Jacques Myard : "Des ministres français souhaitent changer de politique à l'égard de Bachar al-Assad"

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 23 septembre 2015 - 17:35
Mis à jour le 24 septembre 2015 - 15:34
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Le député des Yvelines, Jacques Myard.
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Jacques Myard estime que des frappes aériennes en Syrie seraient une violation du droit international.
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François Hollande a fait part de sa volonté de mener des frappes contre Daech (acronyme arabe de l'Etat islamique) sur le sol syrien. Une position que ne partage pas le député des Yvelines (LR) Jacques Myard, vice-président du groupe d'amitié France-Syrie, qui prône une reprise du dialogue avec Bachar al-Assad.

Lors de sa conférence de presse semestrielle, le président de la République a fait part de sa volonté de mener des frappes aériennes contre des positions tenues par l'Etat islamique en Syrie. Une prise de position que ne partagent pas plusieurs parlementaires français dont Jacques Myard, député Les Républicains des Yvelines et vice-président du groupe Amitié France-Syrie à l'Assemblée nationale, qui s'était rendu en Syrie avec trois autres parlementaires en février dernier pour y rencontrer le président syrien. Jacques Myard expose sa position dans une interview à FranceSoir.

> Comment analysez-vous la volonté du gouvernement français de mener des frappes en Syrie contre Daech?

"C'est un véritable revirement de la politique du gouvernement mais cela pose un problème de droit international. Si la France mène actuellement des opérations similaires contre Daech en Irak par le biais de l'opération Chamal, c'est qu'elle y a été invitée par le gouvernement irakien, c'est donc de la légitime défense. Or le régime de Damas n'a fait aucune demande de ce type aux autorités françaises. Si ces frappes ont lieu, la France n'agira pas dans le cadre droit international.

"Néanmoins, il est bon de noter qu'enfin le gouvernement s'est rendu compte que l'Etat islamique était l'ennemi numéro-1 et non pas le régime de Bachar al-Assad. Des deux maux, ils faut choisir le moindre. Cependant, les frappes aériennes ne sont pas une bonne solution contre un ennemi qui se cache parmi la population. La France doit également cesser d'armer les katibas (groupes de combat, NDLR) rebelles qui sont pour la grande majorité inféodés au Front al-Nosra et à al-Qaïda. Il vaut mieux laisser faire le régime de Bachar al-Assad et ses alliés".

 

> Parmi les alliées de Damas, on compte le Hezbollah, qui est considéré comme une organisation terroriste par l'Union européenne et la France

"Au Proche-Orient, on est toujours le terroriste de quelqu'un. Aujourd'hui il faut compter avec le Hezbollah. Evidemment c'est une organisation qui a mené des actions terroristes dans le passé, et je le condamne, mais c'est devenu un acteur au Liban et au Proche-Orient que l'on ne peut pas négliger. Le régime de Damas est également soutenu par les Iraniens et les Russes et il est multiconfessionnel, c'est important. Certes Bachar al-Assad est soutenu par les alaouites puisqu'il l'est lui-même, mais il est également soutenu par des sunnites, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire. J'en veux pour preuve que le chef de ses services de renseignement est sunnite. Par ailleurs, Bachar al-Assad lui-même a épousé une sunnite. Le régime est également soutenu par la grande majorité des populations chrétiennes du pays, qu'il protège.

"Il faut bien comprendre que ce qui était à la base une guerre civile est devenu un conflit international, notamment à cause de l'intervention des pétromonarchies du Golfe qui ont armé dès le début des groupes rebelles fidèles à al-Qaida et à al-Nosra".

 

> Les forces loyalistes ne tiennent plus que la région de Damas et la côte du nord-ouest du pays, fief de la minorité alaouite. Les jours du régime de Bachar al-Assad sont-ils comptés?

"Il est clair qu'une grande partie du désert syrien est aux mains soit de l'Etat islamique ou du Front al-Nosra et que ces derniers ont infiltré un quartier de Damas. Mais le régime n'est pas aux abois pour autant, ses forces sont toujours à Alep et tiennent fermement la région de Damas. Aujourd'hui, Bachar al-Assad contrôle entre 40 et 50% du territoire de son pays. L'alerte a été chaude au mois de mars mais elle est passée".

 

> L'aide militaire et matérielle russe, récemment renforcée, à Bachar al-Assad intervient-elle trop tard?

"La politique russe à l'égard de la Syrie a toujours été la même: +Certes, Bachar al-Assad n'est pas un grand démocrate mais le pire est ce qui pourrait venir ensuite+. Donc ils soutiennent le régime de Damas. Ce soutien est également un moyen de se prémunir contre le terrorisme intérieur qui pourrait les frapper. En effet, de nombreux Tchétchènes se battent dans les rangs de l'Etat islamique. Ces derniers, si Daech l'emporte, reviendront se battre en Russie, les autorités russes préfèrent donc les combattre en Syrie".

 

> Le gouvernement français a-t-il fait une faute en rompant ses relations diplomatiques avec le régime de Damas?

"En effet, la France a fait une faute très grave en coupant ses relations diplomatiques avec le régime de Bachar al-Assad, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme car elle se prive des renseignements qu'aurait pu lui fournir Damas. La France s'est mise dans une impasse car ce conflit n'a qu'une solution politique, et celle–ci passe par Bachar al-Assad.

"A ce sujet, au sein du gouvernement, des ministres souhaitent changer de politique à l'égard de Bachar al-Assad. Néanmoins, Laurent Fabius s'y oppose fortement".

 

(Propos recueillis par Maxime Macé).

 

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