Loi Travail : la réforme controversée des licenciements économiques débarque

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 29 novembre 2016 - 18:00
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La réforme des licenciements économiques a été ajoutée au dernier moment dans le projet de loi Travail de Myriam El Khomri.
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Les mesures de la loi Travail rentrent peu à peu en vigueur. Jeudi, c'est le tour de la réforme sur les licenciements économiques, dont les motifs vont être remis à plat dans un souci de sécurité de l'emploi.

Jeudi entre en vigueur l'une des mesures les plus controversées de la loi Travail: la réforme remettant à plat les motifs de licenciement économique, dans le but de "sécuriser" l'employeur face au juge mais qui soulève de vives inquiétudes côté salariés.

Ajouté au dernier moment dans le projet de loi El Khomri en février, l'article 67 (ex-article 30 bis) fut l'un des déclencheurs de la vague de contestation contre ce texte. S'inspirant d'autres modèles européens, notamment l'Espagne, il inscrit dans le code du travail les motifs justifiant un licenciement économique.

Objectif: "sécuriser" ces licenciements face au juge prud'homal, qui peut condamner une entreprise à des dommages et intérêts s'il estime la rupture du contrat de travail "sans cause réelle et sérieuse". Et limiter ainsi, selon le gouvernement, la "peur" de licencier, -donc la peur d'embaucher-, pour in fine favoriser l'emploi en CDI.

A compter du 1er décembre, deux nouveaux motifs économiques jusqu'ici reconnus par la jurisprudence feront leur entrée dans le code du travail: la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d'activité.

Par ailleurs, les difficultés liées à une baisse "significative des commandes ou du chiffre d'affaires" par rapport à la même période de l'année précédente sont précisées: un trimestre pour les entreprises de moins de 11 salariés, deux trimestres consécutifs pour les moins de 50...

Un nouveau mécanisme que saluent les petits patrons. "Il y aura désormais un élément incontestable par le juge qui va pouvoir sécuriser l'éventuel licenciement", estime Jean-Michel Pottier, en charge des affaires sociales à la CGPME.

Il existe selon lui "une vraie peur du juge, parce qu'une petite boîte qui est mal à l'aise avec des systèmes juridiques complexes peut faire des erreurs de procédures qui lui coûtent des indemnités délirantes", ajoute M. Pottier.

"Les patrons de TPE-PME cherchent tous les moyens pour ne pas embaucher, par crainte d'être coincés en cas de retournement de conjoncture", souligne le responsable patronal, pour qui toute "dédramatisation de la rupture" est "favorable à l'emploi".

Les grosses entreprises semblent moins impatientes. "Les DRH n'attendent pas le doigt sur la gâchette, cette réforme ne fait qu'entériner une jurisprudence déjà sévère", estime Sylvain Niel, avocat chez Fidal, qui conseille plusieurs grands groupes.

Le Medef regrette que le gouvernement ait renoncé à changer le périmètre d'appréciation des difficultés, qui aurait permis, comme ailleurs en Europe, de les évaluer au niveau de l'entreprise et non plus au niveau du groupe.

"Tout le malheur du licenciement économique en France vient de la question du périmètre", explique Danièle Chanal, du syndicat d'avocats d'entreprise AvoSial. "Demain si une filiale perd 400.000 euros par mois en Auvergne mais qu'au Mexique le groupe est bénéficiaire, il n'aura toujours pas de motif pour la restructurer. Cela va continuer à décourager d'investir en France", poursuit la juriste.

Mais l'effet de la loi ne sera pas nul pour autant, nuance-t-elle: "Il y a clairement des entreprises dont les indicateurs vont +matcher+ avec la nouvelle définition et qui attendent décembre pour démarrer leurs plans".

C'est bien ce que l'on craint côté salariés. "La loi va naturellement faciliter les licenciements puisqu'elle fixe des cas dans lesquels ils seront +automatiquement+ considérés comme justifiés, au regard d'indicateurs comptables sur lesquels de nombreux employeurs peuvent aisément jouer", s'inquiète Judith Krivine, avocate chez Dellien associés.

"En pré-constituant le motif économique, la loi va contraindre le juge et le contourner. Or, seul un travail humain peut permettre de vérifier que les montages d'une entreprise correspondent à de réelles difficultés", abonde Me Etienne Colin.

Il prend pour exemple la baisse du chiffre d'affaires, "dont la jurisprudence a toujours considéré qu'elle ne pouvait à elle seule constituer un motif économique. Ce critère ne veut rien dire en soi, une entreprise d'un secteur très profitable comme l'industrie pharmaceutique peut présenter un chiffre d'affaires inférieur à celui de l'année précédente mais demeurer très riche".

L'avocat prédit une recrudescence des licenciements "surtout dans les petites entreprises qui ont préféré ces dernières années recourir aux ruptures conventionnelles".

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