Crise du logement : la verticalité est-elle la solution ?

Auteur(s)
Bernard Cadeau, édité par la rédaction
Publié le 09 avril 2019 - 18:40
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Des immeubles résidentiels à Hong Kong équipés d'air conditionné, le 11 août 2017
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© TENGKU Bahar / AFP
La verticalité, solution à la crise du logement? Pas si simple.
© TENGKU Bahar / AFP

Face au manque de logements disponibles, générant ainsi une hausse constante du marché, la tentation du choc de l'offre en proposant de hauts immeubles d'habitation est grande. Cette possibilité pourrait fonctionner en théorie mais doit absolument prendre en compte les réalités locales et le besoin de diversité. L'analyse de Bernard Cadeau, ancien président du réseau Orpi, pour France-Soir.

La construction verticale, ou verticalité, sera-t-elle ou serait-elle la solution permettant de provoquer le choc de l’offre dont le logement a tant besoin?  Intuitivement, nous avons envie de répondre par l’affirmative: il "n’y a qu’à" construire plein d’immeubles de grande hauteur, partout, dans toutes les grandes villes, et l’offre sera suffisante, les prix seront sages, le marché sera fluide etc.

C’est pour partie une des inspirations de la loi Alur, dite loi Duflot, sous le quinquennat de François Hollande. Cette loi, sans entrer dans les détails techniques, a en effet ouvert la voie à une forme de densification du bâti urbain en incitant à "boucher les dents creuses". On peut ainsi dans le cadre des nouvelles règles locales d’urbanisme surélever un bâtiment entre deux autres plus hauts.

Ces initiatives ne sont pas le fruit du hasard et s’appuient sur un double constat: le manque de logements et la Métropolisation, l’un étant la conséquence de l’autre.

Dans le monde entier, et la France n’y échappe pas, le phénomène de Métropolisation s’accentue. On est passé de la ville à la métropole, beaucoup plus vaste. Outre Paris, Lyon, Bordeaux, Lille,Toulouse, Nice, entre autres sont également concernées à terme. On y constate une raréfaction de l’offre, donc une forte tension sur les prix. Ajoutons à cela l’inflation normative qui renchérit le coût de la construction. Le foncier urbain est de plus en plus cher et le ratio nombre de propriétaires/nombre de locataires tend à s’inverser, les propriétaires devenant moins nombreux que les locataires. Lesdits locataires de leur résidence principale sont amenés, faute de revenus suffisants à investir en parallèle ailleurs lorsqu’ils souhaitent se constituer un patrimoine.

Voir aussi - San Francisco: comment le boom de la "tech" a rendu l'immobilier inabordable

Dans certains cas, la Métropolisation, elle, se traduit par des excès incroyables. Ainsi, à San Francisco, proche de la Silicon Valley où les prix flambent, les SDF sont plus nombreux que les enfants scolarisés!

> L’homo erectus est devenu l’homo urbanicus!

Mais alors que veut-on? Des "villes à la campagne" chères à Alphonse Allais? Hong Kong-sur-Seine ou sur Rhône? La Défense partout dans Paris? Des villes futuristes du type Cinquième élément? Prenons un peu de recul, observons ce qui existe en dehors de nos frontières et considérons que la diversité doit faire partie intégrante du paysage. Nul n’imagine que les immeubles haussmanniens puissent être demain remplacés par des tours! Il y aurait à l’évidence un désaveu collectif! Mais une mixité intelligente à l’échelle de la ville avec une obligation permanente d’intégration dans le site peut se concevoir. N’oublions pas qu’il faut augmenter significativement l’offre de logements, fluidifier le marché tout en ne sacrifiant pas la qualité de vie à la densification!

Faut-il choisir entre verticalité, densité et étalement urbain? Aucun choix ne peut être aussi radical, même si la tendance lourde des vingt dernières années va plutôt à l’étalement urbain.

Pourtant, l’étalement des villes conduit à une diminution des surfaces cultivées, des espaces verts, à une augmentation des infrastructures et services publics donc à terme de la fiscalité locale. Au plan environnemental, l’augmentation des surfaces étanches issue des constructions a un impact sur les inondations. La politique d’aménagement du territoire est à cet égard fondamentale.

Paris, pour ne parler que d’elle, est une "Ville Monde" au même titre que Londres ou New York par exemple.

L’une et l’autre connaissent le phénomène de métropolisation alliant verticalité et étalement. C’est très net à New York et plus précisément à Manhattan où la densité de constructions au Sud et plus au nord côtoie des quartiers composés d’immeubles bas, voire de petites maisons, comme par exemple le Village ou le nord de Central Park avec Harlem. Dans les zones très denses, il est possible de reconstruire au dessus des bâtiments existants en revisitant  le principe de copropriété en volume.

Partout autour, et dans les cinq "boroughs" (ou quartiers) new-yorkais, la diversité est présente. Londres n’échappe pas à la règle non plus.

Les nouvelles technologies appliquées à la construction permettent de construire moins cher, "plus vert" avec des bâtiments zéro émission, voire à énergie positive, donc des techniques particulièrement soucieuses de la protection environnementale .

Le futur Grand Paris dans les dix années qui viennent appliquera ces principes: la construction prévue de 70.000 logements par an devra amorcer la fluidité (tant attendue) du marché et, à défaut de supprimer le périphérique, comme le proposent certains candidats à la Mairie de Paris, les limites économiques et sociales de la ville seront de fait repoussées.

Alors, la verticalité est-elle l’unique solution pour provoquer ce choc de l’offre indispensable au logement? Non sans aucun doute, mais il faut mixer plusieurs solutionsLa verticalité ne se conçoit que dans la diversité. La volonté politique doit s’affirmer dans un plan volontairement ambitieux et dans une action constante qui devra se prolonger sur plusieurs dizaines d’années.

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