Turquie - Chirurgie du sourire : pourquoi les Français traversent la Méditerranée

Soins à prix réduits, cliniques haut de gamme, prise en charge complète : la Turquie attire de plus en plus d’Européens venus se refaire les dents. Entre promesse esthétique et logistique millimétrée, immersion dans un univers médical bien rôdé.
Le tourisme médical turc a de beaux jours devant lui. Chaque année, des milliers d’Européens traversent la Méditerranée pour refaire leurs dents, attirés par des prix cassés et des cliniques au marketing léché.
Parmi elles, une structure s’impose comme un poids lourd du secteur : Dentakay. Fondée il y a sept ans par Gülay Akay, chirurgienne-dentiste, et son mari Onur Akay, entrepreneur, l’entreprise a grandi vite. Aujourd'hui, elle compte plusieurs centres, 600 employés, et une présence à Istanbul, Antalya, Riyad et même Tijuana au Mexique.
Jabar, responsable marketing , résume : « notre différence c’est que la société a été fondée par des dentistes et pas des businessmen » Pour en juger moi-même, j’ai passé cinq jours sur place, entre radios 3D, soins esthétiques, et observations de terrain. Avec, en prime, un blanchiment dentaire à 350 euros – un tarif trois fois inférieur à celui proposé à Paris.
Dès l'aéroport, l’expérience commence
À Istanbul, l'accueil donne le ton : un chauffeur en costume noir attend à la sortie, berline haut de gamme, bouteille d'eau, encas, et écran diffusant en boucle les métamorphoses réussies de précédents patients.
À bord, l’ambiance est presque feutrée. L’expérience ne commence pas sur le fauteuil du dentiste, mais dès l’atterrissage.
Le parcours est huilé : transfert à l’hôtel, enregistrement rapide, puis rendez-vous à la clinique. Formalités administratives, remise du passeport, et premières radios. Ici, pas de simples clichés panoramiques : scanner 3D, analyse numérique du sourire, simulation de traitements. Le matériel est à la pointe, l'organisation sans faille.
Les cliniques Dentakay ne ressemblent pas à des cabinets traditionnels. C’est une usine à soigner, organisée, calibrée, optimisée. Sur place, un laboratoire interne permet de concevoir sur mesure couronnes, bridges et facettes, limitant ainsi les délais d'attente. Dix mille couronnes sont, par exemple, fabriquées chaque mois.
« Cela nous permet de garantir qualité et rapidité », souligne Baresh, le responsable communication de la société. Et, fait notable : lors d’un examen que j’ai passé, une carie a été détectée que les dentistes français consultés trois mois plus tôt n’avaient pas repérée.
Le rythme est soutenu, mais pas brutal. Chaque patient dispose d'un coordinateur parlant sa langue. Pour les francophones, c’est souvent Amine, jeune Ivoirien installé en Turquie depuis sept ans, qui guide avec tact et sourire dans ce ballet bien orchestré.
Une médecine à l’échelle industrielle
La structure propose l’ensemble des traitements classiques : implants, facettes, blanchiment, orthodontie, chirurgie maxillo-faciale, traitements esthétiques des gencives. À Antalya, station balnéaire réputée, dans son nouveau centre à l’architecture design, la clinique pousse l’expérience jusqu’à flirter avec l’univers hôtelier : « Nous voulons offrir un environnement où soin rime avec confort », précise Baresh.
Mais derrière cette vitrine impeccable, une réalité demeure : pour beaucoup de patients, il s’agit d’interventions lourdes, réalisées à grande vitesse. La promesse d’un Hollywood Smile – ce sourire ultra- bright - en quelques jours repose sur une organisation parfaite, mais exige aussi une confiance absolue dans le processus.
« Je ne veux pas qu’on vienne ici seulement pour un beau sourire. Je veux qu’on vienne ici parce que notre médecine est rigoureuse et nos traitements solides », tient à rappeler le docteur Gülay Akay, la cofondatrice.
Quand le soin devient la destination
Les tarifs sont l'argument massue. À ces prix-là, le sourire devient un voyage, la santé un produit d’appel. Mais derrière chaque décision, des parcours très personnels. L’essentiel des patients viennent de Grande-Bretagne, mais les Français tentent de plus en plus l’expérience. : « Chaque mois, nous recevons environ 1000 patients étrangers. Les pays d’origine les plus représentées sont la France, l’Angleterre, la Belgique et les États-Unis. » Héloïse, 33 ans, assistante de direction est venue d’Évian où elle travaille dans la restauration. Elle restera 1 semaine, pour 24 couronnes à installer. Prix : 5000 euros. : « Ce qui m’a convaincue, c’est leur professionnalisme. J’ai vérifié les avis sur Trustpilot, Instagram, Facebook… Tout était transparent, sérieux. Ils ne sont pas dans le cheap : vol, hôtel, transport, tout est bien organisé. J’ai même pu écrire un dimanche soir à 22h et on m’a répondu. Le fait qu’ils soient implantés en France, en Suisse, en Belgique, et qu’ils aient plusieurs agences dans le monde, ça inspire confiance. Et leurs récompenses m’ont clairement rassurée. »
Moïse, 54 ans, employé municipal venu avec sa femme, de l’Essonne, est lui venu refaire presque toute sa dentition : « J’ai économisé plusieurs années. Ce n'est pas un caprice, c'est un vrai besoin. Et franchement, tout se passe mieux que ce que je l'imaginais. » Des soins qui ne nécessitent plusieurs jours sur place, permettant à ces touristes d’un autre genre de profiter des attraits du pays.
Le sourire globalisé
La clinique affiche ses trophées avec fierté : meilleure clinique dentaire d’Europe en 2022, partenaire officiel de Miss England. Mais derrière ces distinctions, le modèle économique reste celui d’un traitement compressé dans le temps, optimisé pour la clientèle étrangère. Les équipements sont performants. Les professionnels sérieux. Mais le rythme soutenu, l’éloignement du suivi post-opératoire, et la logique commerciale assumée peut interroger.
Ce centre dentaire nouvelle génération incarne parfaitement ce que devient la santé à l’ère de la mondialisation : structurée, efficace. Dentisterie, hôtellerie, logistique, marketing, tout est réuni pour séduire. Mais cette réussite pose une question simple et essentielle : jusqu’où peut-on industrialiser un acte médical sans en perdre l’âme ?
Les patients repartent souvent satisfaits. Le sourire éclatant, la photo souvenir sur Instagram. Dans cet éclat, il reste toujours une part d’inconnu.
Le sourire, oui. Mais pas à n'importe quel prix. Ceci-dit quand les délais s’allongent en France et que certains soins deviennent inaccessibles, la Turquie propose là une alternative organisée, rapide et maîtrisée. Ce tourisme médical ne vient pas concurrencer le système français : il vient le suppléer là où il fatigue.
Et si l’on peut questionner le modèle, on ne peut qu’admettre qu’ici, les soins sont de haut niveau, et que l’organisation générale rassure et séduit. Les patients repartent souvent satisfaits, parfois soulagés, parfois transformés. Il n’est pas rare d’en croiser le dernier jour, en pleurs, gagnés par l’émotion d’avoir un sourire réparé. La promesse est donc tenue.
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