Parlons peu, parlons argent : l’Union européenne débat de son budget post-Brexit
Cela fait environ deux mois que la Commission européenne a présenté ses propositions concernant le budget de l’Union européenne pour les années 2021 à 2027 et les écarts de positions entre députés européens, Etats membres et la Commission européenne demeurent fortes. Rappelons effectivement que l’Union européenne fonctionne budgétairement en respectant un cadre financier pluriannuel voté tous les sept ans. En d’autres mots, l’Union européenne (UE) débat actuellement de ce que seront ses orientations budgétaires jusqu’en 2027, guère étonnant donc que les échanges soient intenses. D’autant plus que ce budget doit prendre en compte une problématique inédite, à savoir le départ d’un de ses contributeurs nets, le Royaume-Uni.
Il s’agit en effet d’un manque à gagner d’environ 13 milliards d’euros par an dans le budget européen. Une sacrée somme quand on sait que le budget de l’Union européenne représente seulement 1% du Produit Intérieur Brut (PIB) de l’ensemble de ses Etats membres et qu’il est composé à 80% des contributions nationales versées par chaque Etat.
Dans l’optique de l’examen de la proposition de budget, les députés européens réclamaient deux changements majeurs. Primo, l’augmentation du budget de l’Union européenne à 3% du PIB de l’ensemble des Etats membres pour faire face aux défis de la mondialisation comme le chômage des jeunes, la transition écologique, la sécurité et la défense. Secundo, l’arrivée de nouvelles ressources propres à l’Union européenne -par opposition aux contributions nationales auxquelles l’UE est aujourd’hui très dépendantes- pour financer ce budget.
Sur plusieurs points, la Commission européenne les a entendus puisqu’elle propose de nouvelles ressources propres comme sources de financement de ce budget. La Commission a également proposé de supprimer dans un délai de cinq ans suite au Brexit les rabais accordés à certains Etats dans leur contribution nationale et de conditionner l’octroi des fonds européens au respect de l’Etat de droit.
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Si globalement les députés européens ont pu apprécier les efforts quant aux ressources propres, ils ont toutefois sévèrement critiqué la faible augmentation du budget à hauteur de 1,11% et, surtout, les baisses importantes et historiques des montants de la Politique agricole commune (PAC) et de la Politique de cohésion destinée à réduire les écarts de richesse entre les régions de l’UE.
Jean Arthuis, député français de l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE), fait notamment valoir que cette augmentation est moins ambitieuse que ce qu’affirme la Commission. Cette dernière intègre en effet au budget le fonds européen de développement (FED) qui jusqu’alors n’y figurait pas. En réalité la proposition de la Commission européenne prévoit donc un budget représentant 1,08% du PIB de l’ensemble des Etats de l’UE.
Une déception également résumée par la députée européenne Isabelle Thomas (groupe Socialistes & Démocrates) lors d’une intervention au Parlement européen:"Si nous apprécions votre proposition offensive sur les ressources propres, en revanche, sur les dépenses, qui sont notre compétence pleine et entière, il y a un constat à faire: nous ne sommes pas sur la même position. (…) votre plafond à 1,1% à 27 pays nous conduit à des réductions inédites dans l’histoire de l’Union".
Les Etats membres, qui voteront à l’unanimité sur le budget de l’Union européenne, ont également fait part de leur mécontentement. La France a qualifié la baisse de la PAC d’"inacceptable". D’autres pays, comme l’Autriche, le Danemark ou les Pays-Bas n’apprécient pas de voir leur contribution augmenter, notamment par la suppression des rabais. La Pologne ou la Hongrie, de leur côté, s’estiment visées par la conditionnalité du bénéfice des fonds européens au respect de l’Etat de droit.
Des négociations difficiles donc pour la Commission qui rappelle la complexité de sa tâche suite à la perte de la contribution britannique, les ambitions du Parlement européen, et l’équilibre à trouver entre les "pays qui ne veulent pas payer plus et ceux qui ne veulent pas recevoir moins". Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne a par ailleurs fustigé ces premières réactions en constatant "avec une certaine tristesse, qu’on s’intéresse davantage aux anciennes politiques (PAC et cohésion) qu’aux nouvelles. Pourtant, tous les gouvernements réclament une meilleure protection des frontières extérieures, qu’on investisse dans la jeunesse, davantage dans la recherche et développement, etc".
Erasmus+ qui devrait doubler ses fonds est effectivement le grand gagnant de la proposition de la Commission. De même les dépenses liées à la recherche et à l’innovation augmenteraient de 50%, celles liées à la sécurité de 40% et un fonds dédié à la défense serait mis sur pieds. Les initiatives environnementales de l’Europe et la lutte contre le changement climatique seraient aussi considérablement renforcées.
La Commission aura toutefois à cœur d’aller vite sur ce dossier puisqu’elle souhaite que le nouveau cadre financier pluriannuel soit adopté avant les élections européennes de mai 2019, de peur de devoir recommencer les négociations à zéro avec un nouveau Parlement européen.
(Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris)
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