Bébés sans bras : la piste des pesticides est-elle crédible ?

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La rédaction de France-Soir
Publié le 05 octobre 2018 - 12:36
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Un agriculteur épand des pesticides le 10 décembre 2016 à Trébons-sur-la-Grasse
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© REMY GABALDA / AFP/Archives
La piste des pesticides n'est pas certaine mais elle reste crédible.
© REMY GABALDA / AFP/Archives
Le flou demeure sur les causes ayant entraîné les séries de malformations congénitales d'enfants dans l'Ain, la Loire-Atlantique et le Morbihan. Santé publique France a rendu son rapport jeudi indiquant que non seulement la série de l'Ain n'était pas significative, mais qu'il était impossible de mettre en évidence le rôle des pesticides, malgré les suspicions des lanceurs d'alerte. La thèse –impossible à confirmer en l'état– est pourtant crédible.

Les conclusions de Santé publique France ne lèvent pas le doute, bien au contraire: lors d'une conférence de presse jeudi 4, l'organisme a présenté un rapport sur les trois "séries" suspectes de malformations congénitales avec des bébés nés avec un bras ou une main manquante dans l'Ain, en Loire-Atlantique et dans le Morbihan, depuis 2009.

Santé publique France a bien admis qu'il y avait des "excès de cas" par rapport à la moyenne nationale de ce type de malformation en Loire-Atlantique et dans le Morbihan, mais pas dans l'Ain. Mais surtout, l'agence a expliqué ne pas pouvoir mettre en évidence un lien entre ces séries et une quelconque exposition particulière. Des conclusions difficilement acceptables pour le Remera –un registre collectant des données dans la région Auvergne-Rhône-Alpes sur les malformations congénitale– et qui avait justement alerté sur la série la plus ancienne, celle de l'Ain (qui n'existe donc pas selon Santé publique France). Emmanuelle Amar, épidémiologiste du Remera avait évoqué l'hypothèse, plausible à son sens, d'une exposition des mères à des pesticides ou des produits phytosanitaires, les sept cas recensés dans le département correspondant à des mères vivant dans un rayon de 17 kilomètres d'une zone agricole, avec des champs de maïs ou de tournesols.

Santé publique France a contesté la méthodologie utilisée par le Remera pour comptabiliser les cas, et estime que d'un point de vue statistique, il ne se passe rien d'anormal dans la région de Druillat où les bébés nés sans bras sont venus au monde. Ce qui ne signifie pas que l'hypothèse d'un lien entre malformation et exposition aux produits utilisés dans l'agriculture soit exclu.

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En 2013, l'Inserm a publié un rapport commandé par la Direction générale de la santé (DGS) sur les liens réels entre pesticides et santé basée sur les connaissances accumulées au cours des 30 dernières années. Les auteurs du rapport ont conclu sans détour que "les expositions aux pesticides intervenant au cours de la période prénatale et périnatale ainsi que la petite enfance semblent être particulièrement à risque pour le développement de l’enfant". En 2015, c'est une alerte lancée par la Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique (Figo) regroupant 18.000 chercheurs qui s'inquiétait de la hausse des "malformations congénitales" issues de l'exposition à des substances perturbants le bon développement du fœtus. Principal conseil adressé par les scientifiques aux femmes enceintes (ou allaitantes): "Consommer des fruits et légumes frais sans pesticides".

Si la thèse est crédible, elle n'est pas étayée aux yeux de Santé publique France –organisme sous tutelle du ministère de la Santé– et pourrait donc ne pas faire l'objet d'investigations particulières autres que celles déjà effectuées par l'agence. Et le Remera risque aussi de ne pas pouvoir poursuivre son travail de recherche des causes des malformations: le conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes estime que la mission du Remera ne fait plus partie de ses attributions. Quant à l'autre financeur de l'organisme, l'Inserm, il juge que l'apport du Remera à son travail de recherche scientifique est trop faible pour justifier d'un soutien financier, ce qui pourrait entraîner la fermeture du registre.

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