Areva en Chine : pourquoi le contrat à 12 milliards d'euros sera loin de régler tous les problèmes de l'entreprise
La situation d'Areva est préoccupante à plus d'un titre. La stratégie qui repose sur les réacteurs de type EPR est malmenée tandis que la situation financière demeure précaire malgré une récente recapitalisation. Alors que cette grande firme est un des fleurons de notre indépendance nationale, force est de constater sa dépendance croissante vis-à-vis de partenaires et clients chinois.
Lors de son récent déplacement en Chine, Emmanuel Macron a laissé entendre qu'un contrat de plus de 12 milliards d'euros serait prochainement signé entre Areva et son partenaire chinois CNCC afin de réaliser la fourniture d'une usine de retraitement du combustible nucléaire. Ainsi, selon la lettre d'intention qui accompagne plus de 10.000 pages de pré-contrat, Areva s'engage en matière de traitement des combustibles usagés et sur la production de Mox: un fuel susceptible d'être réinjecté dans les réacteurs nucléaires. En clair, Areva va faire bénéficier la Chine de ses technologies déployées avec succès tant à l'usine de la Hague (Manche) qu'à celle de Melox (Gard).
Ce projet est une planche de salut pour Areva car elle va lui permettre de démontrer son savoir-faire en matière de cycle du combustible qui est désormais son cœur de métier consécutivement à la reprise par EDF de la division réacteurs et services (Framatome). Il est au demeurant essentiel de mettre en perspective ce contrat chinois de 12 milliards avec la dette de l'entreprise qui dépasse les 5 milliards et son chiffre d'affaires désormais cantonné à 3 milliards d'euros. Sans la recapitalisation de l'été dernier (actée par le décret d'avance du 21 juillet 2017) pour un montant de 2,5 milliards auquel va venir s'ajouter 500 millions des groupes nippons MHI et JNFL qui détiendront ainsi 10% du capital, Areva aurait frôlé la cessation de paiements.
Si le contrat chinois annoncé est effectivement confirmé, Areva a une chance de relever la tête mais il reste l'épineuse question des EPR. Celui d'Olkiluoto en Finlande et celui de Flamanville dans la Manche accumulent des retards de chantiers considérables qui grèvent les comptes d'Areva. Au demeurant, une nouvelle trajectoire d'activité (business-plan) a été établie récemment pour intégrer les nouvelles pénalités financières découlant du chantier de Finlande. Il faut garder à l'esprit que l'EPR finlandais a vu sa construction débuter en 2005 et Flamanville en 2007 et que bien des défis techniques se posent encore qui interrogent donc la pertinence du format de ce type d'installation alors que le marché est demandeur d'ouvrages de moindre envergure.
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Rayon de soleil dans ce ciel de plomb, le premier EPR chinois –lui aussi réceptionné avec quatre années de retard– sur le site de Taishan est en passe d'être mis en service du fait de l'introduction du combustible au cœur de la centrale. Cet événement est déterminant pour EDF qui est présente à hauteur de 30% du capital de la co-entreprise avec le chinois CGN mais là encore tout n'est pas résolu. Au total, la filière électro-nucléaire française est en souffrance et on peut légitimement penser que la génération des EPR sera probablement mise au rebut, tôt ou tard.
Faut-il ici rappeler qu'un ancien directeur financier d'EDF avait démissionné au motif qu'il estimait que la construction de deux EPR à Hinkley Point (Grande-Bretagne) était irréaliste et hasardeuse? Ce haut responsable devait avoir accès à une multitude de paramètres lui permettant d'étayer son jugement. Paramètres confidentiels tant il est vrai que le monde du nucléaire garde une certaine opacité sur ses structures de coûts et sur ses visées stratégiques.
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