Quand le renseignement voulait recruter Mohamed Merah

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Par AFP
Publié le 16 octobre 2017 - 17:31
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L'ex-patron du renseignement toulousain et le frère aîné de la fratrie Merah ont chargé lundi Abdelkader Merah, jugé aux assises pour complicité dans les meurtres de son cadet Mohamed, le présentant comme le "mentor" religieux du tueur au scooter.

"Les attentats de Toulouse et Montauban sont le fait d'un projet collectif avec Abdelkader Merah, pour lequel Mohamed Merah a été le bras armé", a estimé à l'audience Christian Balle-Andui, ancien patron de l'unité toulousaine du renseignement intérieur.

Abdelkader Merah a-t-il joué un rôle de mentor pour son petit frère?, demande une avocate. "Oui, je l'affirme", dit le policier, ajoutant: "Je n'ai pas de preuve, c'est ma conviction".

Interrogé dans l'après-midi, Abdelghani Merah, frère aîné de la fratrie, a livré la même analyse.

"Abdelkader a façonné Mohamed. Il est devenu terroriste à travers son exemple, ses propos, sa haine", a-t-il lancé. "J'avais dit: +un jour ou l'autre, l'un des deux commettra un attentat+", a-t-il ajouté, estimant que "Mohamed a toujours voulu prouver qu'il était plus fort qu'Abdelkader".

Abdelkader Merah est accusé d'avoir sciemment facilité "la préparation" des assassinats par son frère Mohamed de sept personnes, dont trois enfants juifs, entre les 11 et 19 mars 2012 à Toulouse et Montauban. Mohamed Merah est mort abattu par la police.

Dans la matinée, l'ex-chef du renseignement toulousain avait décrit les groupes islamistes de la région. En particulier, la communauté salafiste d'Artigat créée par "l'émir blanc" Olivier Corel, dont les principaux adeptes étaient les frères Clain, voix de la revendication des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, et Sabri Essid, parti combattre en Syrie.

"C'étaient de redoutables propagandistes", a souligné le policier.

- 'Approche de recrutement' -

C'est en 2006 qu'Abdelkader Merah apparaît dans le radar du renseignement. Formé par Jean-Michel Clain, il a toute sa confiance, raconte le policier. La vocation de l'accusé était "de devenir lui aussi un émir, un propagandiste, d'atteindre un statut de théologien", dit-il.

Selon le fonctionnaire, "le parcours de Mohamed Merah était, lui, plus chaotique, séquentiel".

Une photo montre les deux frères, index pointé vers le ciel, Mohamed tenant un couteau, "un signe d'allégeance au jihadisme, à la lutte armée", a insisté le policier.

Pourtant, la radicalisation du tueur au scooter ne sera pas prise en compte par le renseignement français, qui envisageait même de le recruter un mois avant qu'il ne passe à l'action.

C'est après un voyage de Mohamed Merah au Pakistan, entre août et octobre 2011, que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) finit par vouloir entendre le jeune Toulousain sur son parcours afghan. Le jeune homme avait déjà fait l'objet d'une enquête après son arrestation le 22 novembre 2010 à Kandahar par la police afghane.

Convoqué le 14 novembre 2011 pour un "débriefing", Merah est interrogé par deux spécialistes parisiens. "Son caractère dangereux n'est pas paru évident. Ils ont jugé que l'on pouvait s'orienter, compte tenu de son esprit curieux et voyageur, vers un recrutement", a expliqué à l'audience le policier.

"J'étais en désaccord complet" avec leur analyse. Il n'imaginait pas approcher Mohamed Merah sans "une judiciarisation" préalable. "Il fallait crever l'abcès" car "il restait trouble", a précisé le policier toulousain.

Les spécialistes parisiens promettent une note d'expertise qui sera remise le 21 février 2012, un mois avant le premier assassinat de Mohamed Merah.

Il y est écrit: "Mohamed Merah a un esprit ouvert, malin. Il n'entretient aucune relation avec un réseau terroriste, il a un profil voyageur". La note se conclut par une demande de vérification de la fiabilité de Merah. "C'est une approche de recrutement", a décrypté le témoin.

Après deux assassinats de militaires et une tentative d'assassinat à Montauban le 15 mars, l'ex-patron du renseignement toulousain dit avoir alerté sa hiérarchie de sa conviction qu'il s'agissait d'une action jihadiste.

Il donne les noms de douze suspects potentiels dont celui de Mohamed Merah mais il n'est pas écouté, la piste d'un acte commis par un groupe d'extrême droite étant alors privilégiée.

Il faudra attendre les quatre assassinats de l'école juive le 19 mars pour que la piste jihadiste soit enfin prise au sérieux.

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