Diméthoate : les producteurs de cerises inquiets après l'interdiction de cet insecticide

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 01 avril 2016 - 15:20
Image
La récolte des cerises.
Crédits
©Raymond Roig/AFP
"Si on ne fait rien, on n'aura plus de cerises en France dans trois ans", prévient Luc Barbier, président de la section fruits de la FNSEA.
©Raymond Roig/AFP
Par souci de santé publique, l'Etat vient d'interdire l'utilisation du diméthoate dans l'agriculture. Un produit qui fait courir des "risques inacceptables" aux consommateurs et professionnels, selon les autorités, mais dont les agriculteurs ont besoin pour protéger les fruits rouges, notamment les cerises qui arrivent bientôt à maturité, d'un moucheron dévastateur.

Les cerises françaises peuvent-elles résister aux attaques dévastatrices d'un moucheron sans diméthoate, un insecticide récemment interdit? Les agriculteurs s'inquiètent de l'absence de traitement alternatif, alors que les fruits presque mûrs seront particulièrement vulnérables dans quelques semaines.

Pour la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, le problème du diméthoate est un "cas d'école". "Dans cette affaire, l'Etat est face à un double impératif: celui de la protection de la santé publique, et celui de la survie des producteurs de cerises", écrivait récemment le syndicat dans un communiqué.

Le diméthoate, un insecticide organophosphoré, déjà interdit pour la plupart des productions mais encore autorisé pour les cerises, a été retiré du marché le 1er février par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). L'Anses pointe des "risques inacceptables" pour le consommateur, les cultivateurs ainsi que pour les oiseaux et les mammifères.

Mais les producteurs de cerises français se disent du coup démunis face à la drosophile suzukii, un moucheron invasif arrivé en France vers 2010, qui a pour particularité de s'attaquer aux fruits en train d'arriver à maturité. Ce moucheron de 2mm, qui se reproduit à une vitesse fulgurante, s'attaque surtout aux fruits rouges, par exemple les tomates, et peut détruire la totalité de la production d'un verger.

"Nous risquons de faire faillite. L'Etat a accordé à mon fils le droit de s'installer mais ne lui donne pas les moyens pour lutter contre la drosophile suzukii", déplore François Soubeyran de la FDSEA Ardèche. Ses 20 hectares de cerisiers représentent 96% de son revenu.

D'autres molécules chimiques peuvent être utilisées, comme les spinosines ou le cyantraniliprole, mais "elles sont 8 à 10 fois plus chères que le diméthoate et peu efficaces étant donné la rapidité de reproduction du moucheron", explique Emmanuel Aze, de la Confédération paysanne. Les filets anti-insectes qui pourraient servir de parade coûtent bien trop cher: 20 à 30.000 euros/hectare.

"Je me pose la question de régler le problème à la tronçonneuse, comme beaucoup", et de me concentrer sur d'autres fruits moins problématiques, regrette M. Aze, pourtant très concerné par l'environnement, qui a renoncé à utiliser le diméthoate au vu de sa toxicité élevée. "Le diméthoate reflète de manière très explicite que pour sortir des pesticides, il y a un problème de coût", regrette-t-il.

"Si on ne fait rien, on n'aura plus de cerises en France dans trois ans", estime Luc Barbier, président de la section fruits de la FNSEA, syndicat majoritaire. Non seulement parce que les arboriculteurs risquent d'abandonner les cerises. Mais aussi parce que les importations, qui représentent déjà la moitié de la consommation française de cerises, pourraient grimper en flèche depuis les pays où le diméthoate est encore autorisé, comme en Espagne ou en Turquie.

La FNSEA, syndicat agricole majoritaire, a donc demandé au ministère de l'Agriculture une dérogation de 120 jours, le temps de pouvoir traiter les cerisiers au diméthoate fin avril-début mai, avant que les cerises commencent à rougir et à attirer les moucherons gourmands de sucre.

Stéphane Le Foll a choisi cette semaine une stratégie différente, assurant qu'il s'agit de préserver les intérêts économiques des producteurs tout en protégeant le consommateur. Le ministre a demandé à la Commission européenne d'interdire en urgence le diméthoate dans toute l'UE, ainsi que la mise sur le marché de cerises provenant de pays ou d'Etats membres dans lesquels l'insecticide est autorisé.

Sans réponse de Bruxelles d'ici mardi prochain 5 avril, la France déclenchera une clause de sauvegarde nationale pour interdire la commercialisation dans l'Hexagone de cerises traitées au diméthoate, une mesure très rarement déclenchée.

La Confédération paysanne demande une prise en charge partielle des pertes et un plan national d'aide pour financer l'installation des filets.

 

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.