Transidentité : la difficile question de la psychiatrie dans les parcours de transition

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Par Robin LEGRAND - Paris (AFP)
Publié le 06 avril 2019 - 10:00
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Manifestation de soutien aux droits des personnes transsexuelles et transgenres, le 11 octobre 2008 à Paris
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© BORIS HORVAT / AFP/Archives
Manifestation de soutien aux droits des personnes transsexuelles et transgenres, le 11 octobre 2008 à Paris
© BORIS HORVAT / AFP/Archives

La place de la psychiatrie dans les parcours de transition des personnes transgenres constitue une problématique majeure pour certaines associations qui souhaitent que la transidentité ne soit plus considérée comme une pathologie.

Pour Jules, coprésident de l'association OUTrans, les examens psychiatriques doivent laisser la place à un processus "d'auto-détermination".

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé en juin 2018 de retirer la transidentité de sa liste des troubles mentaux pour la classer dans le chapitre de la santé sexuelle. La France avait été le premier pays au monde, en février 2010, à sortir la transidentité de la liste des affections psychiatriques.

Pour autant, la psychiatrie conserve une place importante dans les parcours de transition des personnes transgenres.

L'initiation d'une transition se fait ainsi soit auprès de médecins libéraux, soit en milieu hospitalier. Si, dans le premier cas, un examen psychiatrique n'est pas forcément demandé pour débuter une thérapie hormonale, il est presque systématique dans le second.

A l'hôpital, la plupart des demandes de transition sont entendues par des membres de la Société française d'études et de prise en charge de la transidentité, (SoFECT), très décriée par les associations trans.

- Une première barrière -

La transition débute donc par une évaluation psychiatrique afin d'établir l'existence d'une "dysphorie de genre", c'est-à-dire l'existence d'une détresse psychique due à la différence entre le genre d'identification d'une personne et son genre d'assignation à la naissance. Suit le passage devant une commission pluridisciplinaire, composée d'un psychiatre, d'un endocrinologue, ou encore d'un chirurgien, préalable aux débuts d'une thérapie hormonale.

C'est cette procédure que veulent dénoncer plusieurs associations pour qui l'examen devant un psychiatre relève du diagnostic de pathologie. Le passage devant une commission entraîne également, selon elles, beaucoup de stress et d'anxiété pouvant provoquer une "fragilisation de la personne, obligée de justifier son identité", affirme Clémence Zamora Cruz, porte-parole d'Inter-LGBT.

Elle ajoute que la psychiatrisation, soit le fait de considérer qu'un phénomène relève du domaine psychiatrique, "reste la première barrière au processus de transition" et constitue une "violence".

Selon elle, les équipes hospitalières se sont "auto-proclamées comme centres de référence".

Pour Tom Reucher, psychologue clinicien à Brest, lui-même transidentitaire, "les équipes médicales hospitalières veulent une hégémonie sur la question".

"Pour entamer une transition, des médecins demanderont parfois des certificats de psychiatres difficiles à obtenir. Ça n'arrange que la SoFECT", affirme-t-il.

- Absence d'enseignement -

La communauté scientifique spécialisée "s'accorde bien heureusement pour affirmer" que la "variance de genre" n'est pas une pathologie, assure de son côté le Dr Sébastien Machefaux, psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne à Paris, et membre de la SoFECT.

Le psychiatre rejette également la notion de psychiatrisation: "En matière d'accompagnement des personnes trans, je suis les recommandations internationales. La WPATH (Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres) insiste beaucoup sur l'interdisciplinarité: endocrinologie, psychiatrie et chirurgie et parfois d'autres spécialités encore. Il est pour moi étrange de parler de psychiatrisation alors que nous travaillons de façon pluridisciplinaire, avec les endocrinologues et les chirurgiens".

Le Dr Hervé Hubert, psychiatre, chef de service à la fondation L'Elan Retrouvé, et praticien associé à l'hôpital Saint-Louis estime lui que "la psychiatrie ne doit pas être un principe absolu au début d'une transition". S'il considère l'intervention d'un psychiatre "légitime avant une chirurgie de réassignation sexuelle", le début du processus de transition doit surtout se faire avec un "médecin qui s'y connaît qui a de l'expérience, un savoir partagé".

Celui qui est également psychanalyste déplore l'absence d'enseignement de la transidentité au sein des facultés de médecine.

Un constat qui fait écho à celui de Jules qui souhaiterait une "réelle formation des professionnels de santé à cette thématique de la transidentité".

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