Accord UK-UE : Les conservateurs accusent Keir Starmer de “trahison” en “capitulant” face à Bruxelles


Neuf ans après le Brexit, le Royaume-Uni opère un “back in”. Non pas en réintégrant formellement l’Union européenne (UE), mais, selon les conservateurs et les opposants au Premier ministre Keir Starmer, en se soumettant à Bruxelles à travers la signature d’un nouvel accord qui acte un rapprochement inédit avec l’UE. Pour l’ancien négociateur en chef du Brexit, David Frost, l’exécutif a trahi le vote de 2016.
Lundi, Londres et Bruxelles ont signé un accord lors du premier sommet bilatéral post-Brexit, en présence du Premier ministre britannique Keir Starmer, de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, du président du Conseil européen Antonio Costa et de la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas. Ce sommet, voulu comme un “reset” des relations entre Londres et Bruxelles après des années de tensions, avait pour objectif d’ouvrir un nouveau chapitre dans la coopération entre les deux partenaires.
Entre autres clauses, l’accord prévoit la prolongation de l’accès des navires européens aux eaux britanniques pour la pêche jusqu’en 2038, maintenant les quotas existants et garantissant la présence des pêcheurs européens pour douze années supplémentaires. Il introduit également un accord sanitaire et phytosanitaire qui simplifie les échanges de produits alimentaires, agricoles et animaux entre le Royaume-Uni et l’UE.
La volonté des Britanniques “bafouée”
Sur le plan de la défense et de la sécurité, l’accord permet au Royaume-Uni de participer à certaines réunions ministérielles européennes, à des exercices militaires conjoints et à des missions européennes. Il ouvre aussi la voie à une coopération renforcée dans l’industrie de défense, avec la possibilité pour les entreprises britanniques d’accéder à un fonds européen de 150 milliards d’euros dédié à l’armement, sous réserve d’un accord complémentaire.
L’accord comprend la création d’un programme de mobilité pour les jeunes, permettant aux 18-30 ans de voyager, travailler, étudier ou faire du volontariat plus facilement entre le Royaume-Uni et l’UE, avec des visas limités dans le temps et en nombre, ainsi que la participation du Royaume-Uni au programme Erasmus+.
En outre, le texte prévoit l’interconnexion des marchés du carbone britannique et européen, facilitant le commerce de quotas d’émission et évitant la double imposition de taxes carbone sur les produits industriels échangés entre les deux pays.
Des clauses qui suscitent la colère des conservateurs britanniques. À commencer par l’ancien négociateur du Brexit, le diplomate David Frost, ancien Conseiller à la Sécurité nationale sous Boris Johnson. Dans une tribune publiée dans The Telegraph, David Frost estime que le PM Keir Starmer n’a ni plus ni moins “trahi” le vote de 2016 et que “la volonté du peuple britannique a été bafouée”.
Reprenant dans son texte les principales clauses de l’accord, il explique sa position, motivée, “premièrement”, par le marché unique agroalimentaire. “Nous devons appliquer les lois de l’UE dans nos secteurs agricoles et alimentaires, dans toutes les entreprises et toutes les exploitations, qu’elles commercent avec l’UE ou non, et ce sont les tribunaux européens qui auront le dernier mot en cas de litige”, déplore-t-il.
David Frost alerte contre un “remplacement de produits par des alternatives moins chères hors UE (...) tout cela pèse davantage dans les chiffres du commerce que la paperasse douanière” que le Royaume-Uni et l’UE allègent à travers cet accord. “En réalité, cet accord va surtout faciliter l’accès au marché britannique pour l’UE, un producteur agricole plus grand, plus prospère, plus diversifié… et plus cher”, affirme-t-il.
Londres “soumise aux règles de Bruxelles”
Le diplomate critique aussi l’engagement de Londres à rejoindre le marché unique de l’électricité, mais surtout le système d’échange de quotas carbone. “Vous trouvez que les prix de l’énergie sont déjà trop élevés ? Attendez un peu : le prix du carbone dans l’UE est 50 % plus élevé que chez nous. Pire encore, nous nous engageons à respecter des objectifs de neutralité carbone “au moins aussi ambitieux que ceux de l’UE”. Vous voulez sortir de la neutralité carbone ? Pas de bol : impossible, sauf si l’UE est d’accord”, écrit-il.
À propos de la pêche, David Frost accuse Keir Starmer et son administration d’avoir “abandonné” le contrôle des zones de pêche britanniques, “qui devaient pourtant revenir totalement entre nos mains l’année prochaine”. “Le Royaume-Uni demandait à l’origine quatre ans et pensait que l’UE accepterait peut-être six ou sept. Au final, nous avons dit oui pour douze. Brillant”, ironise-t-il. Il affirme que cet accord “ruine toute perspective de reconstruction de l’industrie de la pêche avec nos propres ressources halieutiques”.
Le programme de mobilité pour les jeunes suscite aussi des critiques.” Il n’y a aucun engagement sur un quota, juste une mention vague selon laquelle “le nombre total de participants doit être acceptable pour les deux parties””, fait-il remarquer.
Le membre du Parti conservateur souligne le point le plus critique à ses yeux, à savoir “un tarif, pour avoir le droit d’être gouvernés par l’UE en matière agroalimentaire. Un autre pour accepter leurs règles sur l’énergie et la neutralité carbone. Et un autre encore pour réintégrer le programme Erasmus. Cela nous coûtait environ 150 millions de livres par an”.
“Cet accord concède des intérêts britanniques majeurs pour très peu en retour”, avertit-il. “L’Union européenne est impitoyable : elle sait prononcer de belles paroles tout en poursuivant implacablement ses intérêts”, au détriment de Londres, déplore-t-il encore.
Même son de cloche chez les principales figures de l’opposition, idem pour la presse, qui regrette une “capitulation” du PM britannique. La cheffe de l’opposition conservatrice, Kemi Badenoch, ainsi que d’autres députés, dénoncent un Royaume-Uni désormais “soumis aux règles de Bruxelles”.
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