Préjudice d'anxiété : victoire judiciaire pour les "gueules noires" de Lorraine

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 30 juin 2016 - 20:25
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©Damien Meyer/AFP
Les mines de charbon de Lorraine ont commis une faute en exposant des centaines de "gueules noires" à des produits dangereux, a tranché ce jeudi la justice prud'homale.
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Les mines de charbon de Lorraine ont commis une faute en exposant des centaines de "gueules noires" à des produits dangereux, a tranché ce jeudi la justice prud'homale, ouvrant une nouvelle brèche dans la jurisprudence du préjudice d’anxiété.

Établi en 2010 par la Cour de cassation, le préjudice d’anxiété - ou souffrance liée à la peur de tomber malade à cause d'une exposition passée à une substance dangereuse - n'avait jusqu'à présent été reconnu qu'une seule fois pour des travailleurs autres que ceux de l'amiante.

En estimant ce jeudi 30 que Charbonnages de France (CdF) "a manqué à son obligation de sécurité en exposant fautivement les mineurs à au moins 2 produits reconnus dangereux: les poussières nocives et le formol utilisé dans les résines de consolidation", le conseil de prud'hommes de Forbach (Moselle) a contribué à élargir le champ des produits dangereux. Il a reconnu les prétentions de 786 des 834 anciens mineurs qui demandaient réparation, arguant de l'irrecevabilité des 48 autres plaintes, et a condamné CdF "à payer à chacun d’eux la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts".

A l'audience, en mars, les représentants de Charbonnages de France avaient pourtant soutenu que la notion d'anxiété ne pouvait pas s'appliquer, s'appuyant sur une loi de 1998 qui liste les sites concernés par le préjudice à l'amiante et renforcée par un arrêt de la Cour de cassation de 2016. Mais les prud'hommes ont préféré suivre la voie ouverte par leurs confrères de Longwy qui, pour la première fois en 2015, avaient élargi la notion à des produits autres que l'amiante en reconnaissant le préjudice de 10 mineurs de fer.

"Avant, le préjudice d'anxiété, c'était l'amiante. Maintenant, d'autres populations, bien caractérisées, afin que l'on ne parte pas dans un préjudice d'anxiété généralisé, vont pouvoir s'en saisir", s'est félicité Me Jean-Paul Teissonnière, avocat de plus de 700 mineurs. "Vu la façon dont est tournée la décision, tous les salariés exposés à des cancérigènes sont concernés", a abondé François Dosso, responsable CFDT Mineurs.

"Nous sommes aussi très, très satisfaits car c'est la réaffirmation de l'obligation de sécurité et de résultat des employeurs", a ajouté cette figure du combat des mineurs, largement applaudi par ses collègues lors de l'audience. "Tout ce qu'ont dit Charbonnages et Daniel Cadoux (le liquidateur de Cdf) est balayé. Ce n'est pas nous les menteurs, nous avons été reconnus", a-t-il dit.

En mars, l'avocate de Charbonnages de France avait fait gronder le public en évoquant les "prédispositions personnelles" des mineurs au développement des maladies: tabac, alcool... et en assurant que l'employeur avait pris toutes les dispositions de sécurité nécessaires.

Le liquidateur de CdF, Daniel Cadoux, avait de son côté fustigé une argumentation "de bric et de broc", accusé les mineurs de jouer "sur l'émotion en parlant de la mort" et martelé que "l'anxiété, c'est le propre de la condition humaine".

Pourtant, dans leur jugement les prud'hommes ont souligné que "pèse sur tout employeur une obligation contractuelle de sécurité, de résultat, qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs" et ont estimé que CdF y avait failli.

"Non-respect des valeurs limites d'exposition préconisées" et "défaillance dans la protection individuelle des mineurs" ont concouru à l'exposition des mineurs, selon les conseillers. Les deux parties ont 30 jours pour faire appel.

 

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