Contrôleurs RATP, policiers : quand les logiques de rentabilité dictent la répression ciblée


Sous couvert de lutte contre la fraude ou d’application de la loi, une même logique semble s’imposer partout en France : cibler ceux qui paieront sans discuter, qui ne feront pas de vagues. À la RATP comme dans les commissariats, les pratiques de contrôle et de sanction paraissent de plus en plus dictées par des impératifs de rentabilité et d’efficacité statistique, quitte à laisser de côté l’équité et la mission de service public.
Des contrôleurs RATP sous pression… et incités à faire du chiffre
Une enquête du JDD a récemment mis en lumière les pratiques controversées des équipes de contrôle de la RATP. Les agents perçoivent une prime de 10 % sur les amendes réglées immédiatement. Résultat : sur le terrain, on privilégie les usagers qui ont l’apparence de pouvoir payer sur-le-champ – souvent des salariés, des étudiants ou des touristes – plutôt que d’autres plus susceptibles de contester ou d’être insolvables.
Un ancien contrôleur, interrogé par 20 Minutes, décrit une ambiance où les objectifs chiffrés priment sur la pédagogie. "Les mecs faisaient n’importe quoi pour la prime", confie-t-il. Des voyageurs racontent avoir été verbalisés pour des prétextes absurdes, comme avoir utilisé un escalier dans le mauvais sens à Gare de Lyon, ou avoir mal validé un ticket pourtant valable. Récemment, une jeune femme a été verbalisée de 150 € pour avoir transporté… une plante. La RATP s’est empressée de la rembourser après que la presse s’est fait l’écho de l’affaire et qu’elle a reconnu "l’excès de zèle" de son agent..
Malgré les formations internes vantées par la direction – communication non violente, intelligence émotionnelle, etc. – le système de primes alimente la défiance du public. Plusieurs syndicats et usagers dénoncent une politique qui pousse au "contrôle rentable", et non à une lutte juste contre la fraude.
Une logique similaire chez les forces de l’ordre
Cette stratégie de ciblage n’est pas propre aux transports. Dans la rue, les forces de l’ordre adoptent souvent les mêmes réflexes : contrôler en priorité ceux qui ne poseront pas de problème. Un marginal agressif ou un jeune habitué à contester sera évité, au profit de profils plus « sûrs » : cadres pressés, jeunes étudiants ou personnes âgées.
Une répression à deux vitesses
Au final, ce sont souvent les citoyens les plus "dociles" qui paient l’addition. Ils subissent une répression discrète mais constante, dans le métro comme dans la rue. Ceux qui savent se défendre, ou qui inspirent la crainte, passent plus à travers les mailles.
Même les initiatives citoyennes de signalement de contrôleurs – autrefois fréquentes sur les réseaux sociaux – sont aujourd’hui passibles de sanctions pénales. Depuis la loi du 22 mars 2016, publier des informations sur la localisation des contrôleurs est passible de 2 mois de prison et 3 750 € d’amende.
Une question de rentabilité plus que de justice
Le glissement est net : la répression vise avant tout ceux qui paieront sans faire d’histoires. Un usager « solvable », calme et seul, est devenu la cible idéale. Dans ce contexte, les services publics perdent en crédibilité, et la frontière entre mission de service et logique marchande devient floue.
Un glissement insidieux, mais profond, qui interroge sur la finalité réelle des politiques de contrôle : faire respecter la loi... ou maximiser les recettes en ciblant les plus vulnérables, ou encore rendre le peuple plus docile ?
On ne rentre pas dans les cités, on ne verbalise pas la délinquance, mais on cible le bon monsieur tout le monde, celui qui paye ses impôts et ne bouge pas une oreille, celui qui a grignoté la ligne du couloir de bus, ou excédé par un embouteillage aura pris un axe décrété ZFE, lui ne posera pas de problème et sera solvable.
Le délit de sale gueule s'est transformé en délit de "bonne gueule sans problème". La middle classe est toujours celle qui paye.
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