Des tissus humains imprimés en 3D : le défi d'une jeune entreprise française

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 08 février 2016 - 11:57
Image
Une recherche dans un laboratoire.
Crédits
©Gareth Watkins/Reuters
Poietis a déjà déposé trois familles de brevets pour sa technologie d'impression d'organes en 3D.
©Gareth Watkins/Reuters
La société Poietis, basée près de Bordeaux, tente d'utiliser la révolution de l'impression 3D dans le domaine de la santé. Elle parvient déjà à reproduire de la peau, avec l'objectif de recréer un jour d'autres organes.

Créer des tissus humains grâce à l'impression 3D par laser: à Pessac, près de Bordeaux, la toute jeune entreprise Poietis a mis au point une technologie très prometteuse permettant d'ores et déjà de reproduire de la peau.

"Il s'agit de marier les technologies d'impression 3D et la biologie cellulaire afin de fabriquer, couche par couche, des tissus biologiques", résume Fabien Guillemot, ancien chercheur à l'Inserm (Institut national de santé et de recherche médicale) et fondateur de la start-up en 2014.

Car l'impression tridimensionnelle, qui permet la création d'un volume par l'empilement de couches, a ouvert de très nombreux champs d'expérimentation, notamment pour les chercheurs travaillant sur le vivant.

A ce jour, quatre technologies de "bio-impression" coexistent. Mais Poeitis (du grec "fabriquer") est pour l'heure la seule entreprise au monde, selon ses initiateurs, à "imprimer" de la matière vivante grâce à de la lumière laser. "Le laser a plusieurs avantages. Il permet, par sa très haute définition, de reproduire toute la complexité des tissus, avec une précision très élevée. Il permet aussi d'assurer la viabilité des cellules à hauteur de 95 à 100%", explique le jeune entrepreneur.

Mais alors, comment passe-t-on de quelques cellules mises en culture à la complexité d'un véritable tissu fonctionnel? "Grâce au laser, l'imprimante dépose des micro-gouttelettes contenant des cellules, couche par couche, selon un modèle prédéfini par ordinateur et inspiré de tissus existants", détaille Fabien Guillemot, dont l'entreprise a déjà déposé trois familles de brevets.

Ces modèles numériques, entièrement mis au point par Poietis, permettent non seulement d'organiser les cellules au départ, mais également d'anticiper la façon dont elles vont interagir dans le temps. "Avec une précision de l'ordre de 20 microns (millièmes de millimètre, NDLR), soit autour de la taille maximum d'une cellule, le laser permet de guider l'auto-organisation des cellules", explique le chercheur. Trois semaines sont nécessaires pour reproduire de la peau.

Pour l'heure, l'entreprise, qui compte une vingtaine de salariés (biologistes, ingénieurs en optique, informaticiens...), utilise deux imprimantes mises au point avec l'Inserm et le laboratoire Alphanov, dépendant du Pôle de compétitivité bordelais dédié aux lasers. Mais elle travaille déjà à l'élaboration de son propre outil d'impression, qui devrait être opérationnel d'ici à deux ans.

Si l'objectif pour Poietis est "d'aller en clinique" pour servir à la réparation de tissus, l'entreprise fonde d'abord son développement sur l'énorme potentiel que représentent les tests en recherche cosmétique et pharmaceutique. "C'est pour cela que nous avons d'abord travaillé sur la peau, c'est une vraie opportunité de développement", confie l'entrepreneur, qui vient de signer un partenariat stratégique avec le géant mondial de la chimie, le groupe allemand BASF, fournisseur d'ingrédients pour les cosmétiques.

L'enjeu est d'autant plus grand que les tests sur animaux pour les cosmétiques sont interdits depuis 2013 dans l'Union européenne. Pour la recherche pharmaceutique, il s'agit de reproduire autant des "peaux saines" que des "peaux pathologiques".

La société, qui vient de procéder à une augmentation de capital de 1,2 million d'euros (dont 1 million de financement participatif pour PME), compte valider ses premiers produits et les commercialiser auprès des centres de recherche et de tests d'ici à 2017.

En matière médicale, il faudra être plus patient. Poietis envisage la fabrication de greffons de peau, totalement assimilables par le greffé puisque fabriqués à partir de ses propres cellules, d'ici à dix ans environ.

Mais les expérimentations menées au sein d'un laboratoire de l'Inserm ouvrent déjà d'autres horizons. Des tests sur une souris blessée au crâne ont mis en évidence la façon dont la bio-impression par laser pouvait contribuer à la réparation osseuse directement sur le sujet.

Dans cette perspective, la reproduction d'organes, dans le cadre d'une médecine toujours plus personnalisée, ne semble plus une chimère. Mais derrière la révolution technologique se profile un vertigineux questionnement éthique.

"Nous nous sommes posés une limite", précise sans détour Fabien Guillemot: "nous nous bornons à la réparation des tissus et non leur augmentation ou leur amélioration".

 

À LIRE AUSSI

Image
Prothèse de la main e-Nable
Maxence, 6 ans, premier Français à recevoir une prothèse de la main imprimée en 3D
Maxence, un petit garçon de six ans né sans main droite va recevoir ce lundi une prothèse imprimée en 3D, une première en France. Grâce à cette technologie ludique et ...
17 août 2015 - 14:26
Société
Image
Des médicaments en vrac.
Etats-Unis : le premier médicament conçu par une imprimante 3D autorisé sur le marché
Pour la première fois, l'Agence américaine des médicaments (FDA) a approuvé la mise sur le marché d'un médicament pharmaceutique fabriqué par une imprimante 3D. Ce der...
05 août 2015 - 13:10
Société
Image
Première impression 3D depuis l'ISS.
Nasa : première impression 3D depuis l'ISS
Les astronautes de la Station spatiale internationale (ISS) ont imprimé, pour la première fois, un objet dans l'espace grâce à une imprimante 3D. Considérée comme une ...
28 novembre 2014 - 20:01
Société

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.