La solidarité avec l'Ukraine contraste avec le manque de soutien aux autres causes

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FranceSoir
Publié le 24 mars 2022 - 18:07
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Une salle spéciale pour les réfugiés a été installée dans un complexe sportif de l'Université nationale de médecine vétérinaire et de biotechnologie de Lviv, en Ukraine, le 22 mars 2022
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© Yuriy Dyachyshyn / AFP
Les réfugiés du Moyen-Orient et d'Afrique ont rarement connu une telle générosité.
© Yuriy Dyachyshyn / AFP

La résistance de l'Ukraine face à l’invasion Russe captive le monde entier depuis quelques semaines, et a déclenché une vague massive de soutien financier et de mobilisations solidaires. Le soutien s'exprime de bien des manières : des millions d'euros de donations ; mise à disposition de technologies ; accueil des réfugiés ; volontariat, bénévolat humanitaire ; aides militaires ; transport de provisions ; couverture médiatique...

Étrangement, la population occidentale ne se mobilise pas autant pour d’autres zones de guerre, ailleurs sur la planète, ou pour soutenir les personnes vulnérables qui sont déjà présentes en France ou en Europe. Certains spécialistes essaient d'expliquer la réaction massive face à la crise ukrainienne, en comparaison d'autres peuples.

Une solidarité amplifiée par une couverture médiatique massive

Pour Jessica Eise, spécialiste en questions sociales à l'Université de Texas, les vagues de générosité envers l'Ukraine offrent l'occasion d'examiner ce qui motive les dons de solidarité. Alors qu’au Yémen, en Afghanistan ou en Éthiopie, les perturbations économiques et sociales causées par la pandémie de coronavirus mettent des dizaines de millions de personnes en danger de tomber dans l'extrême pauvreté en ce moment même, ces crises humanitaires mondiales, pourtant très actuelles, n'ont pas attiré l'attention des opinions publiques.

Cela s'expliquerait par le fait que, malgré la volonté de faire une différence avec leur soutien solidaire, les gens ne s’impliquent pas nécessairement pour les causes qui pourraient avoir le plus d'impact. En réalité, les donateurs peuvent rarement expliquer ce qui les pousse à choisir une cause ou une autre. Les études ont montré que les gens ont tendance à être plus susceptibles de répondre aux demandes d'aide d'un seul bénéficiaire identifiable plutôt qu'à un problème à grande échelle, comme une famine qui touche tout un pays, par exemple. Plus la couverture médiatique d'un problème augmente, plus les récits et les histoires sur ce sujet se feront connaître, et plus il y aura de donations. Ainsi, aujourd’hui, de nombreux récits déchirants sur le sort des plus de trois millions de réfugiés ukrainiens ont fait le tour du monde en quelques semaines, permettant aux Ukrainiens qui parcourent l'Europe d’être accueillis chaleureusement. Pourtant, dans ces mêmes endroits, rappelle Jessica Eise, les réfugiés du Moyen-Orient et d'Afrique ont rarement connu une telle générosité.

Est-ce de la discrimination, ou une prise de conscience tardive ?

L’explication de cette solidarité massive, par des préjugés positifs concernant des réfugiés européens et blancs, et des préjugés négatifs concernant des réfugiés d’autres couleurs de peau, a été abordée. Le Premier ministre bulgare, Kiril Petkov, a déclaré aux journalistes début mars, que les Ukrainiens "sont intelligents, ce sont des gens éduqués". Et d'ajouter : "Ce n'est pas la vague de réfugiés à laquelle nous avons été habitués, des gens dont nous n'étions pas sûrs de l’identité, des gens au passé flou, qui auraient même pu être des terroristes." Si certains ne cachent pas leurs préférences, d'autres font le choix de tendre vers l'universalisme.

Dans une tribune donnée au Monde, la philosophe Ayyam Sureau expose la complexité de la question en arguant qu’on ne peut pas comparer ces deux types de réfugiés, car les Ukrainiens, eux, ont le droit de libre circulation en Europe depuis 2017. Mais surtout, selon elle, s’arrêter sur des accusations de racisme ne fera pas changer notre solidarité envers les autres causes. Au contraire, profiter de ces démonstrations de solidarité envers les Ukrainiens pourrait permettre de remettre en lumière la question des victimes de guerre et des réfugiés en général. Alors que l’on déplore le "deux poids deux mesures" et que l’on crie au racisme, en accusant une préférence coupable pour le réfugié blanc, chrétien de surcroît, il faudrait plutôt, selon la philosophe, espérer qu’il s'agisse seulement d’une question de temps.

Quoi qu'il en soit, la sensibilisation à la question des réfugiés, effectuée depuis de nombreuses années, ne laisse personne indifférent. Mais, si l'on ne peut accueillir tout le monde, ni accueillir personne, peut-on alors trouver un "juste milieu" sans que cela soit interprété comme étant de la discrimination ?

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