Syrie : les taxis reprennent espoir grâce à la trêve

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 08 mars 2016 - 12:32
Image
Syrie-Taxis-Illustration
Crédits
©Karam Al-Masri / AFP
Un taxi passe dans une rue d'Alep, dans un quartier tenu par les rebelles, le 3 mars 2016.
©Karam Al-Masri / AFP
En trêve depuis le 27 février et profitant d'un calme inhabituel depuis le début de la guerre il y a cinq ans, les Syriens espèrent relancer leurs affaires. C'est le cas des taxis, qui roulent à nouveau dans les rues d'Alep, ville qui a été copieusement bombardée ces derniers temps.

Ils conduisent, impavides, sous un ciel sans bombes ni avions de combat: à Alep, deuxième ville de Syrie, les chauffeurs de taxi comptent sur la fragile trêve pour relancer leurs affaires. Une semaine après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu en Syrie, le premier de cette ampleur en cinq ans de guerre, les emblématiques taxis jaunes du pays réinvestissent peu à peu les rues jonchées de décombres des quartiers est, tenus par les rebelles opposés au président syrien Bachar al-Assad. Ayoub, 27 ans, vit dans le quartier rebelle de Boustane al-Qasr, qui jouxte la ligne de front au centre-ville.

"Les bombardements, les gens déplacés, tout cela avait de lourdes conséquences sur notre commerce", explique ce père de deux enfants. Les habitants d'Alep fuyant vers la Turquie ou restant terrés chez eux par peur des raids aériens, trouver un client s'avérait souvent une tâche ardue pour les chauffeurs. Les territoires tenus par les rebelles ont été particulièrement bombardés par les aviations syrienne et russe, tandis que les quartiers pro-gouvernementaux à l'ouest faisaient face à des tirs de roquettes quotidiens de la part des insurgés.

Mais le samedi 27 février, au premier jour de la trêve, les Aleppins sont progressivement redescendus dans la rue, affluant sur les marchés et jusque dans les parcs. "Depuis que la trêve est entrée en vigueur, nous avons recommencé à travailler, grâce à Dieu. Les gens se sentent en sécurité à présent car la trêve a mis fin aux bombardements", témoigne Ayoub. Avant le cessez-le-feu, il s'attardait dans les coins de rues dans l'attente d'un client. Certains jours, il n'avait pas assez d'argent pour l'essence. Aujourd'hui, il commence sa journée en dépoussiérant énergiquement son taxi jaune et en buvant une petite tasse de café serré.

Wahid, un chauffeur âgé d'une quarantaine d'années dans le quartier de Machhad, est ravi de pouvoir à nouveau passer ses journées à conduire dans la ville. "Avant la trêve, je n'osais pas quitter ma maison à cause des frappes quotidiennes des Russes", confie-t-il. Les raids commençaient tôt le matin et duraient tout l'après-midi, obligeant Wahid à travailler de nuit "lorsque les cieux n'étaient pas pleins d'avions". "Les choses se sont améliorées et le nombre de clients a augmenté. J'ai commencé à aller au travail tous les jours dès 8h", raconte-t-il fièrement.

Avec sa fille assise à l'arrière, Abou Mohammed, 26 ans, serpente entre les rues du quartier de Soukkari pour rendre visite à son frère. "Je n'ai plus peur maintenant que les tirs ont diminué", sourit-il. Lorsque les combats ont éclaté à Alep, en 2012, les taxis jaunes ont vu leur commerce chuter. Et une fois la métropole coupée en deux entre quartiers pro-régime et rebelles, les affaires ont plongé. Les véhicules peinaient à traverser les quartiers opposés, et en raison de la crise économique, les habitants optaient pour des bus ou des services collectifs plutôt que pour des taxis.

Les voitures sont devenues un objet de luxe à Alep, autant pour les chauffeurs que pour les résidents qui allaient au travail avec leur véhicule avant la guerre. Abou Mohammad, un charpentier du quartier de Zabdiya, a récemment vendu sa voiture et prend désormais le taxi pour se rendre au travail. "J'ai été obligé de vendre ma voiture personnelle par peur d'un état de siège sur la ville. Je me suis dit qu'avoir de l'argent serait plus utile qu'une voiture sans essence", explique-t-il à l'AFP.

Comme beaucoup d'autres nécessités quotidiennes, le prix d'une course de taxi s'est envolé pendant la guerre. Abou Mohammad affirme payer 300 livres syriennes (1,40 euro) pour se rendre au travail chaque jour, alors qu'une course d'une extrémité à l'autre de la ville coûtait 75 livres (moins de 40 centimes) avant le début du conflit.

Pour Mona, 19 ans, le taxi est devenu un fardeau financier. "Nous ne prenons pas le taxi à moins que cela soit une nécessité absolue ou que nous soyons très pressés, comme pour aller à l'université un jour d'examen", explique cette étudiante du quartier de Mogambo, tenu par le régime. Khaled Hamo, 33 ans, employé d'un magasin de bonbons, renchérit: "Les gens prennent le taxi en fonction de leur situation économique, et non pas de la sécurité". "Ceux qui ont plus d'argent le prennent, les autres optent pour des services collectifs ou des voitures privées".

 

À LIRE AUSSI

Image
Des chasseurs-bombardiers français.
Syrie : la France a bombardé un dépôt d'armes de Daech à Raqqa
La France a mené hier un raid aérien en Syrie, en coordination avec les forces de la coalition dirigée par Washington, qui a permis de détruire un dépôt d'armements à ...
26 février 2016 - 21:35
Politique
Image
Recep Erdogan buste
Syrie : la Turquie brandit la menace d'une intervention au sol avec ses alliés
La Turquie a demandé, ce mardi, à ses partenaires de coalition de prendre part à une opération au sol en Syrie, indispensable, selon Ankara, pour finir cette guerre, a...
16 février 2016 - 16:53
Politique
Image
Le président syrien Bachar al-Assad.
Bachar al-Assad déterminé à reconquérir toute la Syrie
Dans une interview donnée à l'AFP, le président syrien s'est dit confiant et espère reprendre le contrôle de toute la Syrie, mais avoue que les combats contre les rebe...
12 février 2016 - 18:39
Politique

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.