Essai clinique à Rennes : la famille du patient décédé attend des réponses

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 11 mars 2016 - 19:20
Image
Le laboratoire Biotrial.
Crédits
©Damien Meyer/AFP
La famille de la victime de cet accident médical rarissime est sortie du silence ce vendredi pour exiger des réponses.
©Damien Meyer/AFP
L'essai clinique qui a coûté la vie à un volontaire en janvier à Rennes était-il nécessaire ? Pourquoi son cas n'a-t-il pas inquiété plus tôt? La famille de la victime de cet accident médical rarissime est sortie du silence ce vendredi pour exiger des réponses.

Après avoir ressenti de premiers symptômes, maux de tête et troubles de la vue, au centre d'essais cliniques de Biotrial, Guillaume Molinet avait été hospitalisé au soir du 10 janvier au CHU de Rennes. Son état neurologique s'est aggravé et il est mort une semaine plus tard, à 49 ans. Cinq autres patients avaient aussi été hospitalisés, dont quatre présentaient des lésions cérébrales.

"J'aimerais avoir des réponses. Est-ce que ces essais thérapeutiques étaient vraiment nécessaires ? Quels étaient leurs buts réels?", a demandé sa compagne, Florence, lors d'une conférence de presse à Paris, au cabinet de son avocat Jean-Christophe Coubris.

L'avocat a déposé plainte, dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris pour homicide et blessures involontaires.

A ses yeux, plusieurs anomalies apparaissent dans le protocole du laboratoire portugais Bial, qui testait la molécule "BIA 10-2474". Cette molécule appartient à une famille d'inhibiteurs d'une enzyme (la FAAH), qui empêchent la destruction de substances produites dans l'organisme, les endocannabinoïdes, susceptibles d'apaiser la douleur et l'anxiété.

D'après l'avocat, le protocole présente "une multitude d'objectifs" confondus et flous, il passe sous silence les morts d'animaux, chiens et singes, lors des études précliniques, et ne pose pas assez de limites en cas d'effets secondaires. De quoi se demander, selon lui, si le but n'était pas de rechercher, justement, le maximum d'effets secondaires.

L'avocat s'est interrogé sur les buts recherchés par le laboratoire portugais, en mettant en avant ses liens avec la fondation Bial, "qui a pour activité principale la parapsychologie".

Dans un premier rapport rendu lundi, le comité d'experts mis en place par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a demandé des précisions au laboratoire. Ces experts jugent que la démonstration sur l'animal de l'effet antidouleur de la molécule est a priori "beaucoup trop sommaire pour justifier la poursuite d'un développement, a fortiori chez l'homme". Ils notent aussi que d'autres laboratoires ont abandonné le développement de molécules de la même famille à une étape plus avancée que l'essai de Rennes pour leur "inefficacité".

Le rapport établit que la molécule est la cause de l'accident, mais les experts s'interrogent aussi sur l'âge des volontaires et certains facteurs de risques chez eux. Ils évoquent "un antécédent de traumatisme crânien grave" chez l'un d'eux, en l'occurrence Guillaume Molinet.

"Un accident de vélo à l'âge de six ans, dont il n'a conservé aucune séquelle", a balayé l'avocat.

La famille de la victime a également mis en cause le centre d'essais Biotrial. Alors qu'il "va manifester les premiers symptômes à 9h du matin", puis des troubles de la vue et des difficultés d'élocution, "on va lui donner un gramme de paracétamol à 20h et on va l'adresser aux urgences". "N'aurait-on pas dû agir plus tôt?", a demandé l'avocat, en rappelant aussi que "le lendemain matin" le protocole s'est poursuivi pour les autres patients volontaires.

"La molécule a été administrée aux autres volontaires lundi 11 janvier à 8h. A ce moment-là, nous n'étions absolument pas au courant de l'aggravation de l'état de santé du patient, hospitalisé la veille avec des symptômes pas particulièrement graves", a répondu à l'AFP le directeur général de Biotrial, François Peaucelle.

"L'hôpital ne nous a fait part de cette dégradation qu'à 10h30", a-t-il affirmé.

Pour sa part, l'avocat de la famille s'en est remis au parquet de Paris, en qui il a "toute confiance". Mais il a souhaité qu'une information judiciaire soit confiée à des juges d'instruction, pour avoir accès au dossier, ce qui n'est pas le cas lors de l'enquête préliminaire.

Le parquet a indiqué vendredi à l'AFP que "des expertises médicales sont en cours" et qu'il attend les résultats "pour envisager les suites et le cadre procédural le plus approprié".

À LIRE AUSSI

Image
Laurent, le frère de l'une des victimes de l'essai thérapeutique de Rennes.
Essai clinique à Rennes : le témoignage du frère de l'une des victimes
Près de deux mois après le scandale de l'essai thérapeutique de Rennes conduit par le laboratoire Bial, Laurent Molinet, le frère de l'une des victimes, s'est exprimé ...
11 mars 2016 - 10:59
Société
Image
Le laboratoire Biotrial.
Essai clinique de Rennes : la molécule du laboratoire Bial en cause
Un rapport d'experts sur l'essai clinique qui a coûté la vie à un patient à Rennes pointe du doigt la molécule du laboratoire portugais Bial. Le document relève égalem...
07 mars 2016 - 21:56
Société
Image
Le laboratoire Biotrial.
Essai clinique à Rennes : "je ne pouvais plus parler, plus bouger", témoigne l'une des victimes
"Je ne pouvais plus parler, plus bouger": l'un des six hommes hospitalisés lors de l'essai thérapeutique qui a fait un mort en janvier à Rennes raconte son calvaire da...
29 février 2016 - 11:53
Société

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.