Son indemnisation annulée par le tribunal, une paraplégique doit rembourser 80.000 euros

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RT
Publié le 29 juillet 2015 - 21:38
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Un fauteuil roulant.
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©Durand Florence/Sipa
Si la chute d’une quinzaine de mètres n'a pas tué Mlle A., elle l'a privée à jamais de l'usage de ses jambes. (Photo d'illustration).
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En 2005, une mineure s'était échappée de l'hôpital psychiatrique de Caen où elle était internée et avait sauté du haut des remparts de la ville, devenant ainsi paraplégique. Concluant à la responsabilité de l'établissement, la justice lui avait accordé en 2011 une avance sur indemnité de 80.000 euros. Quatre ans plus tard, le rapporteur public a changé d'avis et lui demande de les rembourser.

C'est un drôle de tour que la justice a joué à cette famille. En 2011, le tribunal de Caen avait reconnu la responsabilité d"un hôpital psychiatrique dans la fugue, en 2005, d’une patiente mineure et suicidaire. Celle-ci s’étant retrouvée paraplégique après avoir sauté des remparts de la ville, la justice lui avait accordé une avance sur indemnité de 80.000 euros, tandis que ses parents avaient eu droit à 30.000 euros. Toutefois, contre toute attente, en mai dernier, le rapporteur public du tribunal a décrété que ces avances devraient être remboursées, révèle Le Point.  

En 2005, "Mlle A.", une jeune fille de 16 ans souffrant d’anorexique mentale depuis deux ans fait une nouvelle tentative de suicide, la troisième depuis avril 2004. En raison d’un manque de place au service de pédopsychiatrie de Rouen, elle est temporairement admise à l’hôpital psychiatrique de Caen. Et ce, dans le cadre d’un placement volontaire. Pourtant, malgré la "vigilance +++" recommandée au personnel hospitalier face au risque suicidaire persistent, un infirmier lui laisse un jour ses habits de ville sur son lit. La jeune fille profite de l’occasion pour s’enfuir et se jette du haut des remparts de Caen. Si la chute, d’une quinzaine de mètres, ne la tue pas, elle la prive à jamais de l’usage de ses jambes.

Puis, il faut attendre 2011 pour que la justice reconnaisse la responsabilité de l’hôpital psychiatrique de Caen. La jeune fille obtient alors une avance sur indemnité de 80.000 euros et ses parents 30.000 euros. Le jugement est confirmé en appel: "la responsabilité de l'hôpital n'est pas contestable", proclame la cour d'appel de Nantes. Aussi, le pourvoi en cassation de l’hôpital n’est pas admis par le conseil d’Etat.

Pourtant, en mai dernier, les juges administratifs de Caen décident de se pencher à nouveau sur le dossier et écartent pour la première fois toute responsabilité de l’hôpital dans la surveillance de la patiente. D'après le rapporteur public du tribunal, les avances devront donc être remboursées.

Pour en arriver à cette conclusion inattendue, les magistrats ont rejeté une à une les accusations des plaignants. Alors que ces derniers clamaient que la surveillance de la mineure n’avait pas été "conforme à l’état de la patiente", un infirmier lui ayant laissé les vêtements de ville qui lui ont permis de quitter l’hôpital incognito, le juge répond que la jeune fille était placée dans cet établissement libre. Ainsi, "si ce régime n’impose théoriquement aucune mesure de surveillance ou d’interdiction de sortie, les médecins du CHS, tenant compte des antécédents de la patiente, avaient cependant pris toutes les mesures adéquates de surveillance et notamment l'interdiction de sortie", est-il inscrit dans le rapport d’experts, consulté par BFMTV. Autrement dit: le personnel de l’hôpital avait mis en place des mesures de surveillance alors qu’il n’y était pas véritablement obligé.

Par ailleurs, le rapport fait valoir que la tenue de ville laissée à disposition de la jeune fille était le signe d'une "intention thérapeutique". Etonnant quand on sait que le même document explique également que les consignes du médecin étaient de laisser la mineure en pyjama, à moins qu’elle ne soit "sous contrôle du personne hospitalier".

Enfin, alors que l’autre grand reproche formulé contre l’hôpital était le manque de réactivité de l’équipe soignante, cet argument a également été rejeté par le tribunal. En effet, le juge estime que les services ont "fait preuve de la diligence adaptée aux circonstances"  en recherchant en voiture la jeune fille, explique BFMTV. Toutefois, selon Le Point, l’avocat de la famille aurait déclaré que l’hôpital avait prévenu "tardivement" la famille et la police. Qui plus est, la description de la fugueuse, en "jeans et sweat gris à capuche", ne correspondait pas aux vêtements qu'elle portait en réalité, d'après lui.  

C’est pourquoi, la famille a fait appel du dernier jugement du tribunal de Caen, expliquant que les avances sur indemnités reçues en 2011 ont servi à faire des aménagements dans la maison et à acheter une voiture adaptée au fauteuil roulant de la jeune femme, aujourd'hui étudiante. Cette dernière a par ailleurs besoin de l’assistance d’une tierce personne quatre heures par jour. Aussi, ses parents, qui s’en chargent, et elle-même, réclament, tous préjudices confondus, une somme d'1,3 million d'euros. Affaire à suivre...

 

 

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