Le congé menstruel, une fausse bonne idée ?

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FranceSoir
Publié le 07 mai 2021 - 13:02
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Pour certains, c’est une occasion pour briser le stigmate des règles douloureuses, pour d’autres plutôt un risque de renforcer la discrimination
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50 à 80 % des femmes subissent des règles douloureuses et pourtant la question est encore tabou. “La Collective” à Montpellier est la première entreprise en France qui a instauré, pour ses salariées souffrant de règles douloureuses, la possibilité d’avoir un jour de congé par mois. Cette mesure inédite a déjà beaucoup fait parler d’elle. Pour certains, c’est une occasion de briser le stigmate des règles douloureuses, pour d’autres plutôt un risque de renforcer la discrimination. Alors, prendre congé du travail quelques heures par mois à cause de règles douloureuses, est-ce une bonne idée ?

Une démarche inédite en France, encore en phase de test

L’entreprise montpelliéraine “La Collective” est une coopérative qui recrute des donateurs pour les associations. L’initiative du congé menstruel est celle d’une salariée au retour du confinement. Après une analyse approfondie du projet, l'initiative a été votée à l’été 2020 en Assemblée générale, pour une mise en place en janvier 2021, à titre expérimental jusqu’à la fin de l’année. Ce permis de prendre un jour de congé est facultatif, et ne nécessite pas de consultation médicale préalable. Il peut se poser le jour même en fonction du niveau de la douleur des règles de la salariée. En trois mois, ce congé a déjà été utilisé neuf fois par six femmes différentes.

Dimitri Lamoureux, cogérant de la société, est plutôt en faveur de valider l'expérimentation: "On attend de faire le bilan, mais il y a une volonté de la pérenniser", précise-t-il. Cependant, alors que dans des pays comme Taïwan ou l’Indonésie, ce type de mesure existe depuis plusieurs années, en France, l'expérimentation de “La Collective” risque de ne rester qu’un cas exceptionnel, car tout le monde ne voit pas ce congé d’un très bon œil.

Discrimination au travail : le tabou des règles douloureuses persiste dans la société

Pour certains spécialistes, il est encore trop tôt pour qu’un congé pareil soit reproduit dans d’autres contextes. Selon Sarah Mussol, porte-parole d’Osez le Féminisme 34, affirme que "dans beaucoup d’entreprises, les femmes pourraient ne pas oser prendre ce congé". Selon cettre association, les salariées courrent le risque de voir leur douleur être banalisée et la discrimination à l'embauche pourrait augmenter.

Pour Ariel Votadoro, gynécologue, la sensibilisation dans la société passe par la lutte contre la banalisation de la douleur des règles. Ce symptôme doit être compris comme des douleurs qui ne sont pas forcément annonciatrices d’une maladie, mais qui comme toutes les douleurs, doivent être traitées. "Ce n’est pas parce que ces douleurs sont normales que l’on doit les accepter", explique t-elle.

Fabienne El-Khoury, porte-parole de l’association Osez le féminisme, insiste aussi sur l'importance de ne pas brûler l'étape de la “déstigmatisation”. Pour elle, la société entière doit être sensibilisée, les soigneurs et les soignantes, ainsi que les entreprises et même les femmes. 

Des aménagements et des congés possibles, sans pour autant accroître les discriminations au travail

Sarah Mussol suggère d'instaurer des aménagements plus souples dans un premier temps. La création d’un jour non justifié par mois pour tous les salariés, sans distinction de genre, pourrait par exemple éviter d’éventuelles stigmatisations.

La Collective, de son côté, estime que malgré les craintes, des mesures réelles doivent être prises pour faire avancer les choses et incitent d’autres entreprises à prendre des initiatives similaires pour leurs employées, en se proposant comme accompagnateurs pour ceux voulant suivre leur exemple.

Un congé menstruel dans l'administration publique pourrait-il changer le regard de la société envers les règles douloureuses ?

En Espagne, à Gérone, c’est l'administration publique qui vient de proposer un congé menstruel pour leurs salariées de huit heures par mois, mais que la personne devra récupérer flexiblement a d’autres moments. Une condition qui vise à réduire au maximum les suspicions d’opportunisme.

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