Élections aux Etats-Unis : la bataille des gouverneurs

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Anthony Lacoudre, pour FranceSoir
Publié le 01 novembre 2022 - 14:10
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Saul Loeb/AFP/Getty Images
Ron DeSantis est gouverneur de Floride depuis le 8 janvier 2019.
Saul Loeb/AFP/Getty Images

CHRONIQUE - Les élections de mi-mandat du 8 novembre prochain concernent avant tout le Congrès, avec le renouvellement de l'ensemble des membres de la Chambre des représentants et d'un tiers des sénateurs. Nous avons pronostiqué dans nos articles précédents une victoire aisée du Parti républicain à la chambre basse et une victoire plus que probable au Sénat (voir "Le Parti républicain va-t-il faire un carton aux prochaines élections du Congrès ?" du 21 octobre dernier).

Mais ces élections de mi-mandat présentent également un autre enjeu, le renouvellement de 36 gouverneurs (sur les 50 gouverneurs actuellement en poste). Chacun des 50 États de la fédération américaine est en effet dirigé par un gouverneur, élu en principe pour 4 ans (ou 2 ans seulement dans le New Hampshire et dans le Vermont).

Le personnage politique le plus important des États

Aux États-Unis, le gouverneur est assurément le personnage politique le plus important de chaque État. Par comparaison, un gouverneur dispose de plus de pouvoirs que n'importe quel chef d'État en Europe, notamment grâce à son large pouvoir de promulguer des décrets et son droit d'opposer un véto à toute loi adoptée par les chambres législatives de son État.

Les populations s'en sont bien rendues compte récemment, notamment à l'occasion de la crise du Covid-19. Certains gouverneurs (démocrates) ont, par exemple, imposé des confinements stricts et des politiques de vaccination obligatoire alors que d'autres (républicains) décidaient, à l'inverse, de n'obliger personne à se vacciner et de laisser ouvertes les écoles, les lieux de culte et les entreprises, comme si de rien n'était. Il en est résulté, au cours de ces deux dernières années, un phénomène d'exode massif d'habitants des États démocrates (Californie, New York) vers des États républicains, comme le Texas ou la Floride.

Certains, comme le gouverneur Andrew Cuomo à New York, ont même contraint les personnes âgées atteintes du Covid-19 à rester dans les hospices afin d'éviter une éventuelle saturation des hôpitaux de l'État (créant une véritable hécatombe dans les hospices), alors que d'autres, comme le gouverneur Ron DeSantis en Floride, ont adopté la mesure inverse, précisément afin de protéger les séniors du virus.

Andrew Cuomo ne s'est jamais remis de ce scandale, contraint de démissionner en août 2021 (officiellement en raison d'accusations de harcèlement sexuel) alors que Ron DeSantis est devenu une star nationale et sera probablement le prochain candidat du Parti républicain à l'élection présidentielle de 2024.

Le contrôle du déroulement des élections nationales

On citera également le rôle important joué par le gouverneur dans chacun des États en matière de découpage des circonscriptions électorales, d'organisation et de contrôle des élections nationales, notamment présidentielles (sujet qui s'est avéré déterminant lors de l'élection de Joe Biden en novembre 2020). On comprend alors pourquoi une bataille terrible fait rage actuellement entre les Partis démocrates et républicains pour les postes de gouverneurs, des centaines de millions de dollars et multitude de coups tordus à l'appui.

Le précédent des élections de deux gouverneurs en novembre 2021

À ce jour, 28 gouverneurs sont républicains alors que 22 sont démocrates. Les dernières élections de gouverneurs se sont déroulées il y a un an, le 2 novembre 2021 dans deux États, l'une dans le New Jersey, remportée de très peu par le démocrate Phil Murphy (alors que les sondages lui donnaient 8 % d'avance sur son concurrent républicain, un candidat totalement inconnu) et l'autre en Virginie, remportée à la surprise générale par le républicain Glenn Youngkin, contre le poids lourd du Parti démocrate Terry McAuliffe (voir notre article du 4 novembre 2021 "Joe Biden humilié par une 'Let's go Brandon' élection").

La tendance était donc déjà amorcée lors de ces élections de 2021, à savoir que même dans les États les plus à gauche du pays, les candidats démocrates ne sont désormais plus du tout certains de l'emporter.

20 gouverneurs pour les démocrates, 30 pour les républicains

Le 8 novembre prochain, 14 postes de gouverneurs ne seront donc pas en jeu, dont 8 tenus par des républicains et 6 tenus par des démocrates. Sur les 36 postes de gouverneurs qui seront en jeu, on peut raisonnablement estimer que les candidats démocrates l'emporteront dans les 14 États suivants :

Californie - Connecticut - Colorado - Hawaï - Illinois - Maine - Maryland - Massachusetts - Michigan - Minnesota - New York - Oregon - Pennsylvanie - Rhodes Island

Les républicains devraient, quant à eux, l'emporter dans les 22 États suivants :

Alabama - Alaska - Arizona - Arkansas - Caroline du Sud - Dakota du Sud - Floride (Ron DeSantis, qui se représente pour un second mandat, devrait l'emporter avec 10 points d'avance sur son concurrent démocrate, du jamais vu en Floride) - Géorgie - Idaho - Iowa - Kansas - Nebraska - Nevada - New Hampshire - New Mexico - Ohio - Oklahoma - Tennessee - Texas - Vermont - Wisconsin - Wyoming

Au total, au lendemain de ces élections, le Parti démocrate devrait donc détenir 20 gouverneurs (14 + 6) alors que le Parti républicain devrait en détenir 30 (22 + 8). 

On soulignera que dans certains de ces États (Arizona, Nevada, New Mexico), la victoire annoncée d'un gouverneur républicain constitue une énorme surprise. Par exemple, en Arizona, la candidate républicaine Kari Lake, ancienne star de la télé locale et protégée de Donald Trump, a littéralement désintégré sa concurrente démocrate Katie Hobbs dans les récents sondages, cette dernière ayant commis l'erreur fatale de refuser de débattre à la télévision.  

Une victoire possible des républicains dans le Michigan, dans l'État de New York, dans l'Oregon et en Pennsylvanie ?

Qui plus est, en raison du profond sentiment de détestation actuel de Joe Biden à l'échelle de la nation (voir notre article du 16 septembre dernier "52 % des Américains souhaitent la destitution de Joe Biden"), certains observateurs estiment même que Tudor Dixon, la candidate républicaine, pourrait l'emporter dans le Michigan contre la sortante démocrate Gretchen Whitmer, qui a imposé les confinements Covid les plus drastiques de la nation.

De même, Doug Mastriano, membre du Sénat de la Pennsylvanie, qui fut très impliqué dans la dénonciation de la fraude électorale qui s'est tenue dans son Etat en novembre 2020, pourrait devenir le prochain gouverneur de la Pennsylvanie en dépit d'un déficit de 7 points dans les sondages. Et il n'est pas impossible que Christine Drazan, candidate républicaine, puisse l'emporter dans l'Oregon (l'Oregon n'a pas élu un gouverneur de droite depuis 1982).

Même le candidat républicain Lee Zeldin pourrait être victorieux dans l'État de New York, face à Kathy Hochul, la remplaçante d'Andrew Cuomo (le dernier gouverneur républicain à avoir été élu à New York fut George Pataki en 1994). On soulignera que les deux candidats sont actuellement aux coudes-à-coudes dans cet Etat qui a voté à + 23 % pour Joe Biden en novembre 2020 (60,9 % pour Joe Biden contre 37,7 % pour Donald Trump).

Si le Parti républicain est victorieux dans le Michigan, à New York, dans l'Oregon et en Pennsylvanie, ce ne sera plus une défaite électorale du Parti démocrate, ce sera une véritable humiliation.

À tel point que l'establishment du Parti démocrate pourrait alors décider de faire démissionner le président avant la fin de son mandat, c'est-à-dire avant les élections de 2024 (par exemple pour des raisons de santé), afin que Joe Biden cesse d'entraîner le Parti démocrate dans sa chute vertigineuse.

 

Anthony Lacoudre est avocat fiscaliste basé à New York et également professeur de droit fiscal international.

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