COP21 : "Les villes ont de meilleurs résultats en matière écologique que les Etats"

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Propos recueillis par Maxime Macé.
Publié le 10 décembre 2015 - 18:23
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©Johanna Geron/Belga/AFP
Pour Evelyne Huytebroeck, "les villes ont de meilleurs résultats en matière écologique que les Etats"
©Johanna Geron/Belga/AFP
Pour Evelyne Huytebroeck, du parti écologiste belge "Ecolo", la COP21 à Paris se passe dans une ambiance sereine de travail. Ce qui n'a pas toujours été le cas dans ce genre de grandes conférences internationales.

Ancienne ministre de l'Environnement et de l'Energie de la région bruxelloise, Evelyne Huytebroeck participe aux réunions internationales sur le climat depuis plus de 10 ans. Présente à la COP21 pour faire connaître l'importance des grandes villes pour la sauvegarde de l'environnement, cette membre du parti écologiste belge Ecolo livre à FranceSoir ses réflexions sur la conférence.

> Quel regard portez-vous sur la COP21 à moins de 48 heures de la remise de l'accord définitif sur le climat?

"Je participe à des COP depuis 2004 à Buenos Aires (Argentine, NDLR) donc j'ai un petit point de comparaison de ces différentes conférences sur le climat. Le processus mis en place par la présidence française est vraiment bon, qui a eu de l'anticipation. Par exemple, Nicolas Hulot, comme ambassadeur, a commencé ses réunions bilatérales il y a trois ans, notamment en Belgique. Cette anticipation est appréciée de tout le monde.

"Les négociateurs français ont réussi à mettre de la confiance et de la compréhension entre les uns et les autres. C'est très important dans ce genre de réunions internationales. Je suis persuadée que cette confiance mise en place sera décisive dans les dernières heures de négociations. Aujourd'hui, à moins de 48 heures de la fin, il y a, au moins, une ambiance sereine. J'ai vécu des COP où il y a eu des oppositions terribles, et je ne dis pas que dans le texte elles ne sont pas absentes, entre pays du Nord et pays du Sud. Par ailleurs, la frontière entre les pays industrialisés et les pays en développement n'est pas aussi marquée qu'au début des COP. Il y a désormais un respect et une écoute réciproques.

"Sur le texte en lui-même, on n'est pas très étonné des points de divergence qui restent, et notamment la différenciation entre les pays qui polluent et ceux qui en sont victimes. On doit faire en sorte d'abattre ce mur qui les sépare en prenant en compte les capacités de chacun, et que chacun s'engage. Tout est contenu dans cette phrase: +Responsabilité commune mais différenciée+".

> Les puissances émergentes comme l'Inde ou les pays pétroliers du Golfe persique freinent des quatre fers sur la réduction d'utilisation des énergies fossiles...

"C'est sûr que ce genre de pays, comme la Chine, l'Inde et les pays arabes ne peuvent plus se cacher derrière des organisations comme le G77 (coalition de 134 pays en développement, NDLR) pour justifier leur utilisation des énergies fossiles pour leur développement. Ce n'est plus possible que cela les protège de tout effort. Il faut trouver un juste milieu, on ne peut plus placer la Chine au même niveau que le Mali".

> Pensez-vous qu'il est encore possible d'arriver à un accord "juridiquement contraignant"?

"La grande opportunité de la COP21 à Paris c'est de savoir quelles vont être les clauses de l'accord. +Juridiquement contraignant+ ça veut tout dire, ça ne veut rien dire. Tout le monde semble d'accord là-dessus. Il sera important de savoir quelle sera la mesure de cette contrainte. Il faut trouver une formule qui passe aussi au Congrès américain. Si ce n'est pas le cas, on aura fait beaucoup d'efforts pour rien. Ce qui va se passer lors des élections américaines de 2016 va être déterminant".

> Quel est votre cheval de bataille pour cette COP21?

"J'agis pour faire reconnaître à la COP21 ce qui est de l'importance des villes dans la sauvegarde de l'environnement. C'est un peu dans la lignée de ce qu'a fait Anne Hidalgo vendredi passé (la maire de Paris a réuni les maires des grandes villes du monde le 4 novembre, NDLR). Si les Etats sont réunis ici à Paris, il ne faut pas oublier que ceux qui ont les clés en main, ce sont les villes. Elles ont parfois de meilleurs résultats en matière écologique que les Etats, c'est notamment le cas aux Etats-Unis".

> La présence de grandes multinationales comme sponsors de la COP21 a beaucoup fait réagir la société civile et les ONG. Quel est votre sentiment?

"On est en plein dans le +Greenwashing+ (qui consiste pour une entreprise à orienter ses actions marketing et sa communication vers un positionnement écologique, NDLR). C'est très dommageable car l'opinion publique va se dire +Tiens, voilà des grands groupes responsables+ alors que c'est parfois, malheureusement, un vernis qui s'écaille très vite. C'est très bien que ces multinationales s'engagent et se rendent compte qu'elles peuvent agir pour le climat, mais il ne faut pas qu'on se mette à penser que, tout à coup, elles œuvrent toutes en chœur contre le réchauffement climatique".

> La Belgique a été pointée du doigt par certaines ONG pendant cette COP21 comme l'un des "mauvaises élèves" de cette conférence internationale en partie à cause de l'absence d'accord sur la répartition de l'effort climatique entre les différentes entités politiques du pays. Selon vous, est-ce justifié?

"Il faut faire attention. Pour le grand public, ces accusations étaient en rapport avec les négociations de Paris portant sur les engagements pour 2030 et 2050. Ce n'est pas le cas. La Belgique comme tous les autre pays européens, a des objectifs environnementaux pour 2020, et là où nous avons buté, c'est que, compte tenu que nos compétences sont fortement régionalisées, nous n'avons pas eu de gouvernements fédéraux pendant deux ans et qu'ensuite, il y a eu un blocage par le parti nationaliste flamand qui, pour des raisons institutionnelles, ne voulait pas reconnaître le gouvernement fédéral. C'est un peu lamentable car cela n'a rien à voir avec l'environnement. Ce problème lié aux engagements pour 2020 n'entrave pas les capacités de négociations de la Belgique à la COP21".

 

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