Confinement : Amazon débranché, justice est rendue mais est ce bien la juste motivation ?

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France-Soir
Publié le 16 avril 2020 - 22:05
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L'avantage compétitif des boutiques de l'e-commerce, comme Amazon, va être réduit après la décision de la Cour suprême des Etats-Unis le 21 juin 2018
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© Lionel BONAVENTURE / AFP
Amazon débranché par la Justice en temps de crise économique.
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Dur réveil pour les dirigeants et salariés d’Amazon ainsi que leurs clients.  Un casse-tête chinois qui va encore faire couler de l’encre.  Le tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné Mardi 14 avril à Amazon de ne plus vendre que des produits essentiels au motif que l’entreprise n’a pas suffisamment respecté son obligation de sécurité et de prévention de la santé. En cas d’infraction, Amazon recevrait une amende d’un million d’euros par jour en cas d’infraction.  Devant cette décision Amazon a décidé de fermer ses sites pour 5 jours pour nettoyer les sites et évaluer les risques.

Obligation de sécurité et de prévention de la santé non suffisamment respecté en cette période de confinement ou les règles sanitaires ont pris une toute autre dimension.
Amazon affirme de son côté que la sécurité des collaborateurs est critique.  L’entreprise aurait fourni plus de 27 000 litres de gel hydroalcoolique et 1.5 millions de masques pour les salariés travaillant en France.  L’entreprise qui permettait à ses clients de se fournir en achetant en ligne afin de limiter les interactions sociales, se retrouve avec les ailes bridées par cette décision alimentée par les syndicats.  Ces derniers estiment que la protection des salariés passe par la baisse de l’activité afin de réduire les risques de contamination au sein des salariés de l’entreprise.

Quels produits sont essentiels en période de confinement ? Hygiène, produits médicaux et nourriture estime la justice.
Statuant sur le principe de précaution, la justice s’est aussi prononcée sur une catégorie de produits demandant à Amazon de focaliser son activité aux produits essentiels (hygiène, produits médicaux et nourriture).  Ceci laisse place à une grande ambiguïté puisqu’il y a une multitude de produits sur lesquels on peut légitimement se poser la question de leur appartenance à telle ou telle catégorie. Sans oublier qu’Amazon a commencé son activité en tant que libraire de la planète, si un enfant a besoin d’un livre pour ses études, est ce que ce ne serait pas de première nécessité pour assurer la continuité de sons éducation.  Il est plutôt monnaie courant qu’un enseignant demande à ses élèves d’acheter un livre surtout en période de révision ou de vacances scolaires. Un autre exemple, une ampoule, produit que l’on pourrait juger essentiel puisque permettant de s’éclairer la nuit tombée, ou un four micro-ondes dans l’éventualité d’une panne. 

Est-ce le rôle de la justice de décider si tel ou tel produit est essentiel ?
Justice a été rendue, c’est certain et Amazon a fait appel.  Fort heureusement, Amazon ne vend pas que des objets de plaisirs, cependant restreindre les produits commercialisables aux trois catégories évoquées ne fera que rajouter aux polémiques actuelles au moment où l’unité nationale est si importante.  Cela fera sans nul doute la satisfaction des demandeurs (syndicat, inspection du travail) démontrant leur rôle après de 6500 salariés en France et poussera l’entreprise à améliorer ses procédures internes.  La question qui sera surement dans l’esprit de tous les français confinés sera liée à la légitimité de la justice à restreindre, par un jugement, les catégories de produits commercialisables. Une décision prudente n’aurait-elle pas été de rendre, soit un arbitrage complet (produits essentiels ou non) ou de se restreindre au motif primaire de la protection des salariés.

Un avocat au barreau de Paris commente la décision : 

« Oui la solution (limitation des produits) est aberrante alors que la demande est fondée sur le terrain des mesures sanitaires de sécurité au travail. Le juge aurait pu enjoindre Amazon de se mettre en conformité sous astreinte, sans s’ingérer dans le mode d’organisation de la production. 
Amazon doit être libre de réorganiser son activité (rotation d’équipes, etc.), à charge pour elle évidemment de respecter les mesures sanitaires de protection des salariés et les procédures d’évaluation des risques avec ses représentants du personnel et syndicats.
Une belle illustration des magistrats confinés eux aussi dans les contradictions du gouvernement : restez chez vous#continuez à travailler ! 
Ce jugement est inquiétant pour les acteurs économiques du e-commerce s'il venait à faire jurisprudence, car beaucoup d’entre eux continuent leurs activités y compris pour des produits qui ne sont pas de première nécessité.
Par ailleurs, peut-on y voir des prémices des recours futurs en responsabilité des dirigeants sur le terrain de leur obligation (de résultat) de sécurité de leurs salariés ?

Cette décision alimentera sans nul doute une nouvelle polémique, qui n’est pas sans rappeler celle de la chloroquine, dont nous nous serions bien passés. 

En particulier dans cette crise, il devient essentiel que l’élite administrative reprenne une approche favorisant l’évaluation complètes des risques afin de rendre des arbitrages compris de la population.

 

 

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