Loi Rist : le plafonnement de la rémunération des intérimaires aggrave la pénurie de soins

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Chloé Lommisan, France-Soir
Publié le 14 avril 2023 - 12:49
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Epinal
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JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
Le Centre Hospitalier Emile Durkheim, à Épinal, impacté par la pénurie des praticiens intérimaires.
JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

SANTÉ - Depuis le lundi 3 avril, la rémunération des médecins praticiens intérimaires pour une garde de 24 heures est plafonnée à 1390€ bruts. Auparavant, les tarifs pour une astreinte pouvaient atteindre près de 4000€. 

Il s’agit là de l’une des mesures de la loi Rist, qui a ligué contre elle, avant même son entrée en vigueur et dans une rare unanimité, les syndicats de praticiens.  

Selon le ministre de la Santé, ces montants alloués jadis aux astreintes n’étaient “pas acceptables” et caractérisaient “de l’intérim cannibale”.  

Un avis que ne partage pas le Syndicat National des Médecins Remplaçants des Hôpitaux (SNMRH), qui dénonce “un passage en force totalement décalé des réalités” de la part de François Braun.  

Afin de freiner l’application de la mesure, le syndicat a porté le mercredi 12 avril dernier devant le Conseil d’État deux recours contre l’article 33 de la loi Rist relatif aux plafonds à la rémunération des médecins.

Car selon l’avocat du SNMRH, Gilles Devers, l’instruction d'application n’a pas été signée par la Première ministre et ne peut donc pas remplacer le décret d’application de la loi de 2021. La loi Rist serait donc inapplicable. 

En attendant la décision du Conseil d’État, le syndicat insiste sur les conséquences de la loi, qui décourage les personnels intérimaires de prendre des gardes du fait de la diminution drastique de leur rémunération.  

Sur son compte Twitter, le SNMRH tient à jour une inquiétante liste de services hospitaliers, y compris d’urgence, qui selon eux sont en rupture d’activité temporaire ou fermés notamment à cause de la loi Rist.  

Si diminuer les rémunérations considérées comme abusives ne déplaît pas forcément, les avis se rejoignent quant à l’état préoccupant de l’offre de soins en France. 

Dans un communiqué du 12 avril, le groupe La France Insoumise-Nupes (LFI-Nupes) alerte : “Sous couvert de la lutte légitime contre les rémunérations abusives de médecins intérimaires, la loi 'Rist', entrée en application il y a quelques jours, menace de nombreux services et hôpitaux de proximité.” 

Elle entraînerait des fermetures “inacceptables” : “La loi Rist ne doit pas servir de prétexte à des fermetures d’établissements ou de services aujourd’hui dépendants de l’intérim médical du fait de la politique destructrice suivie depuis des années, notamment sous Emmanuel Macron.” 

La LFI-Nupes redoute aussi “le risque de fuite des médecins intérimaires du public vers les structures privées”.

Lors de la séance publique au Sénat du 8 mars 2023, Jean Sol, élu des Pyrennées-Orientales, soutenait quant à lui le fond du projet de la loi du gouvernement.

Mais le sénateur s’inquiètait lui aussi de l’éventualité de “ruptures d’activités” après l’entrée en vigueur de la loi, avec le risque de voir fermer de nombreux services de soins en France, à cause du manque de médecins : “l’inégalité des Français face à l’accès aux soins va être renforcée.” 

Dans les faits, les intermédiaires sont bel et bien partis selon Amandine Weber, directrice générale adjointe aux affaires médicales de l’hôpital d’Épinal : “on essaie de convaincre nos anciens intérimaires de revenir, on n’arrête pas d’appeler, on ne fait que ça”.  

Les gardes de nuit sont particulièrement affectées par le manque de spécialistes essentiels : anesthésistes, gynécologues obstétriciens, urgentistes, pédiatres…  

Le montant fixé par l’État, les intérimaires n’en veulent plus, d’après Amandine Weber qui évoque à demi-mots le désert médical des Vosges : "La démographie médicale était déjà tendue, la réforme vient serrer encore un peu la vis, ça nous oblige à nous restructurer. Et se restructurer, ça veut dire perdre des activités." 

Si la permanence des soins a été jusqu’à maintenant assurée, la situation est “très fragile” selon Dominique Cheveau, directeur du centre hospitalier d'Épinal : “des déprogrammations d’activités, notamment en chirurgie” ont déjà eu lieu à cause du manque de médecins anesthésistes.  

Par ailleurs, toujours dans la même région, 30 lits ont été fermés à l’hôpital de Remiremont, 20 lits à Neufchâteau. Quant aux urgences de Vittel, elles ne sont plus accessibles la nuit et peuvent rejoindre la liste établie par le SNMRH. 

Dominique Cheveau, pessimiste sur la situation indique qu’”il y a aussi un prix humain, psychologique, important" générée par cette pénurie de personnels soignants. “Cela pèse sur l'ambiance de nos hôpitaux, ça génère de la fatigue et de la pression. À terme, ça peut faire partir des gens qui auront atteint un seuil de saturation".

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