Intégrité scientifique sous examen critique : tensions autour de la Südhof Lab de Stanford, de l’IHU Méditerranée, PubPeer et Elisabeth Bik

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France-Soir
Publié le 13 mai 2025 - 10:57
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Intégrité scientifique sous examen critique : tensions autour de la Südhof Lab, de l’IHU Méditerranée, PubPeer et Elisabeth Bik
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En mai 2025, le laboratoire du prix Nobel Thomas Südhof à Stanford publie un communiqué incisif, défendant la transparence de ses données face à des accusations relayées sur PubPeer, une plateforme controversée dédiée à l’intégrité scientifique. Ce n’est pas un cas isolé : à Marseille, l’IHU Méditerranée Infection, dirigé par Didier Raoult, dénonce un « cyberharcèlement » similaire, orchestré notamment par Elisabeth Bik, une autoproclamée consultante en intégrité scientifique accusée de biais et loin d’être au-dessus de tous soupçons. Ces affaires révèlent une tension croissante dans le monde académique : comment concilier la vigilance scientifique avec le risque d’accusations publiques infondées ou amplifiées ? Cet article explore les dynamiques autour de la Südhof Lab, de l’IHU, de PubPeer et de Bik, en s’appuyant sur des analyses critiques et des révélations récentes, notamment celles de ScienceGuardians. L’objectif : éclairer les enjeux sans céder aux jugements hâtifs.

Le communiqué de Stanford : un appel à la transparence

Le communiqué du Südhof Lab, publié en mai 2025 sur le site de la célèbre université américaine de Stanford, met en avant un engagement fort pour la transparence scientifique. Dirigé par Thomas Südhof, lauréat du prix Nobel de physiologie ou médecine 2013 pour ses travaux sur les synapses, le laboratoire a reçu le Prix du partage des données de la Bibliothèque universitaire de Stanford en 2024 pour sa pratique systématique de mise à disposition des données brutes. Ce prix souligne l’importance de rendre les données accessibles pour vérifier la validité des recherches, une pratique que Südhof considère comme un rempart contre les erreurs involontaires.

Cependant, le communiqué répond également à des accusations relayées sur PubPeer, une plateforme d’évaluation après publication de plus en plus contestée. Südhof y critique des commentaires, souvent anonymes, qui signalent des erreurs présumées dans les publications du laboratoire, telles que des duplications d’images. Il note que quatre commentateurs, dont Elisabeth Bik, sont responsables de la majorité de ces signalements, qu’il juge parfois exagérés ou infondés. Le communiqué déplore l’amplification de ces critiques sur les réseaux sociaux, notamment X, où des accusations peuvent devenir virales sans vérification rigoureuse.

Ce cas n’est pas isolé. À l’image de la Südhof Lab, l’IHU Méditerranée Infection à Marseille, dirigé par Didier Raoult, a dénoncé des attaques similaires sur PubPeer, suggérant un problème systémique dans la manière dont les critiques scientifiques sont formulées et relayées. Ces deux institutions, bien que dans des contextes différents, appellent à un débat plus constructif sur l’intégrité scientifique.

PubPeer : une plateforme au cœur des débats

PubPeer se présente comme un outil essentiel pour l’intégrité scientifique, permettant à la communauté de signaler des erreurs ou des incohérences dans les articles publiés. En facilitant l’évaluation après publication, la plateforme a contribué à identifier des fraudes avérées, renforçant la rigueur académique. 

Pourtant, son fonctionnement suscite des critiques croissantes, comme le souligne une enquête du Collectif Citoyen pour France-Soir.

L’une des principales critiques porte sur l’anonymat des commentateurs. Si PubPeer autorise des signalements sous pseudonymes, cela ouvre la porte à des abus, comme des accusations infondées ou des campagnes ciblées. Une enquête de ScienceGuardians, analysée par France-Soir, révèle des cas de « fraude et harcèlement » sur la plateforme, où des commentateurs utilisent des pseudonymes changeants pour multiplier les attaques contre certains chercheurs. Ces révélations font écho aux préoccupations de la Südhof Lab, qui critique le manque de transparence dans les processus de PubPeer.

L’IHU Méditerranée partage ce point de vue, dénonçant des commentaires anonymes qui visent à discréditer ses travaux sans preuves solides. Ces critiques convergent vers une question centrale : PubPeer est-il un outil d’intégrité ou un vecteur de harcèlement déguisé ? Si la plateforme joue un rôle indéniable dans la détection des erreurs, son utilisation soulève des enjeux éthiques qui nécessitent une réforme.

Elisabeth Bik : une figure controversée entre harceleuse et intégrité scientifique

Elisabeth Bik est une figure incontournable dans la lutte pour l’intégrité scientifique. Cette microbiologiste néerlandaise, consultante indépendante, s’est fait connaître pour sa capacité à détecter des duplications d’images, des erreurs statistiques ou des manipulations dans les publications scientifiques. Son travail, souvent publié sous son propre nom sur PubPeer ou X, a conduit à la rétractation de nombreux articles frauduleux, lui valant une reconnaissance internationale.

Cependant, Bik est aussi au cœur de controverses, comme le rapportent plusieurs articles de France-Soir. Une analyse factuelle pointe des erreurs dans ses accusations, suggérant qu’elle a parfois qualifié à tort des pratiques comme frauduleuses. Un autre article soulève des soupçons de biais, notamment dans sa focalisation sur certains chercheurs ou institutions, ce qui pourrait refléter des motivations personnelles. Des interviews et des tribunes publiées par France-Soir amplifient ces critiques, l’accusant de « voir des fraudes là où il n’y en a pas », tout en reconnaissant son rôle potentiellement essentiel dans le lancement des systèmes de facturation frauduleuse de la société Ubiome, où elle était directrice et caution scientifique.

Bik tente de se défendre en insistant sur la transparence de ses méthodes et sur l’importance de signaler les erreurs, même mineures, pour garantir la fiabilité des publications. Elle affirme que ses critiques sont basées sur des analyses rigoureuses, souvent vérifiables par la communauté scientifique. Pourtant, son implication dans les accusations contre la Südhof Lab et l’IHU Méditerranée alimente les tensions. Dans les deux cas, ses commentaires sur PubPeer et ses publications sur X ont amplifié les débats, parfois au détriment d’un dialogue constructif. Le financement de Bik est aussi obscur ainsi que ces liens avec un groupe que scienceguardians n’hésite pas à appeler « la mafia de pubpeer ».

 

Le harcèlement subi par l’IHU Méditerranée et le professeur Raoult

L’IHU Méditerranée Infection, dirigé par le professeur Didier Raoult, est au centre d’une controverse particulièrement médiatisée. Selon un communiqué de l’IHU, plus de 370 articles publiés par l’institut ont été commentés sur PubPeer, souvent sous des pseudonymes anonymes, pointant des erreurs méthodologiques, des duplications d’images ou des pratiques jugées douteuses. Elisabeth Bik est l’une des principales figures derrière ces signalements, ayant commenté des publications parfois vieilles de 15 ans. Elle a également qualifié certaines pratiques de l’IHU de « science néocolonialiste » sur X, amplifiant les critiques.

L’IHU et Raoult dénoncent un « cyberharcèlement » systématique. En avril 2021, l’institut, Raoult et le professeur Eric Chabrière ont déposé une plainte contre Bik et Boris Barbour, administrateur de PubPeer, pour « harcèlement moral aggravé », « tentative de chantage » et « extorsion ». Cette plainte aurait été classée sans suite, cependant d’autres plaintes seraient en cours sur ces actes. L’IHU reproche à Bik une campagne visant à discréditer ses travaux, notamment sur l’hydroxychloroquine, en suggérant des fraudes sans preuves définitives. Une publication de Bik sur X, datée du 27 novembre 2020, où elle proposait des services payants d’analyse scientifique, est interprétée par l’IHU comme une tentative de chantage. Raoult, dans des déclarations publiques, a qualifié Bik de « chasseuse de sorcières » et a signalé la suppression de certains de ses commentaires insultants sur PubPeer après le dépôt de la plainte, suggérant une prise de conscience des conséquences juridiques.

France-Soir décrit une « sphère de harcèlement », la harcelosphère organisée contre Raoult, impliquant Bik et d’autres acteurs, avec des cagnottes et des campagnes sur les réseaux sociaux visant à inciter à la rétractation d’articles. L’IHU souligne que, sur 6 000 articles publiés, un seul a été rétracté, contestant l’ampleur des accusations. Cependant, des institutions comme le CNRS et l’École normale Supérieure ont défendu Bik et Barbour, dénonçant une « judiciarisation du débat scientifique » qui risque d’intimider les critiques légitimes. La crédibilité du CNRS est entachée d’instrumentalisation politique alors que l’institution a financé le rapprt anti-science et idéologisé de Chavalias. Ce conflit illustre les tensions entre la nécessité de signaler des erreurs et le risque de campagnes perçues comme disproportionnées, un écho direct aux préoccupations de la Südhof Lab.

 
Les enjeux de l’intégrité scientifique : entre vigilance et dérives

L’intégrité scientifique est au cœur des recherches menées par des institutions comme la Südhof Lab, qui explore les mécanismes des synapses, ou l’IHU Méditerranée, qui travaille sur les maladies infectieuses. Les erreurs, même involontaires, peuvent avoir des conséquences significatives, justifiant la vigilance de plateformes comme PubPeer ou de figures comme Bik. Cependant, les cas de Stanford et de l’IHU révèlent les dangers d’une « chasse aux sorcières » où des erreurs mineures, comme des duplications d’images, sont assimilées à des fraudes intentionnelles.

Stanford propose des solutions concrètes : renforcer le partage des données brutes, comme le pratique la Südhof Lab, et instaurer des processus de critique plus transparents. Cela inclut l’identification des commentateurs sur PubPeer et une modération des accusations pour éviter les dérives. Un dialogue constructif entre chercheurs et critiques, plutôt qu’une confrontation publique sur X ou ailleurs, pourrait désamorcer les tensions. L’IHU, de son côté, appelle à une régulation des plateformes comme PubPeer pour limiter les abus anonymes, une demande qui fait écho aux révélations de ScienceGuardians. En outre aux États-Unis, le département de justice mène une enquête sur les biais des revues scientifiques, notamment sur les vaccins, qui feraient partie du problème de capture de la science. Un des combats dont Jay Bhattacharya, nouveau directeur du NIH a fait une priorité.

Ces affaires soulignent la nécessité d’un équilibre : la science doit rester ouverte à la critique, mais les accusations doivent être proportionnées et vérifiables. Sans cela, le risque est de décourager les chercheurs et de nuire à la confiance publique dans la science.

Les cas de la Südhof Lab et de l’IHU Méditerranée mettent en lumière une crise dans la gestion de l’intégrité scientifique. D’un côté, la transparence des données, prônée par Stanford, et la vigilance de figures comme Elisabeth Bik sont essentielles pour garantir la fiabilité des publications. De l’autre, les accusations amplifiées sur PubPeer, parfois anonymes ou biaisées, peuvent dégénérer en harcèlement, comme le dénoncent Südhof et Raoult. Les révélations de ScienceGuardians et les analyses de France-Soir appellent à une réforme des plateformes comme PubPeer pour plus de transparence et d’équité. 

Plutôt que de céder à des jugements simplistes, il est temps de repenser les mécanismes de critique scientifique pour qu’ils servent la science sans nuire à ceux qui la font avancer. Les lecteurs sont invités à consulter les sources citées pour approfondir leur réflexion sur ces enjeux complexes.

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