Conflit irako-kurde : guerre du pétrole autour de la bataille de Kirkouk
Trois semaines après la victoire du "oui" au référendum sur l'indépendance du Kurdistan, organisé par le gouvernement autonome de Massoud Barzani, l'armée irakienne a repris, sans coup férir ou presque, la ville pétrolifère de Kirkouk (au nord de Bagdad) lundi 16.
Cette dernière était occupée par les forces autonomes du Kurdistan depuis 2014 à la faveur de la déliquescence de l'armée irakienne face à l'organisation Etat islamique. Les peshmergas (miliciens kurdes, littéralement "qui est au devant de la mort" en kurde) avaient ainsi pris le contrôle des bâtiments militaires de la ville et, surtout, des importantes installations pétrolières de la ville.
Car le nerf de la guerre est bien économique. Les champs pétroliers de la province de Kirkouk font partie des plus importants du monde, d'où sont extraits près de 250.000 barils d'hydrocarbure par jour (soit la moitié de la production totale du Kurdistan). Le contrôle de cette ressource est capitale aussi bien pour le Kurdistan que pour l'Etat irakien.
Pour le gouvernement de Massoud Barzani, elle représente l'autonomie financière vis-à-vis de Bagdad, renforçant ainsi ses velléités d'indépendance, d'autant que des accords billatéraux lient le Kurdistan à de grands groupes pétroliers mondiaux. Quant à l'Etat irakien, il est toujours en recherche de liquidités supplémentaires pour entretenir les effectifs pléthoriques de son armée engagée dans la chasse aux djihadistes de l'Etat islamique et commencer la reconstruction des zones dévastées par ces derniers.
Toutefois la question de la mainmise sur les installations pétrolière ne doit pas éclipser les enseignements que l'on peut tirer de cette offensive rapide des forces irakiennes. Le retrait plutôt rapide des peshmergas sur la ligne de front de Kirkouk illustre également l'opposition traditionnelle intra-kurde qui oppose les partisans du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) Massoud Barzani, majoritaire dans la région autonome, aux militants de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK).
Ces derniers sont issus d'une scission du PDK en 1975 suite aux accords d'Alger censés régler les différends territoriaux entre l'Iran et l'Irak. Depuis, les rapports entre les deux groupes kurdes ont parfois débouché sur des affrontements armés. Si l'UPK ne s'est pas opposée frontalement à Barzani lors de la tenue du référendum, le parti avait plaidé pour le reporter et entamer des négociations avec Bagdad. La victoire du "oui" à la consultation avait ainsi, de facto, fait basculer l'UPK dans le camp du gouvernement d'Erbil. Néanmoins, la reprise rapide de la ville de Kirkouk, région tenue par l'UPK, a montré que ses troupes ont choisi de se retirer face à l'armée irakienne, témoignant de divergences stratégiques marquées entre les deux frères ennemis du Kurdistan irakien.
Dans un communiqué, le PDK a réagi aux pertes de territoire, disant que le gouvernement irakien allait "payer cher" cette opération "de guerre contre le peuple du Kurdistan", accusant au passage une partie de l’UPK d’avoir "trahi" en aidant les forces irakiennes.
Quoiqu'il en soit la reprise de Kirkouk marque un tournant dans l'opération lancée par le pouvoir à Bagdad, qui avait enregistré lundi plusieurs victoires à forte portée symbolique, trois semaines après le référendum d'indépendance, dont le grand architecte, Massoud Barzani, est désormais sous le feu des critiques jusque dans son camp. Poussant leur avantage, les forces gouvernementales avancent désormais pour réimposer leur autorité dans d'autres zones disputées. Jusqu'à Erbil?
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