Assurance chômage pour les indépendants : pourquoi la mise en place d'une telle mesure s'annonce difficile

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 14 décembre 2017 - 16:51
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Le gouvernement publie le nombre de chômeurs inscrits fin octobre sur les listes de Pôle emploi, l'u
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© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives
Faire bénéficier les indépendants et les démissionnaires d'une couverture chômage représente une évolution complexe à mener.
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L'annonce lors de la campagne d'une couverture chômage pour les indépendants est en train de se transformer en réforme, aux contours encore flous. Et pour cause, la couverture de ces populations fait face à des réalités très diverses, entre les indépendants qui veulent cotiser, ceux qui ne veulent pas, ou ceux qui cotisent déjà ailleurs. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, analyse pour "France-Soir" les raisons pour lesquelles le dossier s'annonce épineux pour le gouvernement.

Toute campagne électorale draine son lot de promesses. Le candidat Macron n'a pas échappé à la règle et il s'est même piégé tout seul avec son idée de généraliser l'assurance chômage. Selon ses premiers dires, l'artisan, le commerçant, la profession libérale et les salariés démissionnaires auraient droit à indemnisation. Une fois effectués les calculs, Bercy a confirmé au président Macron que cette idée, prise au sens large, pourrait coûter jusqu'à près de 8 milliards d'euros. Depuis, le gouvernement ne cesse de mettre des conditions restrictives afin de tenir une enveloppe budgétaire qui devrait osciller autour de 1,5 milliard. Ce jeudi 14, Edouard Philippe transmettra aux partenaires sociaux un document de travail qui sera le socle de la future négociation.

Concernant les indépendants pris au sens large, il faut déterminer la durée de l'indemnisation (plafonnée à un an?) et son montant. Puisqu'il s'agit d'une assurance, il serait logique de voir les indépendants cotiser –comme le font les salariés pour une certaine période afin de se voir ouvrir des droits. Or, si les indépendants sont en grande majorité favorables à l'idée d'une indemnisation (à hauteur de 80% d'entre eux selon un récent sondage OpinionWay auprès de 306 personnes), très peu sont d'accords pour une cotisation obligatoire qui pourrait atteindre jusqu'à 3% des revenus d'activité. Au demeurant, ce sondage rapporte la hiérarchie des risques ressentis par les indépendants. Pour 60% d'entre eux, il s'agit de l'incapacité physique ou mentale, pour 51% de l'insatisfaction des clients et enfin, pour 42% d'entre eux, des risques issus de pannes, vols, etc de leur outils de travail. Cet énoncé démontre qu'il risque d'exister des chevauchements avec des assurances privées ("homme clé", perte d'exploitation, etc) ce qui pose problème.

Lire aussi: Réforme en faveur des indépendants: Philippe confirme la disparition du RSI

Concrètement, chaque situation est porteuse de diversité. Un accord sera probablement trouvé pour ce qui concerne les indépendants économiquement dépendants (chauffeurs Uber, Deliveroo, etc.) dont les plateformes de rattachement seraient appelées à cotiser. En revanche, pour les avocats (qui ont une caisse spécifique de solidarité en cas de faillite) ou pour les médecins qui ont des revenus étatisés, on perçoit aisément les difficultés d'un accord. Toute création d'un revenu de remplacement sera un casse-tête d'autant qu'il devra respecter des principes d'égalité devant la loi.

Une assurance chômage pour les indépendants ne pourra prétendre à l'universalité et même si le bruit court qu'il n'y aurait pas de cotisation obligatoire, on voit mal comment ce statut serait alors compatible avec les textes fondateurs de l'Unedic qui est bel et bien un système assurantiel. Affaire à suivre mais il me semble que le principe "droits ouverts" va de pair avec "cotisations".

Aller plus loin: Coup d'envoi de la réforme de l'assurance chômage

S'agissant des démissionnaires, le candidat Macron avait indiqué que ceux-ci auraient droit au chômage tous les cinq ans. Face aux risques d'effet d'aubaine et au format de la population concernée (plusieurs millions potentiellement), le gouvernement a posé des restrictions d'importance. Tout d'abord, la durée de présence à l'emploi pourrait passer de cinq à sept ans et surtout, il faudrait que la démission ait un sens. Autrement dit, qu'elle soit porteuse d'un projet alternatif de travail. On n'indemniserait que les démissionnaires munis d'une perspective personnelle de rebond professionnel.

Là encore, la discussion est ouverte pour arrêter des chiffres en matière de montant et de durée d'indemnisation. De la promesse électorale aux actes, il y a bien une voie mais elle semble aussi chaotique qu'étroite…

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