La baisse nette du nombre de chômeurs en septembre ne doit pas faire oublier que le chômage de masse reste une réalité

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 25 octobre 2017 - 11:23
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Une file d'attente à Pole Emploi.
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©Philippe Huguen/AFP
Au 3,5 millions de chômeurs, il faudrait ajouter encore 1,4 million de personnes à la frontière de celui-ci: le fameux "halo" autour du chômage du BIT.
©Philippe Huguen/AFP
Il faut se réjouir de la baisse marquée du nombre de chômeurs en septembre (-1,8%), la plus forte depuis un an. Mais cette bonne nouvelle objective ne doit pas faire oublier le chemin qu'il reste à parcourir pour lutter contre le chômage de masse, endémique et structurel en France, analyse Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, pour "FranceSoir".

Fort logiquement, le chômage dépasse la question du pouvoir d'achat pour qui scrute attentivement les préoccupations des Français. Pour le mois de septembre, les chiffres annoncés mardi 24 au soir sont favorables: moins 64.800 chômeurs de catégorie A.

En tant qu'humaniste, j'en suis heureux pour celles et ceux qui ont retrouvé un emploi.

En tant qu'économiste indépendant, je vais observer avec curiosité (et une forme de gourmandise interrogative) ceux des économistes qui vont "revenir" vers le décompte de Pôle emploi et lui trouver, "à nouveau", des vertus.

Le pouvoir a, pour l'instant,  décidé de répondre avec des outils sortis d'une malle libérale: flexibilisation du marché du travail, appel sonore à la mobilité géographique à l'occasion du douloureux conflit de GM&S (Creuse), etc. Pour l'heure, il n'a pas encore mis en chantier opérationnel le volet sécurité de la trop fameuse flexisécurité à la danoise. Ainsi, le jeudi 12 octobre, il a été annoncé un menu de réformes (assurance-chômage, formation, etc.) qui s'étaleront sur 2018 et seront ardues.

Concernant le chômage, je voudrais confier une première conviction. Il est désormais très tendance, parmi les décideurs et les économistes, de dénigrer les décomptes de Pôle emploi (qui étaient avant l'alpha et l'omega de la situation) et de se caler sur ceux de l'INSEE car proches de la méthodologie de recensement du BIT (Bureau international du travail). Etrange changement de paradigme au moment où la conjoncture est précisément délicate à décrypter. Nous pourrions en effet aller vers une embellie de la croissance (+1,8% pour 2017) sans pourtant voir un reflux aussi net, aussi prononcé du chômage.

Deuxième conviction, il faut se souvenir d'une habileté (on peut appeler cela autrement…) de François Hollande qui a engagé il y a près d'un an un grand plan de mises en formation (catégorie D de Pôle emploi) histoire de dégonfler de plus de 230.000 les chiffres des catégories A et B. "Plus la ficelle est grosse...".

Or, les inscrits de catégorie A (ceux qui n'ont pas travaillé durant le mois considéré) ont augmenté de 46.500 entre juin et août. Certains experts réfutent cette hausse (qui a quand même une évidente réalité) et soulignent que, selon, l'INSEE le chômage aurait reculé de 150.000 personnes pour le premier trimestre 2017.

Les plus optimistes, tel que Bertrand Martinot, (ancien délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle) vont plus loin et affirment dans Les Echos en date du 4 Octobre courant que "Si l'on prend un peu de recul, on constate que les indicateurs du marché du travail ont commencé à se redresser à partir de la mi-2015, ce qui a conduit à un recul du taux de chômage de 1 point, soit environ 300.000 personnes, entre le deuxième trimestre 2015 et le  deuxième trimestre 2017 . Pourtant, sur la même période, le nombre d'inscrits à Pôle emploi en catégorie A est resté désespérément stable".

Je ne souscris pas à cette approche d'une inversion de la courbe "à partir de la mi-2015" pour deux raisons. En premier lieu, les chiffres de Pôle emploi ne méritent pas l'autodafé! Et, deuxième raison, si l'inversion avait eu lieu à cette époque, un certain François Hollande aurait su trouver à l'exploiter durant toute l'année 2016 pour d'évidentes visées électoralistes.

Troisième conviction, trop d'économistes vouent une morgue dédaigneuse à un concept pourtant fondamental: celui de  halo" autour du chômage.

Défini par l'INSEE, ce concept doit voir sa définition lue attentivement.

"La définition et la mesure du chômage est complexe et extrêmement sensible aux critères retenus. En effet, les frontières entre emploi, chômage et inactivité ne sont pas toujours faciles à établir (exemple d'un étudiant qui travaille quelques heures par semaine...).

Le Bureau international du travail (BIT) a cependant fourni une définition stricte du chômage, mais qui ignore certaines interactions qu'il peut y avoir avec l'emploi (travail occasionnel, sous-emploi), ou avec l'inactivité: en effet, certaines personnes souhaitent travailler mais sont +classées+ comme inactives, soit parce qu'elles ne sont pas disponibles rapidement pour travailler (deux semaines), soit parce qu'elles ne recherchent pas activement un emploi.

Ces personnes forment ce qu'on appelle un +halo+ autour du chômage".

Certains recoupements d'antennes de Pôle emploi et une étude INSEE estiment que le "halo" du chômage frôlerait les 1.400.000 personnes en ce moment ce qui nuance, hélas, certains discours triomphalistes.

La France est bien un pays où le chômage de masse est profondément incrusté d'autant que sa durée moyenne est une des plus élevées d'Europe. Supérieure à un an en moyenne et supérieure à deux ans pour les plus de cinquante ans.

Et pourtant, près de 450.000 emplois sont non pourvus ce qui nous désigne le chemin de la refonte nécessaire de nos appareils de formation.

Ma conviction sur le halo du chômage est essentielle car elle conduit à nuancer le chiffre rituel de la seule catégorie A communiqué par Pôle emploi.

Dernière conviction, la France respecte la loi d'Okun qui permet d'établir qu'à compter de 1,5% de croissance, le pays voit le chômage se contracter.

Ces deux lignes sont, bien entendu, primordiales tout autant que mes cordiales pensées qui se tournent vers les près de 65.000 personnes qui ont quitté le statut éprouvant de chômeur ou de chômeuse.

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