Taïwan face à la Chine : le sport, cet autre moyen de pression diplomatique

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Damien Durand (Taipei, envoyé spécial)
Publié le 18 novembre 2016 - 16:38
Mis à jour le 02 mars 2017 - 07:47
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La mascotte des Universiades 2017.
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©2017.taipei
Les Universiades sont l'une des rares compétitions que Taïwan a pu organiser.
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Les difficultés diplomatiques entre la Chine et Taïwan pèsent également sur les questions sportives. L''île organise peu de grandes épreuves internationales malgré de bonnes infrastructures, et un volontarisme affiché dans ses candidatures. Mais à Taipei, on en est certain, derrière le manque de compétitions accordées à Taïwan, il y a la main (cachée) de la Chine.
(De notre envoyé spécial) A Taipei, il est partout. Dans la rue sur des panneaux d'affichage, dans les publicités des journaux et même dans certaines administrations. "Il", c'est "Bravo", l'ours noir de Formose, la mascotte des prochaines Universiades d'été qui se dérouleront du 19 au 30 août 2017 à Taipei. Les autorités de Taïwan mettent le paquet côté communication pour susciter de l'intérêt pour cette compétition, sorte de "Jeux olympiques pour les étudiants", une occasion rare de voir l'île accueillir une joute planétaire.
 
Et pour cause: malgré des infrastructures sportives de bon niveau, un réseau de transport efficace, une délinquance très faible et un attrait national pour le sport, Taïwan n'organise pratiquement aucun événement sportif. Et ce n'est pas faute d'essayer. Mais les autorités nationales l'assurent: la Chine fait barrage auprès des instances internationales pour empêcher l'île d'organiser des compétitions et attirer ainsi l'attention mondiale.
 
"Notre position internationale est un frein à l'organisation d’événements sportifs mondiaux, et pourtant nous nous portons candidats. Pensez quand même que cela fait plus de quinze ans que nous essayons d'organiser cette compétition, les Universiades, qui a lieu tous les deux ans" explique à FranceSoir Chien Yu-yen, représentante de la mairie de Taipei  en charge de l'organisation de ces jeux. Qui rappelle qu'"alors que la compétition regroupe 22 sports, nous n'avons dû construire que deux sites. Nous avions déjà tout le reste à disposition".
 
Si Taipei a décroché enfin la timbale, c'était en effet la sixième fois que la ville se portait candidate pour obtenir l'organisation de cette compétition, qui n'attire pas forcément les villes de premier plan comme les JO. Elle a le plus souvent dû rebrousser chemin en cours, avant même le choix de la ville hôte par la Fédération Internationale du Sport Universitaire (FISU), pour des raisons "diplomatiques". Lorsque la ville a enfin gagné les Jeux, en 2011, elle a remporté l'organisation face à un seul candidat, Brasilia, alors que le Brésil allait déjà accueillir les Jeux olympiques en 2016...
 
Taïwan va donc "survendre" ces Jeux, qui attirent tout de même 12.800 athlètes, mais qui déchaînent peu les passions des téléspectateurs mondiaux. Ils seront d'ailleurs invisibles à la télévision française, bien que l'Hexagone enverra une délégation conséquente. Il y avait 224 sportfs tricolores lors de la précédente édition en 2015 à Gwangju en Corée du Sud.
 
Et les "vexations" taïwanaises dans le sport ne s'arrêtent pas seulement à l'organisation d'événements. Si Taïwan peut participer à toutes les compétitions mondiales, elle est poussée, sous pression chinoise, à utiliser un autre drapeau (décoré des anneaux olympiques) que son étendard national, et n'apparaît presque jamais sous le nom de "Taïwan", devant se contenter (y compris sur les maillots des sportifs) de l'appellation "Chinese Taipei" jugée moins indépendantiste.
 
Pour la Chine, le sport est un vecteur diplomatique comme un autre. Et le régime de Pékin n'a pas l'intention de laisser une quelconque ouverture. Dans l'attente d'un événement de plus grande ampleur, Taipei devra se contenter des Universiades. Qui, avec l'attention qui leur est portée par les autorités locales qui veulent en faire une vitrine, aura rarement bénéficié d'autant de moyens pour son organisation.
 

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