Attaque du "Tribal Kat" : jusqu'à 22 ans de prison requis contre les pirates
Des peines de 16 à 22 ans de réclusion criminelle ont été requises ce lundi 11 à l'encontre de sept pirates somaliens, jugés aux assises de Paris pour avoir attaqué en 2011 le voilier Tribal Kat et tué son skipper dans le golfe d'Aden. L'avocate générale Sylvie Kachaner a affirmé que les sept hommes étaient "tous comptables", bien qu'à des degrés divers, des crimes commis. Elle a demandé en outre pour chacun d'entre eux l'interdiction définitive du territoire français. La peine la plus lourde a été requise à l'encontre de Brug Ali Artan, Farhan Abdisalam Hassan et Ahmed Akid Abdullahi, qu'elle considère comme de potentiels "recruteurs" et des éléments clés de l'équipée meurtrière.
Ils étaient neuf, ce 8 septembre 2011, à se lancer à l'abordage du catamaran: un voilier tout aluminium de 16 mètres, le rêve de toute une vie qui a viré au cauchemar en quelques minutes pour le couple de retraités français Évelyne et Christian Colombo. "A l'heure du départ, neuf personnes embarquent sur le skiff lourdement armé et équipé, en parfaite connaissance de cause, avec un objectif clair: attaquer des bateaux, obtenir des rançons pour les otages capturés", a affirmé l'avocate générale, balayant les déclarations des accusés, dont plusieurs ont dit avoir appris en mer le but de l'expédition.
Christian Colombo, ancien infirmier de la marine fondu de voile, a été tué d'une ou plusieurs balles de kalachnikov, son corps jeté par-dessus bord sous les yeux de sa femme, qui sera elle-même enlevée et retenue pendant 48 heures. "On ne saura jamais comment est mort Christian Colombo, qui a tiré", a regretté Sylvie Kachaner, ironisant sur le fait que tous minimisent leur rôle et accusent le chef du groupe Shine et son second Abdoulahi, tous deux tués lors de l'assaut d'un commando espagnol venu libérer la veuve.
En revanche, elle a décrit avec précision la "grande cruauté" infligée à Évelyne Colombo, privée du corps de son mari jeté à la mer "comme un insecte gênant", menacée et cachée sous une bâche à bord du skiff balloté par les vagues pendant deux jours, jusqu'à la libération inespérée par des militaires espagnols patrouillant dans le golfe.
Pendant deux semaines, les accusés, âgés de 20 à 35 ans, ont chargé les morts. Pêcheurs, cueilleur d'encens ou taxi, ils ont expliqué avoir été embauchés pour quelques centaines de dollars, contre la promesse de gagner Aden, pour "écoper" ou s'occuper de l'essence. Pour "faire le pirate", a reconnu d'un d'entre eux. A la barre, leurs explications ont souvent été laborieuses, les contradictions fréquentes. Mais tous ont visiblement cherché à échapper à une fatalité somalienne: la guerre, la surpêche pratiquée dans le golfe et la pollution d'un littoral que le déliquescent gouvernement de Mogadiscio ne parvenait pas à préserver.
En 2011, la piraterie somalienne est à son apogée. Cette année-là, les pirates avaient conduit, selon le Bureau maritime international, pas moins de 237 attaques et retenaient en otage, fin 2011, 216 marins et 11 navires. Les rançons se chiffraient en moyenne à 2 millions de dollars par navire. Depuis, grâce à un important déploiement militaire européen, la piraterie a nettement décliné. Ce procès, le quatrième en France de pirates somaliens, est peut-être le dernier.
Mais c'est le seul où les pirates ont tué un homme. L'avocate générale fredonne presque le tube de Maxime Le Forestier "Être né quelque part": "On ne choisit pas ses parents... Si ces hommes n'ont pas choisi de naître (en Somalie), Christian Colombo n'a pas choisi sa mort. Il est mort quelque part, dans le golfe d'Aden, à 55 ans, c'est l'âge dit-on, de l'espérance de vie en Somalie."
"L'absence de corps, pour sa femme, c'est ajouter la souffrance à la souffrance", a-t-elle insisté, déniant toute circonstance atténuante aux pirates, en dépit de leur "misère", de la schizophrénie du plus jeune au pied bot du barreur. Le verdict est attendu mardi ou mercredi, après les plaidoiries de la défense.
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