repenser ses partenariats scientifiques.

Enfin, les débats sur la transparence aux États-Unis, amplifiés par des révélations comme le rapport de Ron Johnson, trouvent un écho en France, où 82 % des citoyens, selon un sondage MIS Groupe pour France-Soir/BonSens.org, demandent la levée du secret-défense sur la gestion de la crise COVID-19. L’initiative de Macron s’inspirera-t-elle de cet élan pour renforcer la confiance dans les institutions françaises ou restera-t-elle au rang d’annonces.

Gestion du covid et commission - janvier 2025

 

Le décret Restoring Gold Standard Science et la direction de Jay Bhattacharya au NIH redéfinissent la science américaine, avec une ambition de rigueur, de transparence et de centration sur le patient. En s’appuyant sur les priorités de Bhattacharya – lutte contre les maladies chroniques, liberté académique, réforme des financements, sécurité des vaccins et approche humaine –, le décret vise à restaurer la confiance dans la science. Cependant, ces réformes voulues par les Américains, même si elles risquent de polariser la communauté scientifique et de ralentir certains projets, ouvrent une véritable fenêtre d’opportunité pour restaurer le rôle et l’indépendance de la science au service du citoyen. Dans un monde où la science est un enjeu stratégique, ces bouleversements redessinent les équilibres transatlantiques redonnant le poids tant attendu au citoyen. 

Si le soleil se lève à l’Est, il semblerait que ce soit bien à l’Ouest qu’il se lève pour que la science retrouve ses lumières. « La France devra choisir si elle préfère la lumière crue de la vérité ou le crépuscule confortable du mensonge ».

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