Maltraitance animale : les parcs aquatiques au cœur de scandales, quels risques pour les delphinariums ?

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Lalia Andasmas et Marion Renson-Bourgine, édité par la rédaction.
Publié le 17 mars 2017 - 15:28
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Des dauphins à Marineland.
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©Bebert Bruno/Sipa
Depuis quelques années, les spectacles de cétacés sont remis en cause.
©Bebert Bruno/Sipa
Depuis plusieurs années, les spectacles d'animaux au sein des parcs aquatiques font l'objet de nombreuses critiques, notamment de la part des associations de défense animale. Alors que le delphinarium Marineland a de nouveau été accusé de maltraiter ses dauphins et ses orques, deux juristes spécialisées dans le droit animalier font le point sur les risques encourus par ces établissements, en partenariat avec "FranceSoir".

Les parcs aquatiques, où vivent de nombreux animaux, sont régulièrement au cœur de scandales. En France quatre delphinariums détiennent des cétacés: le Parc Astérix, Planète Sauvage, Moorea et le Marineland d'Antibes. Depuis quelques années ce spectacle est remis en cause. L'association Sans voix PACA a mis en ligne la semaine dernière de nouvelles images d'animaux captifs ayant des signes de morsures et de dépérissement. L'an dernier le Marineland d'Antibes a été assigné notamment par l'association Sea Sheperd, présidée par Paul Watson.

Les animaux marins utilisés dans les parcs aquatiques sont des animaux captifs. Ce sont des "animaux tenus en captivité tombés au pouvoir de l'homme et retenus par lui sous la contrainte[1]". Ils sont néanmoins considérés comme des êtres vivants doués de sensibilité comme les animaux domestiques.

Les parcs aquatiques sont juridiquement des établissements de présentation au public des animaux de la faune locale ou étrangère devant bénéficier d'une autorisation préfectorale d'ouverture[2] et de la présence d'un responsable titulaire d'un certificat de capacité[3]. Après une enquête publique, la consultation des collectivités territoriales et l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, le préfet délivre ces autorisations administratives.

Les parcs aquatiques relèvent plus précisément de l'arrêté du 24 août 1981 relatif aux règles de fonctionnement, au contrôle et aux caractéristiques auxquelles doivent satisfaire les installations abritant des cétacés vivants. Comme le titre de cet arrêté l'indique, il est plus question de la dimension des installations que du bien-être des animaux. Ces règles sont complétées par la réglementation relative aux établissements zoologiques à caractère fixe et permanent, présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère[4]. Des normes minimales de protection des animaux sont à prendre en considération. L'article 10 met l'accent sur le fait que "les besoins biologiques de conservation, la santé et une large expression des comportements naturels des différentes espèces" doivent être pris en considération. Evidemment les éléments vitaux tels que l'alimentation et l'abreuvement doivent être respectés (article 19), le fait d'éviter les conflits entre les animaux (article 11 et 12), le stress (article 27). Mais il faut reconnaître que l'objectif premier (comme le nom de l'arrêté l'indique) a pour objectif de fixer "les règles générales de fonctionnement et les caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques". Toutefois afin de protéger les espèces animales, l'approvisionnement des parcs aquatiques ne se fait en principe que par des animaux nés et élevés en captivité.

La réelle protection des animaux aquatiques émane du code pénal. Il fut l’un des premiers à reconnaître la sensibilité des animaux méritant une protection particulière. Tous les animaux ne bénéficient pas de cette protection, seuls les animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité sont concernés. Par conséquent, les animaux sauvages sont les seuls exclus.

Le droit organise la protection pénale des animaux contre les sévices graves, actes de cruauté, expérimentation et mauvais traitements (articles 521-1, 521-2 et R. 654-1 du code pénal) mais aussi contre les atteintes volontaires et involontaires à la vie et à l’intégrité d’un animal (articles R. 653-1 et R. 655 du code pénal). La cible des associations de défense des animaux porte sur la maltraitance animale. L’article 521-1 du code pénal incrimine le fait d’exercer des sévices graves ou de nature sexuelle ou de commettre un acte de cruauté envers l’animal, l’article R. 654-1 du code pénal réprime les mauvais traitements, en excluant l’hypothèse où ils relèvent du premier texte. Ainsi, le champ d’application de ces textes est large mais complexe pour la qualification des faits donnés, relevant de l’appréciation des juges. Les actes de cruauté se distinguent des mauvais traitements par rapport au double critère de la gravité ou de l’intensité des actes accomplis et de l’intention plus ou moins perverse de l’auteur du délit. Le délit de sévices peut être réalisé par des actes positifs comme le fait de tuer un animal[5] ou de le blesser[6] ou par des abstentions comme le fait de ne pas nourrir ni abreuver un animal[7]. Les faits constitutifs de mauvais traitements peuvent consister en des blessures infligées à l’animal, que ce soit par des actes positifs ou abstentions aussi.

Toute personne commettant de tels actes encourt une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende de 30.000 euros. Les personnes morales sont elles aussi concernées et encourent, d’une part, une amende fixée selon les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, c’est-à-dire un montant égal à 150.000 euros et, d’autre part, les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l’article 131-39 du code pénal. En outre, le tribunal peut être amené à statuer sur le sort de l’animal en prononçant sa confiscation en le remettant à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée. Les personnes physiques peuvent également être condamnées à l’interdiction définitive ou plus une durée maximum de cinq ans de détenir un animal ainsi qu’à l’interdiction d’exercer, pour une durée identique, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction.

Une interrogation demeure quant à la présence des cétacés dans les aquariums d'autant que certains pays tels que le Royaume-Uni et la Norvège, ont interdit les parcs à dauphins sur leur territoire et l'Etat de Californie a interdit l'élevage et la captivité des orques. La France ne prend pas ce chemin puisqu'un projet d'arrêté prévoit d'abroger l'arrêté de 1981 et de renforcer l'arrêté du 25 mars 2004, qui concerne les zoos. Avec ce projet seuls les orques et les dauphins pourront être détenus... dans des conditions d'hébergement et d'entretien de très haut niveau.


[1] Suzanne Antoine, Le droit de l'animal. Legis-France p. 49

[2] Article L. 413-3 du Code de l'environnement

[3] Article L. 413-2 du Code de l'environnement

[4] Arrêté interministériel du 25 mars 2004 fixant les règles générales de fonctionnement et les caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent, présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000610915

[5]Cass. crim., 28 févr. 1989, n° 88-81.555 

[6] CA Angers, 22 nov. 2007, n° 07/00630

[7] Exemple pour des bovins (CA Dijon, 27 avr. 1989).

 

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