Au Royaume-Uni, l'extrême droite fait sauter un verrou et se voit déjà à Downing Street

Auteur(s)
France-Soir avec AFP
Publié le 05 mai 2025 - 12:20
Image
Nigel Farage satisfait de la montée en puissance de son parti
Crédits
OLI SCARFF AFP
OLI SCARFF AFP

Après son succès lors d'élections locales, le parti anti-immigration Reform UK, derrière son chef Nigel Farage, voit ses ambitions décuplées au Royaume-Uni, où le plafond de verre jusqu'ici solide face à l'extrême droite semble se fissurer.

La formation, héritière du Parti du Brexit, a remporté plus de 670 sièges de conseillers locaux et deux postes de maire. Et a ravi au Labour de Keir Starmer (centre gauche) un siège de député à Runcorn, dans le nord-ouest de l'Angleterre.

"Nous pouvons et allons gagner la prochaine élection générale", prévue dans 4 ans, a lancé Nigel Farage vendredi aux nouveaux élus Reform du Staffordshire (centre), galvanisés par la victoire.

Elle confirme la montée en puissance du parti, qui avait déjà réalisé une percée aux législatives de juillet en obtenant ses cinq premiers députés.

"C'est le meilleur résultat atteint par un parti populiste de la droite radicale dans le pays", souligne Tim Bale, professeur de politique à l'université Queen Mary de Londres.

Omniprésent sur les réseaux sociaux, volontiers provocateur, Nigel Farage s'en prend aux travaillistes comme aux conservateurs qui dominent la vie politique depuis des décennies. Il y déploie une rhétorique anti-immigration, y voyant la cause du déclin économique du Royaume-Uni et du piètre état des services publics.

À l'image de son "ami" Donald Trump, Nigel Farage pourfend les impôts, les dépenses publiques et martèle qu'il "veut rendre au Royaume-Uni sa grandeur".

Ça marche. Reform attire les déçus des deux grands partis, et arrive régulièrement en tête des intentions de vote dans la perspective d'un scrutin national.

Peter Sherliker, retraité de 70 ans vivant à Runcorn, le trouve "inspirant". Après 30 ans chez les conservateurs, il a voté Reform, "très inquiet" du niveau d'immigration et désireux d'"un changement".

Le parti, soucieux d'offrir une image respectable - il avait dû retirer son soutien à plusieurs candidats aux législatives après des propos racistes - s'est mué en quelques mois en machine électorale, labourant le terrain.

"Ils sont très intelligents dans la manière dont ils avancent leurs pions dans une ville habitée par des blancs défavorisés" comme Runcorn, s'inquiète Rebecca Thomas, une employée d'école de 44 ans, rencontrée après l'élection.

Dans cette ville d'environ 61 000 habitants, Reform a installé sa permanence dans un centre commercial largement occupé par des enseignes à bas prix.

Le parti, qui revendique plus de 225 000 membres, est celui qui a investi le plus de candidats pour le scrutin local, souligne Paul Whiteley, chercheur en sciences politiques à l'université d'Essex.

Nigel Farage a été omniprésent, surtout dans les zones rurales, les petites villes et les anciens centres industriels.

"Nous en avons marre de la manière dont nous sommes traités. Notre situation se dégrade", se plaint Gillian Brady, soignante de 59 ans également rencontrée à Runcorn, citant la hausse des impôts, l'immigration et les difficultés pour se soigner.

Reform attire aussi en affirmant vouloir défendre une identité britannique qu'il juge menacée, mettant par exemple en avant des affaires retentissantes de réseaux pédocriminels majoritairement organisés par des hommes d'origine pakistanaise.

Il ne s'agit plus seulement d'un parti de protestation, estime Russell Foster, professeur de sciences politiques au King's College: beaucoup considèrent qu'il est "leur seule option" face aux problèmes du pays.

Au point de causer la disparition des Conservateurs ? Représentants de la droite traditionnelle depuis 200 ans et longtemps au pouvoir, eux qui ont connu jeudi une nouvelle débâcle. Ces derniers mois déjà, certains de leurs élus ont quitté le navire pour Reform, comme la nouvelle maire du Lincolnshire, Andrea Jenkyns.

Nigel Farage a jugé que c'était "fini" pour eux et rejette toute future alliance.

Mais "le plus dur commence", reconnaît Martin Murray, nouvel élu dans le Staffordshire et coordinateur local de Reform. Entre deux acclamations, il appelle ses troupes à "montrer leur compétence, car cela prouvera à tout le pays que nous sommes sérieux".

Nigel Farage parviendra-t-il à diriger cette nouvelle armée d'élus locaux, lui qui a plusieurs fois claqué la porte de ses précédents partis ? Il a déjà évincé un député qui contestait sa légitimité.

Sa proximité avec Donald Trump pourrait aussi lui valoir un retour de bâton.

"Si un plafond de verre a bien été brisé par Reform", il en reste un autre, juge Tim Bale, car "il y a beaucoup plus de gens qui n'aiment pas Nigel Farage que de gens qui l'apprécient".

L'Europe semble vouloir désormais se positionner de plus en plus en souverainiste, y compris chez ceux qui comme en Grande Bretagne y ont déjà gouté avec le brexit.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.