Clonage animal et Union européenne : une question épineuse entre les différentes institutions

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 30 octobre 2015 - 17:13
Mis à jour le 03 novembre 2015 - 16:18
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Clonage Brebis Dolly
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©Jeff J.Mitchell/Reuters
Le Dr Ian Wilmut est le "père" de la brebis Dolly, premier animal cloné en 1996, morte en 2003 et empaillée (ici au National Museum d'Ecosse à Edimbourg).
©Jeff J.Mitchell/Reuters
Le clonage des animaux s'est développé depuis la brebis Dolly en 1996, mais les différentes institutions européennes ont du mal à trouver une position commune sur ce sujet, ainsi que sur la consommation de viandes et de produits qui en découlent.

Le 8 septembre 2015, le Parlement européen a plébiscité (529 voix pour, 120 contre, 57 abstentions) le rapport des eurodéputées italienne Giuila Moi (Europe de la liberté et de la démocratie directe) et allemande Renate Sommer (Parti populaire européen) sur le clonage des animaux élevés et reproduits à des fins agricoles. Les raisons? Le clonage va à l’encontre du bien-être animal et est contraire à l’éthique. Pourtant, la question semble loin d’être réglée: la Commission, le Conseil et le Parlement européen n’ont jamais réussi à se mettre d’accord sur une nouvelle version de la règlementation sur le clonage.

La règlementation sur le clonage, dite "Novel Food", fut promulguée le 12 mai 1997, un an après l’apparition du premier animal cloné, la brebis Dolly, rendu public par le professeur allemand Ian Wilmut. Le but d’un tel texte était simple: faire que tous les nouveaux aliments qui n’étaient que très peu consommés avant 1997 (OGM, descendants d’animaux clonés, etc.) soient soumis à une autorisation de mise sur le marché par l’Union européenne. Pour cela, une étude sanitaire devait être réalisée afin de prévenir tout risque concernant ces aliments. Ainsi, l’UE se dotait d’un principe de précaution et permettait à l’Autorité Sanitaire de Sécurité des Aliments (EFSA) d’avoir son mot à dire sur le sujet. Pourtant, aucune demande d’autorisation de mise sur le marché n’a, depuis, été déposée.

Onze ans plus tard, en 2008, la Commission européenne décidait de réviser ce règlement dépassé par l’apparition de nouveaux types d’aliments et d’amélioration des techniques de production. Pourtant si le Conseil européen et la Commission sont sur la même longueur d’ondes, le Parlement ne partageait pas leur avis concernant la mise en vente de viande et de lait issus des animaux nés de parents clonés. Après de nombreuses discussions, le texte n’a pas abouti et a été rejeté en 2011.

Pourquoi existe-t-il une telle fracture sur cette question? Les institutions s’accordent pour interdire tout ce qui est issu d’animaux clonés, elles refusent également la mise en place d’un clonage reproductif en Europe. Pourtant, l’Union européenne a besoin de viande: elle en importe 300.000 à 500.000 tonnes par an en provenance des pays comme les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine ou l’Australie. Problème: ces États ont accepté la mise en place d’un clonage animal à but reproductif et il est ainsi difficile de savoir si les aliments achetés sont issus ou non de descendants d’animaux clonés.

La Commission européenne a donc décidé en 2013 d’élaborer deux textes: l’un porte sur la sécurité des nouveaux aliments (la révision du règlement Novel Food) et l’autre sur le clonage. Pourtant, avec ce vote du Parlement interdisant catégoriquement le clonage des animaux élevés et reproduits à des fins agricoles, la situation semble se répéter dans un contexte commercial tendu.

Car, en regardant les différents amendements mis en place par les eurodéputés sur le texte de la Commission européenne, les mêmes arguments refont surface, c’est-à-dire faire attention au bien-être animal et à la réticence des citoyens européens (dont 58% sont opposés au clonage animal à des fins alimentaires selon un sondage Eurobaromètre de 2008). C’est ce que résume la députée européenne Giuila Moi en expliquant que "ce rapport envoie le message à nos partenaires commerciaux que nous ne sommes pas disposés à mettre notre propre santé, la santé de nos familles, et celle des générations futures en jeu en nous servant de produits de qualité douteuse de cette nature" et que "l'Europe est fondée sur des valeurs et cela inclut la qualité".

Afin d’étayer leurs arguments, les députés européens se basent sur des études réalisées par l’EFSA et le Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies (GEE) qui précisent notamment que le nombre limité d’études disponibles et la faible taille des échantillons d’enquête ne permettent qu’une difficile évaluation des risques encourus.

Au niveau étique, l’agence précise que "la santé et le bien-être d’une part significative des clones sont détériorés souvent gravement et avec une issue fatale". La technique du clonage reste faiblement efficace (de 6% à 15% de réussite pour l'espèce bovine et environ 6% pour l'espèce porcin), entraînant "de forts taux de mortalité à tous les stades du développement". Ainsi, le GEE met en doute "la justification du clonage animal à des fins de production de denrées alimentaires, eu égard au niveau actuel de souffrance et aux problèmes de santé des mères de substitution et des animaux clonés".

En avançant ces différentes raisons, le Parlement européen propose:

- l’interdiction de la consommation de viande bovine issue d’animaux clonés, comme le suggère la Commission européenne;

- l’interdiction de produits issus de descendants d'animaux clonés (la viande et le lait par exemple), comme le bœuf provenant de pays extérieurs à l'Union européenne;

- une véritable traçabilité des produits importés, afin de prévenir le citoyen européen des risques encourus (ce qui peut rappeler certains scandales comme celui de la viande de cheval).

Les deux rapporteurs du texte vont ensuite négocier avec le Conseil de l’Union européenne pour trouver un accord sur le texte. Il faudra attendre très probablement 2016 pour savoir si la voix du Parlement européen aura été entendue. 

 

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