Kobe Steel : derrière le scandale, les pratiques parfois limites des grandes entreprises japonaises sur le contrôle qualité
Le scandale qui est en train d’éclore s’avère potentiellement aussi ravageur que celui de Volkswagen en Europe. Kobe Steel, le géant de la métallurgie qui a reconnu que certaines de ses procédures de contrôle qualité étaient erronées suite à des malversations, n’en finit pas de s’enfoncer, mettant en lumière certaines pratiques sombres des grandes entreprises japonaises.
En effet, la falsification des données sur des pièces en aluminium ou en cuivre, qui ont ensuite été vendues dans l’industrie, l’automobile ou l’aéronautique, durait depuis des années. Et c’est maintenant un horizon temporel plus abyssal encore qui est évoqué: les pratiques auraient duré… depuis des décennies, et seraient même une habitude du monde des affaires au Japon.
L’onde de choc mondiale ne fait peut-être d’ailleurs que commencer. Kobe Steel a admis en effet qu’au moins 500 entreprises ont acheté des produits dont les données des contrôles sur la qualité ont été falsifiées. L'industriel japonais promet de publier dans le courant du mois de novembre les résultats d’une enquête quantifiant avec exactitude la nature des produits vendus avec des données insincères, et la nature des acheteurs. Mais le géant de la métallurgie admet déjà que le travail de recensement est complexe du fait du grand nombre de secteurs touchés… et de l’ancienneté de certaines ventes.
Derrière le scandale, c’est aussi une pratique obscure, et culturellement ancrée au Japon qui est pointé du doigt: le tokusai. Intraduisible, le terme évoque l’acceptation bienveillante par un client du non-respect des normes que son fournisseur doit normalement suivre, tant que le bien fourni reste fonctionnel et sécurisé. Le géant de l’automobile Toyota a d’ailleurs déjà reconnu avoir identifié clairement des plaques d’aluminium fournies par Kobe Steel pour la construction de ses Lexus et de ses Prius qui ne correspondaient pas aux données du contrôle qualité. Ce qui n’a pas empêché l’entreprise d’assurer que ces produits restaient conformes aux exigences de sécurité.
Sommé de s’expliquer, notamment par les clients extérieurs au Japon (la justice américaine a déjà ouvert sa propre enquête), Kobe Steel, tout en reconnaissant ses torts, a d’ailleurs fourni une explication décomplexée sur son usage du tokusai. Son vice-président Naoto Umehara a déclaré à la presse qu’"il était possible qu’il y ait une acceptation tacite sur le fait que maquiller les résultats serait une bonne chose". Problème, le tokusai, en plus d’être particulièrement discutable, nécessite en principe "l’acceptation tacite", soit le fait que le client ait bien conscience que les données sur la qualité sont des faux destinés à faciliter les affaires. Toyota l’a certes admis de même que Mazda et Honda, mais est-ce également le cas pour les entreprises étrangères, comme par exemple Airbus, Renault ou PSA? La question est particulièrement sensible: si les clients reconnaissaient la pratique du tokusai, cela signifie qu’ils avaient conscience d’acheter des produits sur lesquels un doute sur la sécurité existait et seraient donc à leur tour éclaboussés par le scandale. S’ils ne le savaient pas, ce sera sans doute le début de contentieux multiples pour Kobe Steel qui pourraient mettre l’entreprise qui emploie 36.000 personnes à genoux.
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