Etats-Unis : une défiance politique plus que scientifique ? Le conflit au cœur du NIH


La déclaration de Bethesda : une rébellion interne
La « Déclaration de Bethesda » porte le nom du siège du NIH à Bethesda, Maryland. Signée par plus de 300 employés, dont près de 100 osent apposer leur nom malgré des craintes de représailles, elle dénonce les politiques de l’administration Trump, accusées de compromettre la mission du NIH : « rechercher des connaissances fondamentales sur la nature et le comportement des systèmes vivants pour améliorer la santé, prolonger la vie et réduire les maladies. »
Les griefs sont précis : la résiliation abrupte de 2 100 subventions de recherche, soit 9,5 milliards de dollars, depuis le 20 janvier 2025, une proposition de couper le budget du NIH de 40 % (de 48 milliards de dollars annuels à une somme bien moindre), et un taux forfaitaire de 15 % pour les coûts indirects, menaçant le financement des laboratoires, des équipements et des études sur le COVID-19, le changement climatique ou les disparités en santé.
S’inspirant de la « Déclaration de Great Barrington » de 2020, co-rédigée par Bhattacharya avec les Drs Martin Kulldorff et Sunetra Gupta, les employés ironisent : « Nous espérons que vous accueillerez favorablement ce dissentiment, que nous avons modelé sur votre Déclaration. » Ce texte de 2020 prônait une « protection focalisée » face à la pandémie, protégeant les vulnérables tout en laissant les autres reprendre une vie normale pour atteindre l’immunité collective. Critiqué comme « immorale » par le directeur de l’OMS, il avait valu à Bhattacharya des accusations de censure par les agences scientifiques. Les signataires rappellent à Bhattacharya sa promesse, lors de son audience de confirmation en mars 2025, de défendre le dissentiment, « l’essence même de la science », et exigent un retour à un processus d’attribution des subventions par des experts via un examen par les pairs.
Maryanne Demasi, journaliste scientifique, souligne l’ampleur de la fronde : des employés, dans des courriels internes, décrivent un « climat de peur et d’anxiété » au NIH, où la liberté de parole est étouffée. Certains craignent des licenciements ou des pressions pour se conformer aux nouvelles priorités. Une seconde lettre, signée par des dizaines de scientifiques extérieurs, dont plus de 12 lauréats du Nobel, appuie la Déclaration, dénonçant une « érosion de la mission scientifique » et un risque pour la position des États-Unis comme leader en recherche biomédicale.
La réponse de Bhattacharya et les réformes de l’administration
Le Dr Jay Bhattacharya, nommé directeur du NIH par Trump, répond le 9 juin 2025. Il qualifie la Déclaration de Bethesda de « malentendu » sur les réformes, affirmant : « Le dissentiment respectueux en science est productif. Nous voulons tous que le NIH réussisse. » Il insiste sur la collaboration internationale et la nécessité de recentrer la recherche sur des priorités « impactantes ». Un porte-parole du Département de la Santé et des Services sociaux (HHS) défend les coupes, visant à « éliminer l’influence idéologique » et à promouvoir une science « rigoureuse ».
Voici les grandes lignes de sa position :
- Bhattacharya reconnaît le droit au dissentiment tout en contestant les interprétations des employés. : « nous voulons tous que le @NIH réussisse et je crois que le dissentiment en science est productif. Cependant, la Déclaration de Bethesda repose sur des malentendus fondamentaux concernant les orientations politiques récentes du NIH. »
- Il défend les coupes comme un moyen d’éliminer les biais idéologiques : « nous travaillons à éliminer l’influence idéologique de la science. Le financement du NIH doit se baser sur des hypothèses prouvables et testables, pas sur des narrations idéologiques. Les projets qui ne répondent pas à ce critère sont arrêtés pour nous concentrer sur une recherche rigoureuse et impactante. »
- Il justifie les restrictions sur les collaborations internationales par des considérations de transparence. : « le NIH n’a pas stoppé les collaborations internationales légitimes. Nous veillons simplement à assurer une responsabilité, un devoir de base lorsque l’on dépense l’argent des contribuables avec sagesse. Nous devons savoir qui fait la recherche. »
- Il nie une atteinte à l’examen par les pairs, promettant plus de transparence : « les affirmations selon lesquelles le NIH compromet l’examen par les pairs sont mal comprises. Nous élargissons l’accès à la publication tout en renforçant la transparence, la rigueur et la reproductibilité dans la recherche financée par le NIH. »
- Il annonce des révisions et des réintégrations, tout en insistant sur une gestion prudente : « enfin, nous examinons chaque cas de résiliation avec soin et certains individus ont déjà été réintégrés. À mesure que les priorités du NIH évoluent, notre personnel doit s’adapter pour rester focalisé sur la mission et gérer les fonds publics de manière responsable ».
Ces posts reflètent une tentative de désamorcer les critiques, mais n’ont pas apaisé les tensions. En mai 2025, des employés quittent une réunion interne en protestation, dénonçant un climat de peur. Des vigiles hebdomadaires à Bethesda commémorent « les vies et les connaissances perdues ». Demasi rapporte des propos anonymes : « Nous nous sentons trahis. Il prêche la liberté académique, mais nos voix sont réduites au silence. »
Les décrets de Trump, rapportés par France-Soir comme « une nouvelle ère pour la science américaine », s’alignent sur le MAHA, promu par des figures comme Robert F. Kennedy Jr. Le décret pour « restaurer le gold standard en science » priorise les maladies chroniques, la transparence, la reproductibilité et l’innovation. La FDA, quant à elle, adopte une « nouvelle approche réglementaire » pour les vaccins, visant la sécurité et l’efficacité pour restaurer la confiance. Le rapport du sénateur Ron Johnson, dénonçant l’opacité et la corruption dans la gestion de la pandémie, renforce ces réformes, faisant écho aux critiques de Bhattacharya sur la censure passée.
Une lutte pour la transparence ou une politisation ?
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