La réforme des droits d’auteur censurera-t-elle Internet ?

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La Maison de l'Europe à Paris, édité par la rédaction
Publié le 25 septembre 2018 - 14:14
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La plateforme vidéo YouTube va intensifier les contrôle de ses chaînes pour rassurer les annonceurs
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© LIONEL BONAVENTURE / AFP/Archives
La réforme des droits d’auteur par la Commission européenne soulève la question de la censure d'Internet.
© LIONEL BONAVENTURE / AFP/Archives
Les députés européens ont voté, début septembre, en faveur d’une réforme du droit d’auteur dans l’Union européenne. Une négociation va désormais s’établir entre eux et les ministres des gouvernements européens qui composent le Conseil de l’Union européenne. Cette réforme avait été repoussée par le Parlement européen en juillet 2018, notamment par peur de la censure sur internet.

L’Union européenne va-t-elle interdire les "mèmes" et les vidéos de vos clips préférés sur YouTube? La censure serait bientôt de retour selon certains en raison d’une réforme des droits d’auteur, en faveur de laquelle les députés européens se sont prononcés le 12 septembre dernier.

> Levée de bouclier des géants américains du Net

Cette réforme a été proposée par la Commission européenne dès 2016 mais s’est heurtée pendant deux ans à une levée de boucliers de la part de défenseurs de la liberté sur le Net qui affirmaient qu’elle apporterait la censure sur la toile. Plus étrange, les géants de l’internet (GAFA) se sont également joints à leurs voix alors qu’ils sont habituellement diamétralement opposés. Pour ces derniers, la réforme risquerait de leur coûter cher s’ils devaient respecter les droits d’auteur, ce qu’ils ne font pas complètement jusqu’à présent.

Un article cristallise notamment les tensions, le treizième. Il porterait bonheur aux créateurs dont les droits seraient mieux défendus mais pourraient porter malheur aux plateformes de diffusion qui devraient respecter ces droits.

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Mais le débat ne s’arrête pas là car les plateformes ne sont pas les seules à diffuser du contenu sur la toile. Les internautes eux-mêmes téléchargent de nombreux contenus, sans forcément en détenir les droits. Toutefois, cela est permis dans certains cas. Il existe en effet des exceptions qui permettent d’utiliser des créations, notamment pour la recherche scientifique, l’éducation, la parodie etc. L’utilisation de courts extraits musicaux ou vidéo pour les commenter, sans les modifier, est également possible.

La question centrale est de savoir si cette proposition de réforme permettrait de conserver ces exceptions et la réponse n’est pas si simple.

Prenons l’exemple d’œuvres musicales. Le Français Deezer ou le Suédois Spotify payent des licences pour diffuser de la musique auprès de leurs utilisateurs. Ceux-ci y ont accès à travers une version gratuite limitée ou une version payante plus intéressante. Rien ne changera pour eux car ils respectent déjà les droits d’auteur. Pour l’Américain YouTube, c’est différent. Ce sont les utilisateurs de cette plateforme qui y téléchargent des vidéos, notamment de musique. C’est à eux de respecter les droits d’auteur.

> Un filtre automatisé controversé

Actuellement, les créateurs dont les droits ont été violés peuvent le signaler sur YouTube. Mais cela peut prendre un temps fou. Il n’y a qu’à compter le nombre de clips vidéo non officiels en ligne. La réforme proposée par la Commission européenne permettrait d’imposer à des plateformes comme YouTube de mieux respecter les droits d’auteur en amont de la diffusion des œuvres. Ne pouvant pas réaliser une étude aux cas par cas et ne pouvant pas payer des licences pour toutes les œuvres dans le monde, le géant américain serait certainement obligé de passer par un filtre automatisé qui empêcherait ses utilisateurs de diffuser du contenu protégé et dont la plateforme ou eux n’ont pas les droits de diffusion.

C’est ce qui a fait se soulever les défenseurs d’un Internet libre car toute la question est de savoir si ce filtre sera assez performant pour distinguer, parmi l’utilisation des œuvres protégées, celles qui font l’objet d’exceptions.

Autre problème, les plateformes à gros budget pourront mettre en place ce filtre automatisé alors que les petites ou nouvelles entreprises auraient plus de difficultés.

Andrus Ansip, vice-président pour le marché unique numérique, se veut rassurant et a déclaré le 14 septembre dernier: "Le produit de la création en Europe ne doit pas être maintenu enfermé; en même temps, il doit être solidement protégé, notamment pour améliorer les possibilités de rémunération de nos créateurs".

En effet, cette réforme souligne bien l’existence des exceptions aux droits d’auteur et propose également de supprimer le "geoblocking" qui permettrait aux Européens de bénéficier de leur abonnement Deezer, Spotify ou Netflix dans tous les pays européens sans être bloqués.

Le débat n’est pas terminé et va continuer entre les députés européens, les commissaires européens et les ministres des gouvernements européens en charge de ces questions mais une chose est sure, la balance entre la juste rémunération des créateurs, la diffusion des œuvres et la liberté sur le Net sera scrutée à la loupe.

(Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris)

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