Chuka Umunna, "le Barack Obama britannique"

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MM
Publié le 03 février 2015 - 14:46
Mis à jour le 19 février 2015 - 01:01
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Chuka Umunna, étoile montante du Parti travailliste.
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©Stefan Wermuth/Reuters
Chuka Umunna, étoile montante du Parti travailliste britannique.
©Stefan Wermuth/Reuters
Orateur brillant, intelligent, ambitieux et énergique, le jeune Chuka Umunna est l'étoile montante du Parti travailliste britannique. A 36 ans, il incarne à la fois la nouvelle classe politique et la réussite de la société multiculturelle britannique.

Après la défaite aux élections législatives de 2010, Gordon Brown, Premier ministre travailliste (Labour Party) du Royaume-Uni, est contraint de démissionner au profit de David Cameron, candidat du Parti conservateur. C’est un coup rude porté à la gauche britannique, au pouvoir depuis 1997. 

Depuis, le Parti travailliste se cherche un leader charismatique pour reconquérir le 10 Downing Street. Un leader qui pourrait être Chuka Umunna, étoile montante du Labour. Ce fils d’un père immigré nigérian et d’une mère irlandaise, né en 1978, grimpe quatre à quatre les marches qui peuvent le porter au poste le plus convoité du Royaume-Uni.

Du flair, le jeune homme n’en manque pas. En 2010, après la démission de Gordon Brown, il soutient Ed Miliband à la présidence du Parti travailliste contre son frère David Miliband, favori des médias et des hautes instances du parti. 

Une ascension fulgurante

Ed Miliband finit par s’imposer et prend la direction des travaillistes le 25 septembre 2010. Un soutien gagnant pour Umunna, qui est nommé à 33 ans secrétaire d’Etat au Commerce du cabinet fantôme en octobre 2011, un poste prestigieux atteint seulement 18 mois après avoir obtenu son premier mandat de député.

Le cabinet fantôme est une particularité du système politique dit de "Westminster" en vigueur dans certains pays anglo-saxons ou anciennes colonies britanniques. Il est constitué par les membres les plus importants de l'opposition officielle qui, sur la base des postes occupés par les ministres du gouvernement britannique, examinent les actes et dires des ministres correspondant à leurs postes, développent des politiques alternatives et demandent des comptes au gouvernement pour ses actions.

La vie de Chuka Umunna est marquée par la politique. Son grand-père maternel a participé au procès de Nuremberg et fut juge à la Haute Cour de Justice de Londres. Son père, modeste immigré nigérian qui a réussi à monter une société d’import-export, va se lancer dans la politique de son pays d’origine en 1991. 

Il y décédera brutalement dans un accident de voiture après avoir mené une campagne contre la corruption. Chuka Umunna a alors 13 ans. Il fera de cette histoire terrible une force: "cela m’a appris à grandir plus vite"explique-t-il dans une interview à The Independent.

Contrairement à bon nombre de politiciens anglais, il ne fait pas ses études à Oxford mais à Manchester, où il obtient un diplôme de droit. "Dieu merci je ne suis pas allé à Oxford, je n’y aurais pas été heureux. Je suis allé à Manchester et j'ai adoré chaque minute que j’y ai passée", confie-t-il. C’est dans cette période étudiante qu’il adhère au Parti travailliste.

En 2002, fraîchement diplômé, Chuka Umunna va commencer une carrière d’avocat à la City. En parallèle, il écrit des articles économiques pour de grands journaux britanniques comme le Financial Times ou The Guardian

L’affaire Barclays

Il se présente aux élections législatives de 2010 sous l’étiquette Labour Party à Streatham, le quartier qui l’a vu grandir dans le sud de Londres. Un poste de député qu’il remporte avec brio et qui le mène à la Chambre des Communes du Parlement britannique. Il n’hésite pas à monter au front pour apostropher les députés et secrétaires d’Etat les plus prestigieux du camp conservateur, ainsi que les grands industriels et banquiers du Royaume.

En janvier 2011, il réalise son principal fait d’arme. Alors qu’il siège à la commission des Finances du Parlement, il est chargé d’interroger le directeur général de la banque Barclay, Bob Diamond. Il lui fait admettre que le groupe Barclay dispose de plus de 300 filiales offshore dans des paradis fiscaux, qui ont permis à la banque de se livrer à une vaste opération d’évasion fiscale en 2009, ne payant ainsi qu’une infime partie de l’impôt sur les société (équivalente à 1% des 12 milliards de livres sterling de bénéfices réalisés par l’établissement bancaire). Le scandale est retentissant au Royaume-Uni et Chuka Umunna devient la coqueluche des médias et du public, qui louent sa pugnacité.

Depuis sa nomination au poste de secrétaire du Commerce du cabinet fantôme, il est encore plus sous le feu des projecteurs. Umunna y fait d’ailleurs montre de sa qualité de conciliation. Pourtant partisan de la hausse des impôts pour les classes les plus riches, il a su s’attirer la sympathie du patronat, de par son expérience à la City et par sa capacité de consensus. 

La presse britannique, et notamment le très conservateur magazine Total Politics, n’a pas tardé à le surnommer "le Barack Obama britannique" en raison de ses origines africaines, de son élégance et de son talent. Une image qu’il ne souhaite pas dissiper si l’on en juge par cette déclaration: "je ne serais pas surpris de voir un Premier ministre noir de mon vivant".

Une notoriété qui fait grincer quelques dents. Il est devenu l’homme à abattre pour le Parti conservateur, qui tire à boulets rouges sur celui qu’il considère comme "une imposture médiatique sans programme politique". 

Chuka Umunna, lui-même, se décrit comme un "social-démocrate pro-européen". Dans son propre camp, sa réussite fulgurante lui attire quelques antagonismes, on lui reproche de faire passer ses propres intérêts avant ceux de son parti. Récemment, il a secoué le cocotier au sein de son parti en affirmant que les ouvriers britanniques étaient moins productifs que les ouvriers français, ce qui n'a pas plu à tout le monde.

Pour autant, à l’approche des élections générales de mai prochain, le Labour ne peut se passer d’un Chuka Umunna populaire parmi toutes les classes sociales britanniques et qui incarne, comme Tony Blair avant lui, le souffle du renouvellement politique du Royaume-Uni. 

 

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