Paris : les magistrats antiterroristes veulent l'anonymat

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 20 janvier 2017 - 15:51
Légalement, rien n'empêche de citer le nom d'un juge ou d'un procureur.
La présidence du tribunal de grande instance de Paris voudrait que la presse taise le nom des magistrats antiterroristes. Cette demande intervient alors que les magistrats ont déjà été menacés par le passé et alors que la menace djihadiste reste très élevée en France.

Une précaution au nom de la sécurité ou un petit pas de plus vers une justice d'exception? La présidence du tribunal de grande instance de Paris voudrait que la presse taise le nom des magistrats antiterroristes. "Ce n'est pas une obligation, c'est un souhait", souligne-t-on à la présidence du TGI de Paris, qui centralise le contentieux terroriste en France. "Nous demandons à la presse de faire preuve de discrétion, de responsabilité. C'est d'abord une question de sécurité - il est arrivé que des magistrats soient ciblés", a déclaré à l'AFP Jean-Baptiste Acchiardi, secrétaire général du TGI.

A la chancellerie, on se borne à relayer le "souhait" du TGI, rappelant qu'en cas de menace les magistrats peuvent être protégés et précisant qu'il n'est pour le moment pas envisagé de changer les règles. Légalement, rien n'empêche de citer le nom d'un juge ou d'un procureur. L'audience est ouverte non seulement à la presse mais aussi au public, la justice rendue au nom du peuple français. Mais cette demande est portée par un contexte particulier, souligne-t-on au TGI: si des magistrats ont pu être menacés par le passé, dans le cadre de dossiers de terroristes basques ou de grand banditisme, la menace djihadiste est aujourd'hui d'une ampleur inédite.

La série d'attentats qui a frappé la France depuis 2015, la multiplication des dossiers terroristes - 228 enquêtes confiées à des juges en 2016, en hausse de 76% par rapport à l'année précédente - et le retour inéluctable de centaines de jeunes djihadistes français ont forgé la certitude des hauts magistrats de voir arriver une "déferlante" de procès.

L'inquiétude est nourrie par une menace qui se fait plus précise: les djihadistes du groupe Etat islamique (EI) ciblent, dans leurs organes de propagande, les symboles de l'Etat français et ont revendiqué l'assassinat d'un policier et de son épouse à Magnanville en juin 2016. Les forces de l'ordre ont réagi les premières: un projet de loi, examiné la semaine prochaine par le Sénat, introduit un dispositif d'anonymisation des policiers et gendarmes dans les procédures pénales pour des faits passibles d'au moins trois ans de prison, sur décision d'un responsable hiérarchique. Alors que, jusqu'à présent, seuls les enquêteurs affectés à la lutte antiterroriste pouvaient demander l'anonymat et y être autorisés par un magistrat.

"Pour les magistrats de la section antiterroriste, c'est une mesure de précaution indispensable", estime-t-on au parquet de Paris. "La décision de chaque journaliste ne peut se faire qu'au cas par cas", explique le président de l'Association de la presse judiciaire Pierre-Antoine Souchard, soulignant qu'"on ne peut faire peser sur les journalistes la responsabilité d'éventuelles menaces contre des magistrats". "La justice doit être rendue publiquement, les enquêteurs n'ont pas les mêmes fonctions que les juges", souligne pour sa part le président de l'Association des avocats pénalistes, Christian Saint-Palais, rappelant que "les avocats aussi sont confrontés au quotidien à la mouvance djihadiste".

Le débat n'a pas pour le moment gagné la cour d'appel, en charge des procès d'assises où les peines prononcées en matière terroriste sont souvent très lourdes. Certains magistrats estiment que la force de la justice est précisément d'être rendue haut et fort, de ne "pas céder à la peur". Dénonçant un recul des libertés dans le cadre de l'état d'urgence et de la lutte antiterroriste, le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) met en garde: "on constate l'extension progressive du domaine de l'exception", s'inquiète la secrétaire générale Laurence Blisson.

En cause notamment: une série de lois qui ont renforcé les pouvoirs de police en amoindrissant celui du juge judiciaire (perquisitions, écoutes, etc.) ou le projet de réforme de la cour d'assises spéciale qui va voir son nombre de magistrats diminuer "avec pour conséquence de réduire la collégialité de la décision". "On voit se construire une architecture hautement dérogatoire et, prévient-elle, le retour en arrière est toujours très difficile".

 

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