Philippines : la guerre sans merci contre la drogue

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 04 août 2016 - 15:41
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Une arrestation d'un consommateur de drogues aux Philippines
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©Noel Celis/AFP
Les morts liés à la lutte contre le trafic de drogue sont le lot quotidien des Philippines.
©Noel Celis/AFP
La guerre entre les autorités philippines et le trafic de drogues livre son lot quotidien de morts. Le président nouvellement élu Rodrigo Duterte a promis une intensification de la lutte.

Des hommes abattus en pleine rue et des cadavres mutilés retrouvés dans des terrains vagues: un mois après l'investiture de Rodrigo Duterte, pourfendeur du crime, la terreur grandit dans les bidonvilles philippins à mesure que le bilan humain s'alourdit.

Pendant sa campagne, l'ex-maire de Davao (sud) avait promis d'en finir en six mois avec le trafic de drogue et la criminalité qui rongent son archipel en tuant si nécessaire des milliers de criminels.

Un mois après son investiture, l'objectif n'est pas atteint mais l'arrivée au pouvoir de cet avocat au discours ultrasécuritaire a déchaîné une impressionnante vague de violence.

Des centaines de personnes sont ainsi tombées sous les balles de la police ou de civils jouant les justiciers avec la bénédiction du président.

Un cliché résume les excès de cette campagne: éclairée par les lumières des caméras de télévision, sous l'oeil horrifié des badauds agglutinés derrière les rubans jaunes de la police, une jeune femme accroupie dans une rue serre le corps sans vie de de son compagnon qui vient d'être abattu par des inconnus.

"Mon mari était innocent. Il n'a jamais fait de mal à personne", affirme une semaine plus tard Jennilyn Olayres en évoquant Michael Siaron, un conducteur de cyclopousse âgé de 30 ans.

Ses assassins avaient jeté près de son cadavre un morceau de carton où était écrit en gros caractères: "vendeur de drogue".

Des chiffres communiqués cette semaine par la police indiquent que 402 personnes soupçonnées de trafic de drogue ont été tuées depuis l'investiture de M. Duterte le 30 juin. Ce bilan n'inclut pas les meurtres commis par des civils.

La principale chaîne philippine, ABS-CBN, rapporte de son côté que 603 personnes ont été tuées depuis l'élection de M. Duterte en mai, dont 211 par des hommes armés inconnus. Mis dos à dos, ces chiffres suggèrent une nette augmentation des homicides commis -légalement ou non- par les forces de sécurité après l'investiture du nouveau président.

Les raids policiers contre de présumés repaires de trafiquants de drogue font effectivement des morts chaque nuit. Les autorités affirment que tous les suspects tués étaient armés et ont été abattus car ils s'opposaient à leur arrestation.

Mais les meurtres commis par des civils sont également légion. Certaines victimes sont abattues en pleine rue, tandis que des corps sont découverts au petit matin dans des terrains vagues, le visage recouvert de gros scotch, souvent avec un écriteau à proximité les accusant de s'adonner au trafic de drogue.

Fin juillet, M. Duterte a encore défendu l'intransigeance contre le crime, la ligne sur laquelle il avait été élu.

Au passage, il a qualifié la photographie illustrant la douleur de Mme Olayres après l'assassinat de son époux de parodie de "La Pietà", sculpture de Michel-Ange représentant la Vierge tenant sur ses genoux le Christ descendu de la Croix.

"Et vous voilà, mort et présenté dans un journal comme la Vierge Marie berçant le cadavre de Jésus Christ", a-t-il ironisé.

Présenté comme un dealer, Siaron était loin d'avoir le train de vie d'un baron de la drogue.

Le taudis de tôle et de contreplaqué dans lequel il vivait avec Mme Olayres était perché dans un équilibre précaire sur des poteaux dominant un égout à ciel ouvert.

"Parfois, on essayait volontairement de dormir tard pour n'avoir à se soucier que du déjeuner et du dîner", a-t-elle confié à l'AFP avant les funérailles de son époux.

Michael Siaron, révèle-t-elle, fait partie des 16 millions de Philippins qui ont voté pour M. Duterte en mai.

Cette recrudescence de violences a également eu pour conséquence de pousser des dizaines de milliers de consommateurs ou de petits trafiquants de drogue à se rendre aux autorités locales pour promettre de rentrer dans le droit chemin.

Selon la police, 565.806 personnes l'ont fait.

Beaucoup d'entre eux portaient encore les bracelets au nom de Duterte distribués massivement pendant la campagne.

 

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