Les Docteurs des Puissants : le Dr Li Zhisui et le secret d’Etat sur la santé de Mao Zedong


En 2023, France-Soir cherchant des informations sur l’état de santé du président Macron, s’est lancé à la recherche du Dr Jean-Christophe Perrochon, mystérieux médecin de l’Élysée, dont le rôle discret auprès des présidents français intrigue. Aurait-il assisté le président Macron à ne pas remplir ses promesses de campagne, d’être transparent et de fournir ses bulletins de santé ? Cette investigation nous a inspiré une série inédite, "Les Docteurs des Puissants", où nous explorons les relations intimes et souvent controversées entre les médecins et les dirigeants qui ont façonné l’histoire. Que font-ils pour soigner ces figures ? Que murmurent-ils à leur oreille dans le secret des consultations ?
Après le Dr Theodor Morell et Adolf Hitler, le Dr Claude Gubler et François Mitterrand, puis le Dr Max Jacobson et John F. Kennedy, ce quatrième chapitre explore le lien entre le Dr Li Zhisui et Mao Zedong, le père de la Chine communiste, dont la santé fragile, l'hygiène de vie et les secrets ont marqué une ère tumultueuse. Comment l'hygiène de vie et la santé d’un leader influencent-elles la destinée de la nation ?
Li Zhisui, un médecin dévoué à Mao
Mao Zedong, président de la République populaire de Chine de 1949 à 1976, incarnait la force révolutionnaire, mais son corps trahissait des faiblesses croissantes. Dès les années 1950, il souffrait d’insomnie chronique, le tenant éveillé des nuits entières, et d’une toux persistante, liée à un tabagisme intense (jusqu’à trois paquets par jour). Des douleurs articulaires, probablement arthritiques, limitaient ses mouvements. Dans les années 1960, des troubles cardiovasculaires émergent : hypertension, arythmies, et une possible insuffisance cardiaque. À partir de 1971, une maladie neurodégénérative, soupçonnée d’être une sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou une maladie de Parkinson, provoquait tremblements, raideur et difficultés à parler. Infections respiratoires récurrentes, aggravées par la pollution, ponctuaient son déclin. Li Zhisui note aussi des sautes d’humeur et une instabilité émotionnelle, mais la psychiatrie, taboue en Chine communiste, n’était pas envisagée. Le stress des campagnes – Grand Bond en avant, Révolution culturelle – et une paranoïa croissante envers ses rivaux exacerbaient ces maux.
Le Dr Li Zhisui, formé à la médecine occidentale en Australie et aux États-Unis, devient en 1954 le médecin personnel de Mao, un rôle qu’il occupe jusqu’à la mort du dirigeant en 1976. Selon ses mémoires « The Private Life of Chairman Mao » (1994), Li, basé à Zhongnanhai, suivait Mao quotidiennement, en déplacements ou dans ses résidences. Il y décrit les détails de la personnalité de Mao, ses gouts sexuels, ses opinions politiques ainsi que ses habitudes personnelles décrites par certains comme « répugnantes ». Il collaborait avec un comité médical, mais les rivalités et pressions politiques compliquaient les soins. Li se heurtait aussi aux praticiens de médecine traditionnelle chinoise (MTC), prônant acupuncture ou herbes, que Mao favorisait parfois.
Sa mission : soigner le Grand Timonier, naviguer ses caprices, et maintenir son image d’invincibilité, dans un climat de suspicion.
Les traitements détaillés pris par Mao
Comme les leaders Kennedy, Hitler et Mitterand, Mao prenait de nombreux médicaments :
- Sédatifs et hypnotiques : pour l’insomnie, Li prescrivait des barbituriques (ex. phénobarbital) et, plus tard, des benzodiazépines (ex. diazépam), en doses croissantes face à la tolérance, risquant une dépendance. Des infusions de valériane, issues de la MTC, complétaient l’approche.
- Médicaments cardiovasculaires : pour l’hypertension et les arythmies, Li administrait des bêta-bloquants et des diurétiques, stressant parfois le cœur affaibli. L’oxygène nasal était utilisé en fin de vie pour l’insuffisance cardiaque.
- Antitussifs et bronchodilatateurs : la toux et les infections respiratoires étaient traitées par des sirops opiacés (codéine) et des inhalations, inefficaces face au tabagisme.
- Traitements neurologiques : pour les tremblements, Li tentait la lévodopa, un précurseur de la dopamine, sans succès notable. Massages et herbes (ginseng) apaisaient marginalement.
- En soutien général : vitamines, toniques à base de plantes, et antibiotiques (pénicilline, streptomycine) pour les bronchites combattaient la fatigue et les infections.
Selon The Private Life, Li adoptait un ton prudent, conseillant repos et modération, souvent ignorés par Mao. Il rassurait le dirigeant sur sa longévité, flattant son ego pour maintenir sa confiance, tout en alertant discrètement sur le surmenage ou le tabagisme, dans un climat où contredire Mao était risqué.
Quels effets ces médicaments avaient sur Mao ? Les sédatifs apaisaient l’insomnie, mais aggravaient la léthargie diurne, nuisant à sa clarté mentale. Les traitements cardiovasculaires stabilisaient partiellement, mais l’hypertension persistante risquait des AVC. Les antitussifs soulageaient peu, la toux empirant avec un cancer du poumon suspecté en 1976. La lévodopa n’inversait pas les tremblements, et Mao, affaibli, dépendait d’aides physiques. Sa confusion, sa paranoïa et ses décisions erratiques – comme la Révolution culturelle – ont pu être exacerbées par ces traitements et son déclin.
Ces produits sont-ils encore utilisés aujourd’hui ? Les barbituriques sont obsolètes, remplacés par des hypnotiques modernes (zolpidem). Les bêta-bloquants et diurétiques restent standards, mieux ciblés. La codéine est moins utilisée, supplantée par des bronchodilatateurs avancés. La lévodopa est courante pour Parkinson, mais inefficace pour la SLA. Les antibiotiques persistent, avec des alternatives modernes.
Le rôle du secret de la santé de Mao, un tabou d’État
Le secret était central dans la relation entre Li Zhisui et Mao. La santé du Grand Timonier, symbole de la révolution, était un tabou d’État, protégée par une censure stricte. Aucun bulletin public n’était publié, et les rapports médicaux, selon Li, étaient limités au Politburo, avec Li et son équipe surveillés par des gardes. Ce silence visait à préserver l’image d’un Mao invincible.
Un autre secret pesait : son mode de vie, incluant des relations multiples, risquait infections ou épuisement, mais restait caché pour protéger le mythe. Ce secret alimentait la méfiance au sein du Parti, exacerbant les rivalités entre Jiang Qing et Lin Biao. Comme en URSS avec Staline, cette opacité renforçait l’autorité, mais au prix de tensions internes. Li, tenu au silence, se limitait à la santé physique, évitant les sujets personnels.
Un impact sur la psyché de Mao ?
Garder ces secrets – santé déclinante et intimité – a influencé la psyché de Mao. Li décrit un dirigeant oscillant entre mégalomanie et paranoïa, conscient de sa mortalité mais la niant. Des historiens, comme Jonathan Spence (Mao Zedong, 1999), notent que la peur de perdre le contrôle, amplifiée par sa fragilité, a alimenté ses purges et campagnes chaotiques. Le stress de cacher ses failles, dans un régime où il était divinisé, a accentué son isolement et ses humeurs instables, impactant ses décisions, comme le Grand Bond, responsable de millions de morts.
Perception actuelle de Li Zhisui
Li Zhisui est une figure controversée. Ses mémoires, publiées aux États-Unis en 1994 après sa fuite en 1988, sont interdites en Chine, où il est vu comme un traître ayant exagéré pour discréditer Mao. Deux proches de Mao, sa secrétaire et son infirmière écrivirent un livre pour réfuter les affirmations de Li. Il fut retrouvé mort dans la salle de bain en 1995 de la résidence de son fils, quelques semaines après avoir déclaré vouloir écrire une suite à ses mémoires.

Les autorités maintiennent le culte du Grand Timonier, et Li est peu connu des jeunes générations. À l’international, les sinologues valorisent son témoignage comme un rare aperçu du pouvoir maoïste, malgré des critiques sur son objectivité, teintée d’amertume. Li est perçu comme un pion dans un système oppressif, son courage d’écrire reconnu.
Contrairement aux cas de Mitterrand ou Kennedy, la santé de Mao reste vraiment taboue en Chine, limitant les débats sur Li.
L'hygiène de vie et la santé de Mao étaient-elles d’intérêt national ?
La santé de Mao soulève un débat complexe. Ses partisans, selon des archives chinoises, voyaient le secret comme vital : révéler sa faiblesse aurait ébranlé la Révolution culturelle, menacé l’unité face aux tensions sino-soviétiques. Mao, même affaibli, incarnait la légitimité du Parti.
Les critiques, relayés par Li et des sinologues, arguent que la transparence tant dans son hygiène de vie que de ses choix personnels aurait pu modérer ses excès, comme le Grand Bond.
La dissimulation, orchestrée par Li et l’élite, a-t-elle stabilisé la Chine ou prolongé le chaos ? Ce cas interroge la responsabilité des médecins dans les régimes autoritaires.
Un rôle au cœur du pouvoir
La relation entre Li Zhisui et Mao Zedong mêlait dévotion et contrainte. Li, médecin occidental dans une Chine maoïste, soignait un dirigeant réfractaire, naviguant entre science, tradition et politique. Ses traitements ont prolongé la vie de Mao, mais peut-être au prix de sa lucidité. Soins ou compromis ?
Li a façonné la survie d’un leader, laissant un legs ambigu dans l’histoire de la Chine, où la santé et l'hygiène de vie d’un homme pesaient sur une nation et laissent encore des stigmates aujourd'hui.
Prochain volet : les médecins-conseils des bureaucrates de l’Union européenne, puis retour en France avec l’absence de bulletins de santé d’Emmanuel Macron malgré ses promesses de campagne – un silence en guise de transparence. D’autres articles sur les liens entre les médecins et les sportifs comme Richard Virenque “dopé à son insu” évoqueront les recherches de performances de certains sportifs. Combien d’hommes politiques pourraient dire comme Virenque ? Restez à l’écoute !
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