Bonzini : le boom du baby

Auteur(s)
Pierre Plottu
Publié le 11 septembre 2015 - 13:55
Mis à jour le 01 octobre 2015 - 10:12
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Des "baby" Bonzini.
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Des modèles de "baby" Bonzini exposés dans le hall d'accueil de l'usine de la marque, à Bagnolet.
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Passés des troquets au domicile des particuliers, les baby-foot Bonzini sont la référence du genre. Un succès que l’entreprise, restée familiale depuis huit décennies, doit autant à son savoir-faire qu'à sa capacité à faire du "baby" un objet à la mode.

Une caisse en bois, 22 joueurs répartis sur huit barres, et deux buts. A priori rien de révolutionnaire. Sauf que les baby-foot ont fait jouer des générations de Français. Les "baby" Bonzini surtout: depuis les années 1970,  près de 90% des cafés équipés de ce jeu le sont avec des produits de la marque. Autant dire que le bruit, si particulier, que font le monnayeur puis la libération des balles, est presque une madeleine de Proust pour des millions de joueurs...

Fondée en 1927 par Joseph Bonzini, qui a émigré d’Italie pour fuir le régime de Mussolini, la marque du même nom est au baby-foot ce que Ferrari est aux voitures, une référence. A ses débuts, son fondateur fabriquait des meubles et donnait dans la mécanique de précision. Il a ainsi été un temps prestataire pour l’industriel automobile transalpin Lancia, notamment.

Installée en proche banlieue parisienne, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), la société s'est peu à peu diversifiée dans le domaine des loisirs et a fabriqué son premier baby-foot en 1935. Mais ce n’est qu’après-guerre, à l'heure du baby boom, qu’elle se lance vraiment sur ce marché –alors naissant en France– avec un modèle baptisé B53. A cette époque, il existe une douzaine de fabricants mais la plupart négligent la qualité et se contentent de matériaux bas de gamme.

"Bonzini n’a pas inventé le baby-foot, mais nous avons été les premiers à fabriquer des modèles avec des barres télescopiques (qui ne dépassent pas de l’autre côté du meuble, NDLR) et, surtout, à apporter un savoir-faire industriel à nos produits", explique à FranceSoir Gérard Bergaglia, petit-neveu de Joseph Bonzini et actuel directeur général de la société. Ainsi, les barres sur lesquelles sont fixés les joueurs sont usinées "au centième de millimètre", assure-t-il.

Retour de manivelle

Le succès est fulgurant pour Bonzini. Dès les années 1970, près de neuf cafés sur dix qui ont un baby-foot sont équipés avec un produit sorti des ateliers de Bagnolet, à en croire Gérard Bergaglia. Sous l’égide de la femme de Joseph Bonzini, qui a pris la tête de la société à sa mort en 1937, puis du frère du fondateur, Raymond Bergaglia, à partir des années 1950, la société vit alors son âge d’or. Devenu mythique, son modèle B60 s’est ainsi écoulé à près de 150.000 exemplaires depuis sa création, en 1959.

Puis arrive le tournant de l’année 1990. Fraîchement devenu dirigeant de la société, dans laquelle il travaille depuis une dizaine d’années, Gérard Bergaglia peine à écouler ses produits. L’Hexagone ne compte alors plus que 50.000 cafés (contre 250.000 vingt ans auparavant), qui constituent son seul débouché.

Le petit-neveu du fondateur de Bonzini choisi alors de se tourner vers le marché des particuliers. Doté de moyens financiers limités, il décide néanmoins de s’offrir une pleine page de publicité dans Le Figaro Magazine. Jackpot: les commandes de nostalgiques du célèbre "baby" affluent et permettent de redresser les comptes.

Aujourd’hui, le marché des particuliers représente près de 40% des ventes de Bonzini contre à peine 20% pour les cafés. Le reste des 5.000 baby-foot produits chaque année par les 38 salariés de la marque sont écoulés auprès des collectivités (30%) et des entreprises (10%).

Les exportations ne sont pas en reste et représentent un peu plus de 35% des six millions d’euros de chiffre d’affaires 2013 de la société, en hausse depuis plusieurs années. Toujours fabriqués à Bagnolet, dans des ateliers presque artisanaux, les Bonzini, 100% made in France, se vendent très bien en Amérique du Nord et en Asie, notamment.

Un baby Dior

Si les entreprises ne représentent que 10% des ventes de la marque, elles n'en sont pas moins des clients stratégiques. "Les sociétés à qui nous vendons nos produits sont essentiellement des agences de communication", explique Gérard Bergaglia. Ces dernières se sont emparées du baby-foot, objet éminemment convivial, pour elles-mêmes (équiper une salle de détente, par exemple) autant que pour leurs événements.

Ayant collaboré avec Philippe Starck (qui en a équipé ses restaurants), Perrier, Colette (qui a donné naissance au "Barbie-foot"), Google, Continental, Dior et bien d'autres, la marque collectionne les partenariats prestigieux. Ce qui est un excellent moyen pour elle de faire parler de ses produits sans faire la moindre publicité.

Passé maître dans l'art de la personnalisation, Bonzini propose de nombreuses déclinaisons de ses modèles. Couleur, poignées, maillots des joueurs, tout est adaptable. Ainsi, le joueur français Thierry Henry s'est fait offrir un baby très particulier: aux couleurs de la France d'un côté et de son club fétiche d'Arsenal de l'autre... Et la marque propose même un modèle à tiroir, hybride entre un baby-foot et une commode.

Tout ceci a un prix, il faut compter un peu plus de 1.000 euros pour s'offrir un modèle stadium, l'entrée de gamme. Le célèbre B60 de café, équipé d'un monnayeur, coûte près de 2.300 euros. Des sommes conséquentes qui se justifient notamment par la durée de vie des Bonzini, estimé "entre 30 et 40 ans" par Gérard Bergaglia. Sans compter que sa société vend toutes les pièces détachées nécessaires à rénover un modèle dégradé.

Mais c'est aussi une somme qui peut aisément se rentabiliser. Nonobstant le prix –élevé– de revente des babys de la marque sur le marché de l'occasion, les acquéreurs devenus imbattables après des heures d'entretien à domicile pourront toujours se rembourser sur le dos de leurs amis. Car, c'est bien connu, c'est toujours Fanny qui paye à boire…

 

 

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