L’Autriche, nouveau soutien de Moscou dans l’Union européenne ?

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MB
Publié le 19 avril 2018 - 09:35
Mis à jour le 23 avril 2018 - 19:53
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Le ministre autrichien des Affaires étrangères et chef du Parti populaire autrichien (ÖVP) Sebastian
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© JOE KLAMAR / AFP/Archives
Sebastian Kurz est un soutien en Europe pour le régime de Moscou.
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Dans une période de tensions diplomatiques particulièrement sensibles entre l'UE et la Russie, entre frappes en Syrie de la France et du Royaume-Uni et débat sur la poursuite des sanctions, Moscou peut compter sur un nouveau relai, celui de l'Autriche. L'arrivée au pouvoir du jeune Sebastian Kurz permet à Moscou de pouvoir compter sur un nouveau dirigeant ouvert à la main tendue par Vladimir Poutine.

Une formalité. Le 23 mars 2018, Vladimir Poutine a remporté pour la quatrième fois l’élection présidentielle russe en affichant un score sans appel de 76,69%, avec une avance de 65 points sur le second. La seule candidate présentée comme réellement alternative au régime, Ksenia Sobchak, n’a recueilli que 1,68% des voix. Critiquée par une partie de l’opposition russe à Vladimir Poutine comme étant peut-être dirigée en sous-main par le Kremlin, sa candidature est soupçonnée d’avoir servi à cacher l'absence de celle d’Alexeï Navalny, opposant indiscutable à Poutine dont la candidature a été invalidée par la commission électorale.

Sur le plan diplomatique, la victoire de Poutine ne faisait aucun doute dans l'Union européenne qui a largement positionné sa stratégie sur le prolongement de six ans du règne du maître de Kremlin. Si ce n’est plus, en cas de changement de la Constitution. Et si l’Europe semblait relativement unie en 2013-2014 lorsque les sanctions contre la Russie ont été décidées en rétorsion de l’annexion de la Crimée, la situation est plus complexe maintenant après l’éprouvante période électorale depuis 2016. Au risque de semer le trouble dans la cohérence diplomatique dans l’Union européenne.

Si une partie du gouvernement allemand avait déjà donné le ton avant la séquence électorale initiée en 2016, c’est d’un pays voisin que le doute émane maintenant. L’Autriche, qui a porté au pouvoir le très jeune Sebastian Kurz, est devenu depuis quelques mois l’un des principaux avocats de la Russie dans les cercles européens. Le Premier ministre autrichien avait d’ailleurs réservé son premier déplacement hors-UE en tant que chef du gouvernement pour se rendre à Moscou et rencontrer Vladimir Poutine. Ensemble, les deux ont discuté du sujet incontournable de la diplomatie européenne: la possible levée des sanctions contre Moscou qui courent actuellement jusqu’au 15 septembre 2018 après avoir été prolongé le 12 mars 2018. Elles devaient s’arrêter à l’origine en juillet. Si l’Autriche a toujours voté les sanctions pour l’instant, Vienne va-t-elle persister ou portera-t-elle une voix dissonante dans le concert des nations européennes avec son nouveau Premier ministre?

Voir aussi: Autriche: Sebastian Kurz et l'extrême droite s'installent au pouvoir

Un élément pourrait malgré tout faire pencher la balance vers une retenue de Sebastian Kurz et de sa diplomatie: le scandale de l’empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille Youlia sur le territoire du Royaume-Uni. Une attaque chimique -dont il faut rappeler que Moscou en nie la responsabilité- sur le territoire d’un pays (encore) membre de l’Union européenne, il n’en fallait pas plus pour déclencher l’une des plus graves crises diplomatiques depuis la fin de la Guerre froide. Avec en conséquence l’expulsion de diplomates russes des chancelleries installées dans les pays membres de l’UE… à quelques exceptions près. Et parmi les récalcitrants, l’Autriche figure en bonne place. La ministre autrichiennes des Affaires étrangères, Karin Kneissl, a d’ailleurs confirmé que Vienne ne procéderait à aucune expulsion, en profitant au passage pour dénoncer des "pressions" qu’aurait fait subir Londres à l’Autriche. Le fait est loin d’être anodin: le nouvel exécutif autrichien, à la fois en refusant une expulsion symbolique et en dénonçant un pays membre, envoie un signal diplomatique. Vienne ne veut pas se mettre à dos Moscou et est prête à ne pas suivre la ligne directrice européenne. Karin Kneissl précisera même, pour justifier son choix de ne pas expulser de diplomates, que "dans les moments critiques, il faut maintenir ouvertes les voies" pour éviter une situation "préjudiciable pour les deux pays". Et qu’importe si pour cela la situation avec un partenaire européen devait devenir préjudiciable. Autre signe d’une certaine complaisance autrichienne, la réaction de Sebastian Kurz aux frappes franco-americano-britanniques en Syrie suite à l’utilisation d’armes chimiques par le régime de Damas soutenu par la Russie. Le jeune chef du gouvernement a dit "comprendre" (mais pas formellement "soutenir") une "action militaire limitée" tout en faisant part de sa "forte inquiétude" sur la situation locale.

Aller plus loin: Sebastian Kurz plaide pour une UE économe après le Brexit

Les sanctions vont-elles alors être poursuivies contre les personnalités jugées impliquées dans l’annexion de la Crimée, ainsi que les banques, les entreprises de défense, l’énergie et même le tourisme? Pour le Conseil européen (les chefs d’Etat) et le Conseil de l’Union européenne (les ministres), la position est claire: "Une évaluation de la situation (sur la réalisation des accords de Minsk sur la Crimée, NDLR) a permis de conclure qu'il n'y avait pas lieu de modifier le régime de sanctions. Les informations pertinentes et les motifs d'inscription sur la liste concernant ces personnes et entités ont été actualisés dans la mesure nécessaire" affiche l’institution sur son site (voir ici). Un pays européen comme l’Autriche (mais la Hongrie ou la Slovaquie sont aussi dans le collimateur) va-t-il remettre en cause ces sanctions, la décision devant se prendre à l’unanimité. Peu probable certes, mais jamais le consensus sur les dures sanctions contre Moscou n’a semblé aussi friable. Le 1er juillet prochain, ce sera l’Autriche qui prendra la présidence tournante de l’Union européenne jusqu’à la fin de l’année 2018.

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