Nouveau procès d'AZF : derrière les accusés poursuivis, l'ombre de Total

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 24 janvier 2017 - 20:09
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L'usine AZF de Toulouse après l'explosion.
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©Eric Cabanis/AFP
Le procès ne s'achèvera pas avant le 24 mai.
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La première journée du nouveau procès de la catastrophe d'AZF a été consacrée à des formalités. Les hostilités vont commencer dès mercredi, même si les parties civiles voudraient que ce soit le groupe Total –qui n'est pas poursuivi– qui réponde aux accusations.

Le troisième procès de l'explosion du complexe chimique AZF le 21 septembre en 2001 s'est ouvert mardi par une courte audience consacrée à diverses formalités, mais les hostilités devraient débuter dès mercredi autour de questions de procédure.

La première audience d'un procès prévu pour durer quatre mois a été consacrée à une longue procédure d'appel: plus de 180 témoins sont prévus, et près de 2.700 parties civiles se sont manifestées.

L'imposante première chambre de la cour d'appel est trop étriquée pour les dizaines de victimes et d'avocats, lesquels protestent contre le manque de tables et la mauvaise sonorisation.

Le parquet général a promis des micros supplémentaires, pour assurer une bonne retransmission des audiences à Toulouse, ville encore très marquée par la catastrophe et où une trentaine de victimes ont protesté mardi contre ce procès "volé" parce que délocalisé à Paris.

Le premier à décliner son identité mardi est Serge Biechlin, 72 ans.

L'ancien directeur de l'usine AZF répond seul de la pire catastrophe industrielle en France depuis 1945, qui a fait 31 morts, plus de 8.000 blessés et des dégâts matériels considérables. Il risque jusqu'à trois ans d'emprisonnement.

La société Grande Paroisse, filiale du groupe Total et gestionnaire du site aujourd'hui rasé, est aussi poursuivie comme personne morale. Elle encourt une amende de 225.000 euros.

En première instance en 2009, l'homme et l'entreprise avaient été relaxés, faute de "certitude" sur les causes de l'explosion. En 2012, ils avaient au contraire été lourdement condamnés en appel à Toulouse, mais cette décision avait été intégralement annulée, pour défaut d'impartialité d'un magistrat.

"On rejoue le match, et il faut fixer les règles du jeu", explique Me Stella Bisseuil, qui représente l'une des associations de victimes, celle des Familles endeuillées.

Ni les règles, ni même le nombre de joueurs ne font consensus: l'audience mercredi sera en partie consacrée à la recevabilité de la "citation directe" de Total et de son ancien patron Thierry Desmarest, par les parties civiles.

Il s'agit d'une tentative pour les faire juger, bien qu'ils ne soient pas poursuivis.

Pour les victimes, par exemple Marie Humbert, venue avec quelques autres manifester devant le Palais de justice de Paris, "Biechlin est un lampiste". "C'est Total le responsable", assure cette femme qui a perdu l'usage de son oreille gauche à cause du souffle de l'explosion.

Lors des précédents procès, les citations directes de la multinationale, qui a versé quelque 2,5 milliards d'euros d'indemnisation, et de son ancien patron, avaient été rejetées.

La deuxième journée d'audience sera aussi consacrée à un débat sur le statut des "témoins experts" de la défense.

Dans un procès qui s'annonce extrêmement technique, les avocats de Serge Biechlin et de Grande Paroisse demandent que les scientifiques qu'ils citent pour faire vaciller la thèse d'un accident chimique soient traités comme des experts judiciaires, c'est-à-dire qu'ils puissent assister à toutes les audiences.

"C'est une question d'égalité des chances et de procès équitable", affirme Me Daniel Soulez-Larivière, pour qui "il n'y a rien de certain" sur les causes de l'explosion. Et d'évoquer la piste terroriste mais aussi le fait que l'usine AZF était située sur l'emplacement d'une ancienne poudrerie.

"On a aussi eu la piste de la météorite, presque celle des ovnis", ironise Me Bisseuil. Pour elle comme pour beaucoup de parties civiles, le scénario d'un accident rendu possible par une gestion défaillante de cette usine à haut risque, ne fait aucun doute.

"C'était toujours à flux tendu. On faisait comme on pouvait", souffle Georges Abellin, ancien salarié d'AZF, l'un des rares à ne pas s'être rangé derrière l'ancienne direction.

"On ne peut pas penser à la productivité et faire fonctionner une entreprise en toute sécurité", dit celui qui sera l'un des témoins-clé du procès. "On m'a accusé de cracher dans la soupe. Mais ce n'est pas Total qui me nourrissait, c'est moi qui nourrissait Total."

Le procès doit s'achever le 24 mai. Les audiences sont prévues les mardi et mercredi à 13H30 et le jeudi à 09H00. 

 

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