Autriche : les partis du "Great Resist" persistent et signent en défendant la neutralité du pays

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FranceSoir
Publié le 14 avril 2022 - 20:20
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Autriche Herbert Kickl du parti FPO 2
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Le chef du Parti de la liberté (FPOe), Herbert Kickl (R), s'exprime alors que le chancelier autrichien Karl Nehammer réagit lors d'une session du Nationalrat, le parlement autrichien, le 20 janvier 2022 à Vienne.
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Au moment où les élites de la Finlande manœuvrent vers un débat parlementaire sur l'accession du pays à l'Otan, où se déroulent les exercices "Cold Response" en Norvège, et où le transport de matériel lourd et de troupes vers le front de guerre en Europe de l’Est ne peut plus être caché aux populations, l'opposition autrichienne se prononce clairement pour la stricte neutralité. En Autriche et alentours, elle se fait appeler "Great Resist" ; on y retrouve les partis MFG et FPÖ, qui s'étaient déjà unis pour lutter contre l'obligation vaccinale et appelaient à une médiation entre la Russie et l'Ukraine dès la fin du mois de février.

Le 14 mars, le site De Statista publiait les résultats du sondage au peuple autrichien, qui répondait à la question : "Quelle importance revêt pour vous la neutralité autrichienne ?" 91 % des interrogés ont répondu que la neutralité est, pour eux, "très importante" (70 %) ou "importante" (21 %). Ils ne prêchent dont pas dans le désert.

Voir aussi : "Il faut une médiation pour arrêter ce bain de sang": Andrey Kortunov propose Angela Merkel

Les envolées guerrières du chancelier autrichien

La première semaine d’avril, le chancelier autrichien Nehammer, après s’être rendu à Kiev auprès du président Zelensky, s’est envolé pour Moscou. Il a ainsi été le premier dirigeant européen à rencontrer Vladimir Poutine en personne depuis le 24 février et le début du conflit russo-ukrainien. Cependant, Karl Nehammer a refusé la conférence de presse conjointe que lui proposait Vladimir Poutine. Avant de partir pour Moscou, il avait même déclaré qu'il "n'y serait pas allé" si Volodymyr Zelensky s'y était opposé. Pour Herbert Kickl, président de FPÖ, Karl Nehammer "déclare [ainsi, ndlr] la banqueroute de l'Autriche neutre". Et d'ajouter : "On dirait que le chancelier se laisse téléguider depuis l'Ukraine, plutôt que de prendre ses propres décisions comme on est en droit de s'attendre s'agissant d'un pays indépendant."

Or, si le gouvernement du chancelier Nehammer s'aligne sur l'Otan et la Commission européenne en adoptant une panoplie de sanctions contre la Russie, les deux partis dudit "Great Resist", MFG Ö (parti fondé en 2021) et FPÖ, rencontrent un soutien électoral et populaire croissant. Leurs convictions s’opposent diamétralement à celles du gouvernement en place.

Que dit le "Great Resist" à propos de la géopolitique ?

À rebours du discours officiel, le parti MFG saluait la victoire du parti de Viktor Orban en Hongrie, lors des législatives du 4 avril dernier. Plus particulièrement, il soulignait son refus des sanctions contre la Russie, son refus de permettre le transport d'armes de l'Otan sur le territoire hongrois et son refus d'attiser l'effort de guerre contre la Russie. Il s'exprimait dans un communiqué :

"Qui prononce les mots “Menschen, Freiheit und Grundrechte” (L'Homme, La Liberté, les Droits fondamentaux, nom du parti autrichien MFG) ne peut faire l'impasse sur le thème de la paix et de la neutralité. Rester les bras ballants devant une guerre en Europe sans ne rien pouvoir entreprendre pour y mettre fin au plus vite, est pour tant de citoyens chose insupportable. Pire encore serait une éventuelle guerre sur le sol autrichien, avoir à déplorer nos propres morts. Le gouvernement [du chancelier, ndlr] Nehammer conduit notre pays droit dans le mur… Prendre part aux sanctions et mesures punitives signifie léser gravement son propre pays. Suite à deux ans de mesures incompréhensibles prises au nom du Covid-19, cela peut très bien conduire à l'effondrement total de l'économie nationale".

Pour sa part, le président de FPÖ, Herbert Kickl, a commenté cette victoire en ces termes : "Je le félicite pour son éclatante victoire. Il s'agit d'un signal qui sera perçu très au-delà des frontières de la Hongrie : voilà les fruits d'un travail soutenu dans les intérêts du peuple plutôt que […] de la Nomenclature bruxelloise." Manifestement, l’hostilité affichée de la presse mainstream à l’égard du chef d'État hongrois ne l’inquiète pas non plus.

Le président de MFG, l'avocat Michael Brunner, a quant à lui déclaré :

"On se demande ce que Nehammer pense faire avec cette visite chez Poutine, si ce n'est de ridiculiser l'Autriche. S'il voulait véritablement défendre notre neutralité — chose que MFG soutiendrait de tout cœur, il devait inviter Poutine et Zelensky à Vienne. L'Autriche étant devenu une zone de transit pour les troupes de l'Otan, le rôle de Nehammer comme intermédiaire neutre est peu convaincant. De même, l'expulsion des diplomates russes [échéance le 12 avril, ndlr] contredit frontalement l'exercice correct de la neutralité autrichienne."

Un discours qui n'est pas sans rappeler la situation française, quelques semaines plus tôt, quand Emmanuel Macron se présentait en médiateur pour la paix juste avant que le conflit éclate. L'eau a coulé sous les ponts et la neutralité semble être un lointain souvenir.

Voir aussi : "Macron porte une lourde responsabilité": Yves Pozzo di Borgo sur le conflit Russie-Ukraine

Par ailleurs, Me Brunner suppose que la visite à Moscou a servi opportunément à occulter le scandale "Cobra". Quelques jours plus tôt, des gardes du corps de l'épouse Nehammer se seraient intoxiqués lors d’une beuverie au domicile de celle-ci et en sa compagnie, et auraient provoqué un accident de la circulation par la suite. Ce qui n'aurait pas fait très bonne presse...

"Lutter contre le feu en attisant le feu"

Et, les sanctions ne sont pas près de s'arrêter. Par 513 voix pour, 22 contre et 19 abstentions, jeudi 7 avril dernier, les députés européens ont adopté une résolution urgeant de nouvelles sanctions contre Moscou, et notamment un embargo total sur les importations de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz en provenance de Russie.

À ce sujet, le chef du groupe FPÖ dans le parlement européen, Harald Vilimsky, a déclaré que ladite résolution équivalait à "lutter contre le feu en attisant le feu". Selon lui, ni ces sanctions, ni la préconisation de livrer des armes massivement à l'Ukraine, ou même d’intégrer celle-ci à l'Union, ne sont dans l'intérêt du peuple autrichien. "Ce ne sont pas les Biden, les von der Leyen ou les Nehammer qui vont en souffrir, ce sont nos citoyens", a-t-il martelé.

Le FPÖ s’inquiète plus particulièrement de la circulation incontrôlée d’armes de guerre en Ukraine, grâce au flot ininterrompu de livraisons depuis les pays de l’Otan. Ils rappellent qu’en ex-Yougoslavie, 500 000 armes à feu se retrouvent entre les mains de divers trafiquants et mafieux.

Lire aussi : Comment les guerres s’entrecroisent ?

Un autre parlementaire européen de FPÖ, Georg Mayer du Steiermark, a averti contre l'impact désastreux d'un embargo sur le gaz russe pour l'industrie autrichienne, et par ricochet pour le peuple : "Il n'existe pas de plan B qui soit opérationnel. L'UE dépend de la Russie pour ce qui est de son énergie, c'est un fait indiscutable, et l'UE se punit elle-même. Les fantaisistes de l'UE prêchent pour le développement d'énergies renouvelables […] ce qui est infaisable à court terme. Ils font donc le pèlerinage aux Sheiks arabes […] ces mêmes pays qui font des guerres et piétinent les droits de l'homme !"

Un troisième élu a pointé du doigt le soi-disant "Green Deal" de l'UE et sa stratégie "Farm to Fork”" qui devrait au contraire "être enterrée". D'autant plus que les peuples européens pourraient bientôt être confrontés à la famine, argue-t-il. La Russie est le plus gros producteur de fertilisants du monde, et avec l'Ukraine, compte pour 30 % de la production de blé du monde entier. Sur ce point, ils sont d'accord avec Emmanuel Macron et Joe Biden...

Fin de discussion

Finalement, comme d'autres pays européens, l'Autriche a fait le choix d'expulser les fonctionnaires russes (quatre d'entre eux) le 12 avril dernier. À ce sujet, le porte-parole de politique étrangère de FPÖ s'emporte en déclarant que son pays "démolissait ainsi l'ultime pont qui restait pour la diplomatie". Il ajoutait : "Précisément parce que l'Autriche est un pays neutre, cette voie de communication déjà étroite devait rester ouverte. Au contraire, le ministre Schallenberg aurait dû promouvoir des négociations russo-ukrainiennes en Autriche, alors qu'il [par ces expulsions, ndlr] nous fait perdre la dernière opportunité."

Le parti FPÖ s'oppose ainsi à toutes ces "sanctions irréfléchies", assurant que l'Autriche "se tire une balle dans le pied". Selon eux, il faudrait plutôt construire "une base acceptable et solide pour la paix entre les deux parties prenantes du conflit".

 

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