En Albanie, le Premier ministre sortant donné vainqueur d’un processus législatif critiqué par les observateurs


Un pays de plus dans l’UE ? En Albanie, État membre de l’OTAN, les élections législatives se sont tenues dimanche 11 mai 2025. Selon les premiers résultats de lundi, le Premier ministre sortant, Edi Rama, récoltait 52,6 % des 40 % des bulletins dépouillés. Tout comme son opposant, l’ancien président Sali Berisha, 80 ans, les deux ennemis jurés partagent tout de même les ambitions européennes de Tirana. Un scrutin marqué par la polémique malgré la présence d’organes de surveillance de Bruxelles, qui ne cesse d’exiger une réforme profonde du pays pour son adhésion à l’UE.
Candidate à l’Union européenne depuis treize ans, l’Albanie devait démontrer lors de ce scrutin la solidité de ses institutions et la transparence de ses processus électoraux afin de progresser dans les négociations.
Le PM sortant donné vainqueur
Le Premier ministre sortant, Edi Rama, briguait un quatrième mandat. Sa campagne a principalement été axée sur sa promesse de faire entrer son pays dans l’UE d’ici 2030. Jugé autoritaire et ambitieux par ses opposants, ce chef du parti socialiste depuis 2005, 60 ans, entend “donner aux Albanais un passeport européen qui leur permettra de bénéficier des mêmes droits que les citoyens de tous les autres pays européens”.
Ex-maire de la capitale Tirana et ex-ministre de la Culture, il est chef du gouvernement depuis 2013. Accusé d’avoir des liens avec le crime organisé, il affirme être prêt “à se retirer de la vie politique si quiconque arrive à établir des liens avec la corruption ou les milieux criminels”.
Face à lui, le chef historique de l’opposition, Sali Berisha, ancien président et Premier ministre de 2005 à 2013. Fondateur du Parti conservateur, il a axé sa campagne sur son slogan “La Great Albania”, en référence à celui du président américain Donald Trump et ses projets de relance économique.
Il est tout aussi accusé de liens avec le crime organisé, également par Washington et Londres qui lui ont interdit l’entrée sur leur territoire en 2021. En Albanie, il est poursuivi pour “corruption passive d’un haut fonctionnaire”. Il rejette ces accusations “purement politiques”, accusant Edi Rama d’en être l'instigateur.
Pour revenir au pouvoir, il s’est offert les services du conseiller politique américain, Chris LaCivita, l’un des principaux conseillers de la campagne présidentielle de Donald Trump l’année dernière. Sali Berisha accuse son rival “d’achat de voix, d’intimidation des électeurs, de pressions, d’utilisation des moyens publics par les ministres et les candidats de la majorité au profit de leur campagne électorale”. Pour Edi Rama, ces accusations ne sont “qu’un alibi de la défaite”.
Pour la première fois, la diaspora albanaise pouvait voter. Malgré une telle mobilisation, le taux de participation général était estimé lundi à un peu plus de 42 %. Les premiers résultats évoquent un taux de 52,6 % de voix pour le Premier ministre sortant, déjà déclaré vainqueur pour un quatrième mandat à la tête du gouvernement.
Ce pourcentage représente un peu plus de la moitié de 40 % des bulletins, dépouillés dans 30 % environ des bureaux de vote. Son adversaire récoltait au même moment 34,2 %, dans un scrutin marqué par “polarisation extrême” des voix.
Les observateurs pessimistes
Les résultats définitifs sont annoncés milieu de semaine, a déclaré le chef de la Commission électorale, Ilirjan Chelibasi. Trois chaînes de télévision ont déclaré à Reuters leur décision de ne pas diffuser leurs sondages pour “des questions de procédure et de droit”.
L’OSCE/ODHIR (Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, NDLR), a regretté un non-respect du Code de conduite sur les réseaux sociaux, reprochant aux deux candidats “un contenu manipulateur”. Le chef de la mission internationale d'observation, Lamberto Zannier, a confirmé les accusations de Sali Berisha, affirmant que de l’intimidation des électeurs ou la pression sur l'administration publique ont été constatées par des observateurs sur le terrain.
Les législatives revêtent pourtant un enjeu crucial pour l’Albanie. Une telle présence d’organes de surveillance et de plus de 300 observateurs internationaux issus de plus de 40 pays, notamment européens, s’explique par les attentes de Bruxelles en matière de “transparence” et de “respect des normes démocratiques”, notamment lors des élections.
Tirana fait-elle un pas vers son adhésion à l’UE ? Les accusations de Sali Berisha semblent plutôt indiquer le contraire. Il a déclaré lundi que les “critères pour des élections libres ont été violés”.
Mais c’est surtout l’observateur de l’OSCE-BIDDH, Michael Gahler, relayé par la presse albanaise, qui met les points sur les i. “Je recommande vivement aux acteurs concernés d'examiner les recommandations du Parlement européen (...) afin d'améliorer le processus électoral”, a-t-il recommandé, avant d’affirmer :: “ce pays n'entrera pas dans l'UE sous sa forme actuelle, mais de nombreux points peuvent être améliorés et les élections sont importantes. Je recommande vivement à tous les acteurs concernés de prendre ces recommandations au sérieux”, a-t-il conclu.
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