Baisse des exportations d'électricité : les prévisions de Greenpeace sont-elles crédibles ?
Dans une note de Greenpeace, publiée par le quotidien Libération, l’ONG estime qu’il faudrait fermer 27 à 31 réacteurs d‘ici 2025 pour respecter la promesse présidentielle de réduire à 50% la part de l’atome dans le "mix énergétique" français (contre 75% actuellement).
Greenpeace émet cette note pour critiquer notamment le projet de programmation pluriannuelle du gouvernement jugé flou, et ne précisant pas exactement le nombre de fermetures, bien que les chiffres avancés dans le document laisse penser à l‘arrêt définitif "de 2 à 12 réacteurs nucléaires" d’ici l’échéance 2025.
Mais l’ONG appuie aussi son estimation élevée, selon des propos rapportés par le journal, en expliquant que "nous (Greenpeace, NDLR) considérons qu’en 2025, le bilan net des exportations sera nul, donc que les besoins de production seront moindre (…) Il n’est pas complètement ahurissant de considérer que nos exportations vont baisser. Car étant donné la concurrence accrue de nos voisins, qui exportent eux aussi de plus en plus, et le fait que l’on vend plutôt à perte aujourd’hui étant donné les prix très bas, les bénéfices sont tellement ridicules que c’est une décision commerciale qui peut être prise".
Problème: cette affirmation n’est pas nécessairement partagée par les observateurs économiques du secteur. D’une part en effet la concurrence européenne sur le marché de l’énergie électrique est plutôt faible, la France étant encore loin devant, pendant que les autres pays ont soit un secteur nucléaire tout aussi vieillissant, quand il n’est pas en cours de démantèlement. Le seul projet d’envergure est celui d’Hinkley Point au Royaume-Uni… largement le fait d'acteurs hexagonaux. D’autre part, si la tendance à la baisse de coût de toutes les énergies pèse à court terme sur le prix de l’électricité, y compris nucléaire, ce ne sera pas une tendance de fond.
"La loi relative à la transition énergétique va faire augmenter la présence des énergies renouvelables qui sont tendanciellement plus chères que le nucléaire, avec un ratio qui peut aller parfois de 1 à 4. Et les énergies qui peuvent produire des volumes très importants, à un rythme constant, comme le nucléaire, vont rester compétitive dans la durée" explique à FranceSoir Nicolas Mazzucchi, chercheur en économie de défense à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM).
Aujourd’hui, seuls le charbon et le gaz coûtent mois cher que le nucléaire. Mais le charbon va devenir obsolète, son utilisation ne permettra plus en effet de respecter les critères de la législation européenne. Quant au gaz, le premier fournisseur européen étant la Russie, il reste la source d’un risque pour la souveraineté qui va, au moins à moyen terme, maintenir la place stratégique du nucléaire, et donc le dynamisme des exportations du produit des centrales françaises.
Enfin, autre argument mettant en doute l’analyse de Greenpeace, la dimension stratégique du nucléaire, qui pourrait d’ailleurs expliquer la frilosité de l’Etat à avancer des chiffres précis. En effet, même si le bilan net des exportations devenait nul, la France pourrait volontairement choisir de conserver sa position de premier exportateur européen d’électricité issue de centrales nucléaires, même à perte. "Le marché en lui-même, qui est d’abord une question de trading, n’est pas stratégique dans l'absolu" admet Nicolas Mazzucchi. "Mais la maîtrise de la fabrique de l’énergie nucléaire est l’enjeu majeur. Et il faut comprendre que derrière une industrie nucléaire, il y a toute une activité de recherche-développement et de recherche fondamentale, pas nécessairement liée à l’atome". Une capacité que l'Etat ne voudra pas voir se réduire. Et qui pourrait le pousser à limiter au maximum la fermeture de centrales, même avec les meilleurs arguments économiques.
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