Offensive contre Daech en Irak : "l'Etat islamique a les moyens de tenir" à Mossoul

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Propos recueillis par Maxime Macé
Publié le 05 octobre 2016 - 17:28
Mis à jour le 06 octobre 2016 - 14:31
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djihadistes Daech Etat islamique Raqqa
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©Welayat Raqa/AFP
"Depuis plusieurs mois, l'organisation djihadiste s'emploie à fortifier Mossoul en vue de la prochaine offensive" explique Stéphane Mantoux.
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Dernière place forte symbolique de l'Etat islamique en Irak, la ville de Mossoul, au nord du pays, devrait subir prochainement une offensive conjointe de l'armée irakienne et de la coalition internationale dans le but d'en chasser les djihadistes. Observateur du conflit, Stéphane Mantoux, agrégé d'Histoire et spécialiste des questions de défense, explique à "FranceSoir" qu'il faut s'attendre à une forte résistance du groupe terroriste dans son plus gros bastion.

Le gouvernement irakien se prépare à lancer une offensive de grande ampleur pour reprendre la ville de Mossoul, considérée comme le fief du groupe Etat islamique en Irak. Après avoir reconquis de vastes pans de territoire depuis deux ans, les forces irakiennes se préparent dorénavant à reprendre cette ville avec l'appui de la coalition internationale. Le porte-avion français Charles de Gaulle a notamment été déployé dans le golfe persique. Agrégé d'Histoire et spécialiste des questions de défense, Stéphane Mantoux, qui analyse le conflit syrien depuis 2013 et le volet militaire de l'organisation Etat islamique, revient pour FranceSoir sur la capacité de Daech à tenir Mossoul.

> L'organisation Etat islamique (EI) a-t-elle les moyens de tenir la ville de Mossoul?

"Oui, l'Etat islamique a les moyens de tenir la ville sur le moyen terme. Il peut compter sur plusieurs milliers de combattants endurcis, entre 3.000 et 5.000, dans Mossoul. Depuis plusieurs mois, l'organisation djihadiste s'emploie à la fortifier, en creusant tranchées, ouvrages défensifs et souterrains. L'EI s'organise aussi pour les futurs combats de rues, en plaçant des charges explosives piégées dans la banlieue.

"Les djihadistes combattent également en avant de leurs positions à Mossoul pour ralentir l'avancée de l'armée irakienne. Ils ont tenu pendant longtemps leur dernière localité de la province de Salahuddine, Shirqat, où les combats ont été violents tout au long de l'année ; et ils harcèlent l'armée irakienne et ses alliés depuis la poche de Hawija à l'ouest et au sud-ouest de Kirkouk. Jusqu'au mois de mai dernier au moins, ils lançaient régulièrement des contre-attaques mécanisées au nord-est et nord de Mossoul contre les Kurdes irakiens.

"Je pense que la stratégie de l'EI va être d'attitrer ses adversaires dans des combats urbains dans l'enceinte de Mossoul, qui seront très longs et très couteux en vies humaines. Je rappelle qu'il s'agit de la deuxième ville irakienne qui compte encore entre 1 million et 1,5 million habitants. Cette stratégie a déjà été employée à Falloudja et à Ramadi par exemple, et a abouti à des mois de combats avant une victoire chèrement acquise de l'armée irakienne et de ses alliés.

"Les moyens anti-aériens déployés dans la ville sont les plus lourds déployés à ce jour par le groupe djihadiste en Irak, des photos de propagande le prouvent. Toutefois, l'EI doit les camoufler car ils sont régulièrement la cible de l'aviation irakienne et de celle de la coalition.

"Mossoul a une valeur particulière pour l'EI, c'est sa +capitale+ irakienne. C'est aussi la ville où l'organisation s'est reconstruite en 2007 après les coups très durs subis. On ne voit pas pourquoi elle lâcherait la ville sans combattre. D'autant que pour l'instant la ville n'est pas totalement encerclée: il reste des voies d'approvisionnement à l'ouest et au sud-ouest de Mossoul qui peuvent servir à acheminer des hommes et du matériel en renfort".

> Quels sont les risques pour la population civile?

"Le risque c'est qu'elle se retrouve entre deux feux. Si les adversaires de l'EI terminent l'encerclement de Mossoul, la population ne pourra pas quitter la ville. Il faudra s'attendre à des pertes civiles lourdes, d'autant que l'armée irakienne va surement faire un usage massif de l'appui aérien fourni par la coalition internationale".

> Si l'EI doit évacuer Mossoul, les djihadistes vont-il devoir adapter leurs tactiques de combat dans la zone irakienne?

"Cette adaptation a déjà eu lieu depuis plusieurs mois. L'EI prépare déjà l'après Mossoul, d'autant que l'organisation est sur la défensive depuis longtemps déjà. Elle va repasser à un mode de combat insurrectionnel proche de la guérilla. Finalement on risque d'assister à un retour de l'EI à ce qu'elle était avant 2014 et sa montée en puissance: un mouvement insurrectionnel".

> Perdre le contrôle de Mossoul peut-il avoir un impact sur la propagande du groupe djihadiste?

"Dans les faits, l'EI a déjà commencé à infléchir sa communication. Je constate que depuis le mois de juillet, il y a une chute très nette de la production de vidéos de propagande, notamment militaire, car les opérations plus conventionnelles d'envergure se font rares. Les vidéos ont également du mal à être diffusées, la branche média de l'EI a subi des pertes et semble un peu désorganisée ou affaiblie. On voit que le groupe est sur la défensive et il est évident que la chute de Mossoul accélérera ce mouvement".

> La chute de Mossoul, en Irak, et de Raqqa, en Syrie, pourrait-elle marquer la fin de la puissance militaire de l'Etat islamique?

"L'EI est un adversaire qui s'adapte très rapidement. En Irak, il n'a pas fallu longtemps avant que l'organisation abandonne l'utilisation de ses moyens lourds, chars et artillerie. Si certains ont été détruits par les frappes aériennes, la plupart sont probablement cachés. On peut se demander si ces moyens ne sont pas réservés pour la bataille de Mossoul et ses combats de rues en tant que pièces d'artillerie enterrées. La situation est différente en Syrie où ces moyens lourds continuent d'être utilisés car la couverture aérienne est beaucoup moins efficace (celle du régime syrien notamment). Sur le front à l'est de Palmyre par exemple, l'EI déploie des moyens militaires semblables à ceux du régime syrien, aviation exceptée.

"Il est difficile de dire que la chute des deux capitales (Raqqa et Mossoul, NDLR) serait un chant du cygne pour l'Etat islamique car c'est une organisation qui a prouvé par le passé son impressionnante adaptabilité. Même si le proto-Etat EI disparaît, cela ne signifie pas la mort de l'organisation, même si ses moyens militaires les plus lourds ont disparus".

 

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