Procès du balcon effondré : "un jour ou l'autre", il serait tombé, selon les experts

Auteur:
 
Par Antoine AGASSE - Angers (AFP)
Publié le 15 février 2022 - 17:54
Image
Les dossiers concernant le procès, à Angers, de cinq personnes, après l'effondrement d'un balcon, le 16 octobre 2016, ayant entraîné la mort de quatre étudiants
Crédits
© Jean-François MONIER / AFP
Les dossiers concernant le procès, à Angers, de cinq personnes, après l'effondrement d'un balcon, le 16 octobre 2016, ayant entraîné la mort de quatre étudiants
© Jean-François MONIER / AFP

"Un jour ou l'autre", il serait tombé "sous son propre poids"... Les experts ont expliqué mardi devant le tribunal correctionnel les défauts de construction qui ont provoqué l'effondrement d'un balcon à Angers en 2016, emportant 18 étudiants et en tuant quatre.

"On peut penser à une forme de bricolage", lâche Pierre Lemaire, devant les magistrats d'Angers, qui jugent cinq prévenus pour homicides et blessures involontaires.

L'ingénieur conseil, expert agréé par la cour de Cassation, résume d'un mot l'"environnement général" des travaux réalisés en 1997-1998 sur la résidence Le Surcouf: "médiocre".

A la demande des juges d'instruction, M. Lemaire et son confrère Gérard Caussé-Giovancarli ont réalisé l'expertise principale sur l'effondrement de ce balcon, lors d'une pendaison de crémaillère, le 15 octobre 2016.

Le béton, à la porosité "très élevée", a ainsi été "mouillé", c'est-à-dire qu'"il y a eu des ajouts d'eau au moment du moulage pour faciliter sa mise en œuvre", ont expliqué les experts. "Toutes les entreprises savent très bien qu'on n'a pas le droit de le faire", a souligné M. Lemaire.

De mauvaise qualité, "pas correctement vibré", ce béton contenait également "de nombreuses bulles d'air".

Les aciers, qui ont "un rôle prépondérant dans la stabilité de la dalle", étaient en outre "très mal positionnés" car "beaucoup trop bas", ont aussi souligné les ingénieurs conseils.

Enfin, la reprise de bétonnage entre le bâtiment et le balcon a été mal réalisée. Or, "la reprise de bétonnage joue un rôle essentiel dans ce genre d'accident", a noté M. Caussé-Giovancarli, qui avait rencontré une situation similaire après la chute du balcon du député-maire d'Issy-les-Moulineaux André Santini (UDF), en janvier 2007. Le balcon en avait à l'époque entraîné six autres dans sa chute, sans faire de victimes.

- "Aciers rouillés et dégradés" -

A Angers, la surface était "lisse au niveau du collage", alors qu'elle aurait dû être en biseau avec des aspérités pour permettre une meilleure adhérence. Au fil des ans, une fissure s'est ouverte, laissant l'eau s’infiltrer et les aciers s'oxyder.

"Les aciers étaient plus que rouillés, ils étaient dégradés dans leur masse", a souligné M. Lemaire. Du fait de cette "corrosion progressive", "le balcon serait tombé tout seul, quelques années plus tard", a-t-il ajouté.

"Un jour ou l'autre, sous son propre poids, la dalle de béton risquait de tomber", a confirmé M. Causse-Giovancarli.

Pour couronner le tout, les travaux ont été menés sans respecter les plans de l'ingénieur béton, qui avaient été conçus pour des balcons préfabriqués et non pour des balcons coulés sur place. Si ces plans avaient été suivis, le balcon aurait pu supporter 35 personnes, soit près de deux fois le nombre de victimes le soir du drame.

"Dès le début de la construction de l'immeuble, on a donc décidé de mettre les plans à la benne?", a interrogé Me Louis-René Penneau, avocat des parties civiles.

"Quasiment au début du chantier", a confirmé M. Causse-Giovancarli. "Pendant des mois, les aciers étaient au vu de tout le monde, ça aurait dû attirer l’œil" sur ce changement de mode de construction, a-t-il en outre pointé.

D'autant que le cabinet de l'architecte Frédéric Rolland, 66 ans, "avait une mission complète de maîtrise d’œuvre", comprenant la direction des travaux et lui demandant de "viser les plans d'exécution de l'entreprise", a souligné l'expert.

"Faire face aux responsabilités ne m'inquiète pas. Ce n'est pas mon profil de fuir", a déclaré M. Rolland mardi à la barre, en saluant le travail des experts. Il a ajouté que les témoignages des victimes l'avaient "bouleversé" et "mis dans une tristesse infinie".

A l'ouverture du procès, l'architecte s'était présenté comme un "homme de l'art", tourné "exclusivement sur la recherche de la création d'un concept". "A aucun moment je ne fais de calcul de dalles et de ferraillage", avait-il assuré.

Le procès doit se terminer le 4 mars.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.