Dans le sillage de Macron, CMA CGM navigue en eaux troubles au Moyen-Orient

Après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en août 2020, Rodolphe Saadé, PDG de CMA CGM, géant mondial du transport maritime, s’est positionné comme un acteur clé dans la région. Il étend son influence jusqu’en Syrie aujourd'hui. Proche d’Emmanuel Macron, ce milliardaire d’origine libanaise, a su tirer parti des crises pour renforcer son empire, notamment en obtenant ces jours derniers l’exploitation du port de Lattaquié, un hub stratégique en Syrie dans en zone instable. Une expansion qui soulève des questions tant sur les méthodes que les réseaux.

Rodolphe Saadé, un magnat ambitieux 

Né en 1970, Saadé a repris CMA CGM, fondé par son père Jacques, en 2017. Basée à Marseille, l’entreprise est le troisième armateur mondial, employant 180 000 personnes. Saadé a diversifié ses activités, acquérant des médias (BFMTV et La Provence), et renforçant son influence sur le pouvoir. Sa proximité avec Macron, marquée par des visites conjointes au Liban et des soutiens diplomatiques, aura facilité ses projets, notamment à Beyrouth, où CMA CGM a décroché un contrat de 33 millions de dollars pour la gestion du terminal portuaire en 2022.

Entouré de figures politiques influentes, d’anciens conseillers de l’exécutif macroniste, à l'image de Jean Gaborit, ex-chef de cabinet d’Éric Dupond-Moretti, ou Bertrand Nicolle, proche de Jean Castex, il consolide son rapport à l'État. Ces recrutements, validés par la Haute Autorité pour la transparence, illustrent sa stratégie de liens étroits avec le pouvoir.

Un enrichissement controversé

Malgé tout, Saadé est critiqué pour ses optimisations fiscales. Il bénéficie, grâce à sa holding, d’une niche fiscale sur le fret maritime, réduisant considérablement ses impôts en France. Un article de Mediapart a même révélé que sa fortune aurait été multipliée par sept pendant la crise du Covid-19, au moment où l’économie mondiale souffrait. Cette période a vu les marges de CMA CGM exploser, en partie grâce à la flambée des coûts de transport maritime, dopée par la congestion des chaînes d’approvisionnement et l’essor du e-commerce. Comment Saadé a-t-il autant pu profiter de la pandémie ? Grace au goulot d’étranglement logistique dû à la crise, en augmentant les tarifs de fret. CMA CGM, avec sa flotte massive, a capitalisé sur cette demande, dégageant des profits monstrueux alors que le monde s'étouffait. Certains y voient une exploitation opportuniste des déséquilibres mondiaux. Cependant, l’opacité de ses montages financiers et son expansion dans des zones sensibles, comme la Syrie, alimentent les soupçons de favoritisme et de collusion avec des régimes instables.

L’acquisition de l’exploitation du port de Lattaquié s’inscrit dans une stratégie d’expansion dans des régions à haut risque, où la concurrence est faible, et les enjeux géopolitiques élevés. Dans le sillage de Macron, Saadé navigue en eaux troubles, dans un contexte où ses médias pourraient une fois encore influencer l’opinion. Son parcours illustre comment crises et réseaux politiques peuvent créer des magnats et les propulser vers des sommets. Mais à quel prix ?